Claire Pouin était une excellente pâtissière. Installée sur son stand au coin de la rue Duhouèbe elle offrait à qui voulait une part de clafoutis accompagnée de la recette qu'elle avait mise au point en ses fourneaux. En le goûtant, on s'exclamait souvent : « Quel délice ! », « Quelle saveur incomparable ! » Mais bien sûr, car fort heureusement les palais des uns ne sont pas clonés sur ceux des autres, certains préféraient le mille-feuilles de son collègue un peu plus loin dans la rue, voire se pâmaient devant le financier de la boutique franchisée voisine.

Certains passants dégustaient le clafoutis tel que sorti du four, d'autres lui adjoignaient qui un petit cidre pétillant, qui de la crème chantilly ; la lecture de la recette et quelque expérience en cuisine suscitèrent des suggestions plus ou moins heureuses de remplacement des cerises par des poires ou de la farine par la maïzena. Bref, le clafoutis de Claire connaissait la vie classique d'une recette en distribution gracieuse.

Or il advint que Claire résolut un jour de concevoir une autre recette de clafoutis, qui cette fois pourrait être offerte soit en parts individuelles soit en gâteau à trancher soi-même, et dont la recette serait conçue pour convenir à tous les diamètres de moule possibles. Oh, les ingrédients qui avaient fait le succès du premier clafoutis ne changeaient pas de fond en comble mais l'ordre dans lequel les mélanger, la proportion de tel ou tel devait être réétudiée, et elle décida d'y inclure certaines nouvelles épices.

Comme elle l'avait fait autrefois, Claire s'enferma alors dans sa cuisine, et l'on entendit de grands bruits de casseroles depuis le bout de la rue, entrecoupés des jurons ou hourras qu'elle proférait au cours de ses expériences. « Claire, Claire, sors d'ici et dis-nous ce que tu fais ! », réclamèrent les impatients alertés par le bruit. « As-tu pris des griottes ou des cœurs de pigeon pour cette nouvelle recette ? », « Quelle marque de farine as-tu choisie ? », « As-tu retenu ma suggestion de moules en alu plutôt qu'en porcelaine cette fois ? », « Enlèveras-tu les noyaux ? » Et Claire répondait : « Mais attendez, attendez donc, je teste, je teste, mais il ne me plaît pas encore assez pour vous le faire goûter ! » et repartait dans sa cuisine en grommelant.

Quand elle eut à peu près le sentiment que sa recette était sinon fameuse, du moins mangeable, elle invita quelques cousins, des amis et des voisins à venir chez elle, posa le résultat de sa plus récente expérimentation sur la table, disposa quelques assiettes, invita chacun à se servir et se munit d'un calepin et d'un crayon pour noter avec application les remarques des gourmets et collègues qu'elle avait conviés.

Dans la rue, on se récria « C'est un scandale ! Pourquoi eux et pas nous ? », « Je suis un excellent pâtissier, il est honteux que vous ne m'ayez pas invité », hurla l'un. « Vous nourrissez vos protégés pendant que nous mourrons de faim », clama l'autre. Et un petit groupe rassemblé sous ses fenêtres scandait avec fifres et tambourins « La re-cette ! la re-cette ! » « Claire est une traîtresse, tous les cuisiniers de la rue Duhouèbe se sont engagés à livrer leur recette et vous cuisinez en secret ! » « Horreur ! » « Putréfaction ! »

« Mais enfin, rétorqua Claire, j'ai procédé de la même façon pour la recette précédente, vous savez bien que je préfère ne donner mes recettes que lorsque j'en suis assez satisfaite à mes propres papilles ! » Tout cela commençait à lui chauffer singulièrement les oreilles (...)


Ceci est un récit interactif, choisissez la suite. Quelle sera la réaction de Claire ?

  1. Saisissant un par un tous les ustensiles de cuisine à portée de main, Claire s'offre une partie de chamboule-tout sur la tête des cons. De ce jour elle arrête la patisserie et devient commerciale pour une multinationale.
  2. Trop énervée pour faire du bon travail, Claire rate désormais toutes ses recettes. Elle connaîtra le même sort funeste que François Vatel.
  3. Grâce à ses cours de yoga, elle est capable d'ignorer les importuns et au bout de quelque temps sort Ze clafoutis.
  4. Elle se rend compte que tout est vain, rentre dans les ordres et oncques ne revit plus jolie damoizelle.