Qu'est-ce que ça vous dit ?
Par Kozlika le mercredi 15 mars 2006, 18:26 - Lien permanent
Au tout début du premier chapitre de l'excellent ouvrage La musique expliquée aux enfants, intitulé « Que signifie la musique ? », Leonard Bernstein écrit :
« N'attachez aucune importance à ce que les gens disent sur ce que signifie la musique, oubliez tout. La musique ne raconte pas d'histoires. Elle n'a pas de sujet. Elle est. Tout simplement.
La musique est un ensemble de notes et de sonorités magnifiques, si bien agencées que l'on prend plaisir à les écouter. Alors quand on me pose la question "Que signifie la musique ? Que signifie ce morceau de musique ?", il s'agit là d'une question difficile. Efforçons-nous d'y répondre.
Quand on dit " Qu'est-ce que ça signifie", en fait on demande : "Qu'est-ce que ça me dit ?" »
Qu'est-ce que ça vous dit ? C'est ce que je vous demanderai avec quelques extraits de musique instrumentale ou d'opéra sur lesquels nous pourrions imaginer un scénario, une histoire, des paroles, des images. A faire directement dans les commentaires, par mail ou par trackback.
Aujourd'hui, pour inaugurer cette série, ceci :
« Suite n° 1, prélude » BWV 1007, de Jean-Sébastien Bach, par Pierre Fournier (Archiv productions, Legendary recordings)
Commentaires
Prems à me lancer : ça me dit : c'est l'automne, des feuilles voltigent au gré du vent. Une course effrénée s'engage entre elles. Sur la fin des enfants arrivent et dansent avec elles, s'enlacent, on finit par ne plus distinguer où sont les feuilles, où sont les enfants. C'est léger, aérien, c'est d'une joyeuse monotonie.
(la musique commence)
Etendue d'eau… tranquilité du promeneur qui installe son regard sur les rochers… immobilité du temps qui respire…
Je marche lentement promenant mon ombre sur la plage déserte. Au loin, un navire, une mouette et un phare.
La porte d'une grande bâtisse. Une serrure démesurément grande.
Le calme.
(la musique s'arrête)
En fermant les yeux et en me concentrant sur les notes, je vois un homme tout seul dans une pièce vide, très dépouillée, une pièce qu'on a vidée. Il regarde dehors par la fenêtre sans rideaux ni volets, il se met à penser à quelque chose, il rumine cette idée, il laisse affluer à son esprit de petits souvenirs, et cela enfle dans sa tête, une idée en fait naître une autre puis il revient à la première et c'est un ballet dans sa tête, une broderie, les mêmes souvenirs reviennent, insidieux, inoubliables, prennent de plus en plus d'importance, occupent tout cet espace vide... alors il s'en va, j'entends le bruit de la porte qu'il ferme derrière lui.
Ça me dit... quelque chose de doux danse dans le coeur, un bonheur s'étire avec application entre les notes, une caresse sur la gorge trop émue, une petite fille apparait en robe de feuilles et pose sa joue sur le ventre du violoncelle qui s'est tu.
Pub (et même pas honte)
Pour ceux qui voudraient continuer la visite des suites pour violoncelle, j'en ai mis dans ma radio, suite à ce merveilleux concert...
...À écouter absolument , la radio de B. Un bijou, une merveille.
J'ai du mal à dissocier cette musique de la très belle chorégraphie qu'en fait la danseuse Margie Gillis. Dès les premières notes, je la vois danser, danser...
Sinon, selon mon humeur, j'y vois parfois un ruisseau qui se transforme en petite rivière et qui finalement, devient une chute d'eau. Parfois, étrangement, c'est une mère qui joue avec son enfant et qui, finalement, le fait tournoyer dans les airs. Et parfois aussi, une plante, une sorte de lierre, qu'on voit pousser, pousser, qui suit des murailles, qui grimpe et qui, finalement, au bout d'une de ses branches, produit une fleur.
Un vendredi matin de début de printemps - c'est à peine sensible, mais le jour qui fait chanter dans les buissons sans feuilles, la neige fond - c'est la descente hebdomadaire, pour faire les courses, du village tout seul en haut qui porte un nom de Saint, 1852m, à l'Inter dans la vallée - il faut une bonne demi-heure dans les lacets, frein moteur et la 4L ronronne comme un vieux violoncelle, jusqu'à retrouver un peu l'élan du plat sur la portion de nationale. Sa nièce et son copain remonteront avec lui pour le week-end.
IL y a 50 ans, l'air absorbé de ma mère l'écoutant
Les yeux clos, le visage fermé de ma mère, il y a 50 ans.
(j'avais écrit trop vite)
Bon, faut que je la ressorte alors : Érection matinale :-)
Hé hé... Je me souvenais fort bien de ce billet lorsque j'ai proposé cette piste ;-)
Bon, alors, c'est un homme, il s'appelle Pierre (ou Truls ou Pablo ou Yo-Yo ou Anner, ou alors c'est une femme, elle s'appelle Anne (mais alors on risque de s'endormir)), il s'assied sur son siège, il pose sa partition sur son pupitre, il plante la pique de son violoncelle dans le parquet (il n'est pas chez lui, il s'en fiche), il retend son archet, l'enduit de colophane, il accorde son instrument, il inspire et attaque le prélude de la suite n°1 de Bach. A partir de là, on est prié de se taire...
Non seulement Ph[s] dit du mal chez lui de La Kathleen, mais en plus il vient ici dire du mal des Anne...
Mais pas "des" Anne, d'une Anne, et pas de la maîtresse de maison, qui n'est pas violoncelliste, que je sache.
J'adore cette idée. Pour la peine, j'ai parlé du temps du chef d'oeuvre.
Les jardins du Palais-Royal sont entourés d'immeubles cossus, d'arcades, hors du temps. Il serait là, sur une chaise au milieu de l'allée déserte, son violoncelle entre ses bras. Il jouerait le Prélude de la Suite pour violoncelle seul n° 1. Assise contre un arbre, ne saurais si je dois fermer les yeux pour mieux m'imprégner de la musique ou les garder bien ouverts pour ne rien rater des arabesques de l'archet, du balancement du violoncelliste au rythme de la musique, de l'harmonie qu'il forme avec son instrument.
Lorsqu'il aurait fini, je lui demanderais qu'il me joue encore cette musique. Qu'il me joue comme cette musique.
Mon second souvenir, qui date de moins de 50 ans, c'est l'image de Pau Cazals dans le choeur de la petite chapelle du village de Prades, vide, lui tout seul sur une chaise en bois, et une lumière parcimonieuse, tous en gris .
Et ce que ça me dit, c'est que cette musique colle à cette chapelle et à cette lumière --ne marche que dans cette chapelle et dans cette lumière...
j'ai bien la vision de la musique qui est présentée ! :) après tout, pourquoi tout devrait se justifier, avoir une raison... :D elle EST, en effet !
Un soir d'automne au cours duquel une jeune artiste invite à découvrir quelques mesures de son univers. Un voyage initiatique vers un instrument qui lui ressemble : impressionnant par la taille, mais surtout par le potentiel qu'il laisse présager...
Le repos de l'âme.
Cette musique combien de fois l'ai je entendu dans ma tête, brise automnale, je marche le long du Canal du Midi, j'admire le vent plisser, draper la surface de l'eau, le soleil brille à travers les érables qui se dénudent de leurs dernières feuilles...cette musique c'est le calme et la volupté de la nature se préparant au sommeil d'hiver (les violoncelles)..on peut tant en dire..