Le billet p0rn0graphique du jour (1)
Par Kozlika le mercredi 18 janvier 2006, 06:24 - Lien permanent
J'arrive (Zazie - 2004)
Samedi 29 janvier 2005
Par Garfieldd, samedi 29 janvier 2005 à 11:22 :: >> Dans la tête
Le temps de m'y faire
Je prends mes affaires
Et puis j'arrive
Le temps de dire adieu
A ceux
De l'autre rive
Et puis sourire
Jusqu'au dernier soupir
Si j'y arrive
Et j'arrive
Le blog était présenté comme un phénomène de mode puis comme un phénomène de société. Il est aujourd'hui instrumentalisé.
Il devient responsable. Responsable et coupable.
Le suicide de deux gamines dans le Pas de Calais est devenu phénomène médiatique, pas seulement pour la dimension humaine intolérable que toute disparition, tout suicide de jeune peut susciter. Mais parce qu'il a été annoncé. Presque programmé. On s'émeut de comprendre aujourd'hui que c'était écrit alors qu'on a l'habitude de conclure ce genre de faits d'hiver par la formule consacrée : il/elle n'a laissé aucune lettre pour expliquer son geste.
Des psychiatres et des sociologues trouvent là un nouveau champ d'investigation et de glose. Les blogs, ces confessions sur Internet, "c'est l'inverse d'un journal intime, puisque l'auteur s'expose aux autres" selon le Parisien. Les confidences de Clémence, depuis le 15 novembre dernier, parlaient de pensées suicidaires après une déception amoureuse. La conclusion qui s'impose c'est que "des amis, des proches, ont pu lire les écrits de la jeune fille qui partait à la dérive, sans trop la croire sans doute", ce qui ajoute dit-on au malaise suscité par cette affaire.
On va donc maintenant diaboliser le blog et internet. On va dire que la toile est un lieu où on se perd, où on perd certains repères. On va disserter sur le leurre de la communication sur la toile, et comme à Clovis on va nous demander de brûler ce que l'on a adoré et d'adorer ce que l'on a brûlé.
Quand on écrit un blog, à la différence sans doute d'un vrai journal intime, il y a, latente, la volonté de communiquer même sur des aspects très personnels. Le fait de choisir ou de se cacher derrière un pseudo c'est se donner une apparence d'anonymat. Mais parallèlement, on ouvre des commentaires. On souhaite être lu, partager, faire réagir. On ouvre les commentaires. On va butiner à droite ou à gauche. On laisse des petits cailloux ici ou là, l'adresse de son site dans l'espoir de trouver peu de temps après la manifestation que l'on a pu susciter de la curiosité, de l'intérêt.
On installe un compteur, un outil d'analyse de statistiques et de fréquentation.
Certains expriment même leur déception de ne pas recevoir de visites, de ne pas susciter de commentaires ou de réactions. Et parfois à la suite de ce constat, ils ferment leur blog.
Je suis passé par ces étapes. Je suis quelqu'un qui pose des questions même quand elles n'ont pas lieu d'être qui cherche à me rassurer par des questions parfois plus que par les réponses. Et j'en ai conclu que si je continuais à écrire ici c'était pour moi. C'était pour pouvoir me décharger de façon impudique de fardeaux qui ne peuvent trouver d'éxutoires dans ma vie au quotidien. Souvent des bouts de réflexions inachevées. Des interrogations et des désespoirs parfois qui ne m'empêchent pourtant pas de vivre, des interrogations et des désespoirs parfois que je partage avec l'inconnu qui arrive sur ce blog, sans savoir comment il réagira ni même s'il réagira...
Mais évidemment, avec mes 47 ans, j'ai eu le temps, même si je me considère trop souvent immature, j'ai eu le temps d'apprendre à vivre. J'ai eu le temps d'acquérir la conscience des limites de l'autre, des appels qu'on lance, de la validité des réponses qu'on peut recevoir... si tant est qu'on souhaite les recevoir.
