Je me suis réveillée au beau milieu de la nuit dernière, saisie par une découverte subite, si étrange, si déroutante, qu'elle m'a totalement sortie du sommeil. Je n'y pensais même plus. Je pensais devoir apprendre à vivre avec, je croyais y avoir partiellement réussi, et voilà que j'ai vécu sans. C'était tellement stupéfiant que ça m'a réveillée.

Cela fait des semaines, peut-être bien des mois, que je n'ai pas eu de crise d'angoisse : la mort ne m'a pas insidieusement guettée, dissimulée derrière un grain de beauté, une migraine, une palpitation. Je n'ai pas eu une de ces attaques de panique, gouffre béant, vertiges et nausées. Petit tas gémissant accroupi contre un mur « je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir », mi-prière mi-mantra, et la honte après, les excuses. Pardonnez pour le dérangement, ça va passer. Non, je vous assure, ça passe toujours. Et au fond de moi, l'autre angoisse : et si ça ne passait pas un jour ? Et si je restais avec ce troupeau d'éléphants sur la poitrine, ces mâchoires crispées, ce souffle court, ce corps avachi, ces yeux hagards ?

Mais des répits comme ça, j'en ai déjà eu. Depuis des années les crises s'espacent, parfois de longs mois durant. Ce n'est pas ça qui m'a réveillée. Non, ce qui m'a réveillée c'est que je n'y pensais même plus, mais alors plus du tout. La sentinelle avait disparu elle aussi : je n'ai pas eu peur d'avoir peur, je n'ai repoussé aucun démon me poussant vers le vide ni n'ai tenté aucune manœuvre de diversion.

Et ça, je ne me souviens pas que ça me soit déjà arrivé. Jamais.