La Conseillère Principale d'Education a convoqué les parents qui ont accepté de venir en jonglant avec les horaires de bus. Ils n'ont pas les moyens d'avoir une voiture. Lui porte au dessus d'un ventre imposant un chandail marron avec des motifs orange furieusement seventies. Ca doit vraiment être un pull de cette époque là. Pas un collector, un vieux pull. Elle arbore un visage rougeaud et rond, les joues mangées par des lunettes à monture de plastique noir et les yeux cachés par des verres épais comme des culs de bouteille. Des cheveux raides et blonds, sans grâce, la jupe qu'elle lisse sur ses cuisses machinalement dès qu'elle est assise.

On les croirait sortis d'un sketch des Deschiens.

Ils ont l'air braves, visiblement écrasés, impressionnés et respectueux depuis qu'ils ont franchi la porte de ce lieu mythique pour eux qu'est un lycée. On parle absentéisme, obligation scolaire, diplôme nécessaire pour l'insertion sociale. Le tout ponctué par des remarques du père qui hoche la tête et dit que si lui il avait pu avoir un diplôme...

On fait remarquer que le gamin est boursier et que l'octroi des bourses est subordonné à l'obligation scolaire. On envoie chercher le fils qui somnole dans un cours de maths.

Le père et la mère l'embrassent avec bienveillance. Il les regarde sans aménité, mais sans amour.

Les parents lui demandent de venir tous les jours à l'école. Il promet mollement.

La mère cherche un papier dans son sac de skaï noir. Elle le tend à la Conseillère d'Education. C'est un relevé d'identité bancaire au nom du gamin.

"Tu vois si tu viens à l'école, ben pour te récompenser on fera verser les bourses sur ton compte !"

Je regarde la Conseillère Principale d'Education. Nous sommes sidérés...

(Pour information, nous expliquerons à la famille que les bourses ne sont pas de l'argent de poche. Nous leur demandons un RIB à leur nom, ce qui les contrarie parce qu'ils avaient pensé qu'avec cette récompense, leur fils ne pourrait pas ne pas être un bon petit... Ils n'avaient pas le sentiment d'acheter le gamin, seulement la certitude qu'ils allaient faire le maximum pour lui permettre de s'en sortir. Parce que faire le maximum, c'est lui permettre d'avoir tout ce qu'il veut. Y'a des parents comme ça, qui sont dépassés par le monde dans lequel on vit, par le monde dans lequel leurs enfants vivent...)


Afin que chacun puisse se faire une idée de la teneur hautement pornographique du blog de Garfieldd, proviseur blogueur révoqué[1], j'ai choisi de publier chaque jour ou presque pendant quelque temps l'un des billets du blog, qu'il a fermé le 19 octobre 2005 en apprenant qu'il était suspendu. Ce billet et tous les autres sont accessibles via webarchives.org, une institution sans but lucratif qui archive à fins documentaires et historiques des sites web même après leur fermeture. Vous pouvez également lire ici le blog qu'il tenait précédemment.

Pour d'autres billets évoquant le sujet, cette pelote de liens, chez Laurent Gloaguen (plus de 280 articles recensés à cette heure). Une pétition « Bienveillance pour Garfieldd » a également été lancée par des parents d'élèves ou anciens élèves de Garfieldd. Elle recueille à l'heure où je publie ce billet 2528 signatures. N'hésitez pas à y ajouter la vôtre !

Notes

[1] Cette décision a été suspendue par Gilles de Robien hier, 20 janvier 2006 mais les termes qui concluent le communiqué laissent entendre qu'une sanction sera tout de même prise, c'est pourquoi je continue de publier ces si p0rn0graphiques extraits..