La file d'attente (3)
Par Kozlika le dimanche 14 novembre 2004, 09:02 - Lien permanent
Commencée ici, poursuivie là, voici le troisième volet de « La file d’attente », un conte interactif : à l’issue de votre lecture, je vous invite à en choisir la suite.
Episode 3.
Pendant l’heure qui vient de s’écouler, le volume de la file d’attente a considérablement augmenté. Une quarantaine de personnes se présentent à l’appel de huit heures. Le nombre de places par personne sera donc limité à deux, ce qui me déçoit car j’avais convaincu un couple d’amis de venir avec Alexia et moi et faire ainsi leur baptême d’opéra.
Monsieur Huit s’éloigne pour répondre à un appel téléphonique tandis que je vais saluer Laurent, que je viens d’apercevoir. Laurent est bien plus fan que moi de Natalie Dessay, il se déplace très souvent pour aller l’écouter à l’étranger et achète dès l’ouverture des réservations des places pour chaque représentation parisienne, quitte à assister vingt fois au même spectacle (mais ça n’est jamais tout à fait le même vous dira-t-il). Laurent possède tous les enregistrements publics ou privés de la chanteuse qu’il peut trouver ; la moindre vidéo où l’on peut l’entrevoir de dos à cent mètres le voit prêt à ouvrir son portefeuille ; il est devenu un pro de la recherche sur Internet pour mettre la main sur des documents inédits.
Si Laurent est là, ce n’est pas pour lui-même puisqu’il a déjà réservé pour toutes les dates, mais parce qu’à la suite de l’un de ces quizz et autres devinettes dont nous faisons nos récréations sur le forum de passionnés d’opéra où nous nous sommes connus, il a offert en prix spécial une place à qui retrouverait la trace de l’une des premières auditons publiques de notre colorature nationale. Or le gagnant fit mieux encore puisqu’il avait eu l’heureuse intuition d’enregistrer ce témoignage. Dans l’allégresse d’être bientôt en possession d’un morceau du saint suaire, Laurent avait promis de se dévouer pour l’acquisition de billets pour son bienfaiteur.
Tout en bavardant joyeusement avec mon « coréligionnaire », je surveille du coin de l’œil Monsieur Huit, qui arpente à pas nerveux le parvis de la Bastille et semble très contrarié. Il parlemente manifestement avec un interlocuteur peu sensible à ses arguments puis raccroche avec un haussement d’épaules accablé et se dirige vers son vélo. Je le rejoins tandis qu’il retire l’antivol.
-- Je suis obligé de partir. Un imprévu.
-- Je suis désolée pour vous.
Et pour moi aussi, zut alors, pour une fois que je rencontrais un passionné d’opéra et euh... de cache-cœur...
Il semble hésiter quelques instants tandis qu’il grimpe sur son vélo, puis il se râcle la gorge et demande :
-- Vous comptiez prendre combien de places ?
En moins de dix secondes, je ravale la réponse qui me venait aux lèvres, clame intérieurement un « Pardoooon Alexia ! » en me jurant de revenir s’il le faut dès le lendemain lui offrir une place de première catégorie.
-- Juste une pour moi.
Le sourire de Monsieur Huit est revenu, ses yeux pétillent à nouveau malicieusement.
-- Vous m’en prendriez une ? Je m’en voudrais de vous laisser sur votre faim avec le récit de Lakmé.
-- D’accord, si vous voulez.
J’espère que je n’ai pas l’air trop enthousiaste. Il a quand même l’air de ne guère douter de ma réponse et il me semble bien que mes copines m’ont dit un truc à propos de tenir la dragée haute et tout ça, mais tout se brouille un peu.
-- Alors rendez-vous dans deux semaines ici même, d’accord ? On se retrouve vers 18 heures si vous voulez, comme cela nous aurons le temps de bavarder avant le spectacle.
-- Entendu. 18 heures. Je serai là.
-- Merci, vous me sauvez la vie !