Je trouve tellement facile de dire que c'est la faute aux blogs sur lesquels, chancune de leur côté mais parallèlement, Clémence et Noémie ont déversé leur mal de vivre... Tellement facile de chercher une réponse qui dédouane ou innocente la société, la vraie, la famille, les copains les relations, l'humain.
Pierre Desproges déclarait dans un de ses spectacles :
Ne saurons-nous jamais trouver le temps de nous pencher affectueusement sur ces fronts graciles au-dessus de ces yeux brûlants aux longs cils vibrants d'un amour incapable de s'épanouir au rythme infernal de nos ambitions carrièristes dont la tyrannie nous condamne à répondre distraitement "ta gueule" à l'enfant qui nous dit "Maman, je m'ai faite violer".
(Pierre Desproges - Textes de scène 1986)
Des journalistes sont allé interroger des copains de classes. Et l'un d'eux explique: "Elle m'avait dit le mois dernier qu'elle voulait mettre fin à ses jours. Elle tenait un décompte sur son cahier, elle avait noté jour J-25, J-24 etc. jusqu'à J-1".
Il cherche quoi le journaliste ? à culpabiliser ce garçon ? à lui faire indirectement et lâchement, ou maladroitement, ou inconsciemment porter le poids de la responsabilité de cette mort ?
Je m'étonne qu'un procès en sorcellerie n'est pas encore été intenté aux parents pour avoir laissé leurs gamines seules face à internet...''
Pourquoi, pour expliquer, faut-il chercher un coupable.
Qui cela rassure-t-il ?
S'il n'y avait pas eu ce blog, on aurait interrogé les copains, les profs, la boulangère du coin. Mais le phénomène du blog permet d'habiller des paillettes du phénomène à la mode un drame. Des journalistes et des psychomachins en mal de reconnaissance vont pouvoir danser sur les tombes...
Est-ce parce que l'on aura trouvé un bouc émissaire facile pour ce drame-là que l'on pourra évacuer le problème du suicide des jeunes ?
Combien d'ados se suicident sans avoir internet ? En parle-t-on avec autant d'intérêt ? Combien se suicident parce qu'il n'ont pas trouvé de moyens de communiquer, n'ont pas osé partager leur malaise, leur mal-êttre... Internet n'y est pour rien. Arrêtons de chercher au delà de l'horizon ce qui est tout prêt de nous. Arrêtons de dire "le blog" à la place de détresse, de solitude, de manque d'amour... Je ne crois définitivement pas qu'internet et socialisation soit exclusifs l'un de l'autre. Il est cependant évident que le premier ne devrait pas remplacer l'autre. J'ai bien écrit "ne devrait pas".
Est-ce que Jacques Villeret tenait un blog ?
Afin que chacun puisse se faire une idée de la teneur hautement pornographique du blog de Garfieldd, proviseur blogueur révoqué, j'ai choisi de publier chaque jour ou presque pendant quelque temps l'un des billets du blog qu'il a fermé le 19 octobre 2005 en apprenant qu'il était suspendu. Ce billet, que j'ai chosi aujourd'hui parce qu'il m'avait particulièrement touchée à l'époque de sa publication, et tous les autres sont accessibles via webarchives.org, un site conservant les pages mises en cache par Google.
Commentaires
Je lis ce blog depuis quelques semaines seulement, sans jamais laisser de commentaires (car parfois on gagne à se taire) et tout à coup, suite à ce billet, je me rends compte à quel point j'ai besoin de te dire: merci et bravo. Merci de m'avoir entretenue (feignasse food), fait rêver (la nuque), fait réfléchir parfois (le proviseur blogueur révoqué). Bravo pour la qualité de ce blog, tant sur le fond que sur la forme. Je ne peux que souhaiter que tu continues à écrire ce blog pour toi-même.
Si jamais il devait ne plus enseigner (ce serait dommage et dommageable), il faudra qu'il publie son blog sur du papier relié (façon livre), qu'on puisse le lire et le relire. Enfin moi j'aimerai qu'il le fasse pour pouvoir l'emporter et le dévorer loin de la censure !
Kozlika : encore :-)
Je crois que nous avons eu un peu la même idée :-) ...