Tandis qu’il s’éloigne rapidement sur son vélo, je réalise que j’ai rendez-vous avec un homme dont je ne sais même pas le nom... Et je tâche de ne pas oublier que les fanas d’opéra sont prêts à tout pour une place.
(à suivre)
Choisissez la suite :
-- Il ne vient pas. Je revends la place à quelqu’un et ce quelqu’un prendra une grande importance dans la suite du récit.
-- Il vient, se révèle être un goujat d’envergure. Il aurait fait n’importe quoi pour une place, la conversation au bistrot, le faux coup de téléphone, tout était une sombre manœuvre destinée à lui éviter la corvée de la file d’attente.
-- Mais pourquoi vois-tu le mal partout ? L’histoire se poursuit, c’est une belle rencontre (ici, préciser l’option brève rencontre ou grande histoire).
ou toute autre suggestion.
Annexe
Une variation sur Monsieur Huit a été écrite par mon amie Catherine. Elle est à lire sur cette page.
Commentaires
'Mais pourquoi vois-tu le mal partout ? L’histoire se poursuit, c’est une belle rencontre option grande histoire.'
Toutefois, comme les gens heureux n'ont rien de palpitant à raconter, je suggère quelques embûches avant que leurs lèvres ne se joignent pour un baiser passionné...
(par exemple, ils ne peuvent pas s'embrasser car il a un bouton de fièvre)
mmmm... t'es naïve il me semble...c'est forcément sa femme qui l'appelle ! elle n'aime pas l'opéra mais toi il trouve que t'es vraiment une copine sympa pour l'accompagner !
Oh la la, je suis bien défaitiste ce soir...
Je vote sans hésitation pour la première (ré)solution : il ne vient pas (il a eu un empechement); Mademoiselle K. revend la place à un Monsieur Z (début d'une grande histoire, troublée néanmoins par le retour imprévu de Monsieur Huit, qui, quand même, fait son possible pour recontacter Mademoiselle K. afin de s'excuser...) Et là, on a le départ d'un grand roman-feuilleton pour le moins Dumasien...
Les autres fins sont par trop banales et prévisibles.
j'hésite entre la 1 et la 3 :-)
1) il ne vient pas, sur les marches de l'opéra tu te dresses dans ta charmante petite jupe framboise que laisse apparaître ton manteau légèrement entrouvert : passe un amateur d'opéra qui justement a envie de voir celui-ci et cherche désespérément une place, il va sans dire qu'il se rue vers toi, heureux de pouvoir acheter une place, tu souris de ton beau sourir malicieux, cela le fait gentiment craquer (on peut être amateur d'opéra, on n'en est pas moins sensible au charme, n'est-ce pas ?)... 3) ton rendez-vous arrive, éperdu sur son vélo, fou de plaisir à la perspective de cette soirée : il avait eu le coup de foudre et toi, tu ne le savais pas...
ces choses-là arrivent parfois, d'accord, c'est "rare", mais rare ne veut pas dire "jamais" :-)
Ne nous arrivent que les choses auxquelles nous croyons !
Option n°3 il a été charmé non seulement par le cache coeur, mais aussi et surtout par tes magnifiques escarpins. Aller soyons fou, il a dans sa poche un champagne millésimé rosé que vous boirez à même l'escarpin.
... et comme l'escarpinest grand (44 fillette), toute la bouteille y passe...
C'est quoi cette histoire ! Et ma place pour Lucia ? Ok, koz, je saurais maintenant à quoi m'en tenir ! Je vois que tu es prête à me laisser en plan au moindre bellâtre qui te fais du genoux pour une place d'opéra. La suite de ton histoire a intérêt à être une belle histoire d'amour qui vaut le coup, parce que si finalement il ne vient pas, je te fais la gueule pour les 25 années à venir.
Boudiou, y en a des choses à lire par là. Va falloir que je revienne me plonger la dedans. Rien que pour en savoir un peu plus sur ce Mr Huit. Euh, sinon, l'option 3 car on voit toujours le mal là ou il n'est pas forcément. Justement. Alors, alors...
le mal ou le mâle partout???