J'ai eu la même idée, cette nuit, en relisant les notes de Garfieldd. Mais ce n'est pas la peine de le faire à 36. Je vais faire le lien chaque jour sur tes choix, je te fais confiance, ils sont toujours judicieux.
C'est exactement ce que je me disais en pensant à ce qui est arrivé à Garfieldd. En repensant à certaines réflexions lues ou entendues (chez les enseignants).
Il y a ceux qui savent ce qu'est un blog, et ceux qui en ont peur ... c'est un peu carricatural, mais il y a du vrai là dedans. Et c'est bien triste.
Je ne lisais pas garfield, je n'en ai pas eu le temps, arrivée trop recemment ici... ALors je le découvre, ce texte fait echo à tant de mes propres questionnements et aux vues de ce qui se passe aujourd'hui pour lui, c'est encore plus terrifiant. Je voudrais avoir le temps, le courage, d'écrire tous les jours et toute la journée sur tous ce que cela remue d'interrogations, de peur aussi, de désir de, de..... Merci Koz, ton idée je la trouve exellente, je vais aller le lire, il y a effectivement un monde sensible et digne à y découvrir. Un monde comme j'essaye de continuer à le rêver pour tenter de le créer.
En retournant lire le blog de Garfieldd dans archive.org, je me disais que ce blog s'autodéfendait lui-même contre les accusations outrancières du rectorat. Il faut qu'un maximum de personnes aille le lire, surtout ceux qui ne le lisaient pas quand il était encore en ligne, et qui ne peuvent juger de la bêtise de l'accusation. C'est le blog d'un homme droit.
merci Koz' ... je pouvais pas y accéder (toujours à cause de ce *£$!§ filtre !!!) ;-))
Belle initiative que de reprendre les textes de Garfieldd. Jusqu'à l'éclatement de "l'affaire" je ne le connaissais pas, mais en ayant parcouru les archives j'avais repéré cette note que tu réveilles aujourd'hui. Son blog est son meilleur avocat...
Ca y est, ils ont rectifié (ouf et puis cette nuit, gros dodo :-) ) :
http://www.liberation.fr/page.php?Article=352210
C'est une bonne idée de poster régulièrement des extraits de son ancien blog, mais je pense qu'il faudrait demander l'avis de son auteur (par politesse mais aussi pour rester dans la légalité). Je pense qu'on sort du cadre de la citation si on diffuse régulièrement des posts entiers.
une pétition de soutien est en ligne. http://www.petitiononline.com/Garf/petition.html
Mlaheureusement, un journal de Haute Normandie (que je ne citerais pas) a publié en une un "en tête" sur ce sujet et a mis une photo de Garffield à côté de l'article en pages intérieures. Ca me désole...
Très pornographique en effet... On dirait qu'on est en train de prendre les côtés les plus débiles des Américains. Ici le puritanisme hypocrite et intellectuellement malhonnête... Bonne idée de faire connaître ce "monstrueux blog". Mais ne risques-tu pas d'être accusée de complicité ? ;o)
Zzzz (baîllements)
Bonsoir, je découvre votre blog par hasard et le trouve fort pertinent et intéressant.
Les médias...Qui sont eux mêmes souvent "dénigrés"...
Chaque nouveau média se fait diaboliser, les sms étaient accusés de rendre les utilisateurs plus que médiocres en orthographe, ensuite les chat étaient responsables des echecs scolaires..
Je suis Maman de deux garçons et pas de jeux sur l'ordi, ils savent ce qu'est msn et autres mais ne l'utilisent pas chez moi comme les consoles de jeu..Je repousse l'échéance..
C'est à nous parent d'éduquer nos enfant et de nous préoccuper de leur bien être.
Certains sont plus fragiles, le coeur a vif, et parfois effectivement le choix de partir est fait...Personne n'est à accuser...C'est triste, dramatique pour les familles mais pourquoi avoir ce besoin de bouc emissaire??
Merci pour votre blog, continuez de nous faire réfléchir disserter..
Bonne sirée