Anna Moffo, la voix d'Eros
Par Kozlika le dimanche 7 novembre 2004, 08:30 - Lien permanent
(Un billet à lire bien sûr dans ce décor-là.)
Si j'aime aussi les voix d'hommes à l'opéra, ma véritable passion va aux voix de femmes. Cette passion prend des formes diverses. Rester suspendue au souffle inépuisable des pianissimi de Montserrat Caballé dans une apnée quasi-mystique ; vivre, jouir, souffrir avec elle, en un mot être Maria Callas ; toucher le ciel et ses anges, perdre le sens du réel avec Natalie Dessay...
... désirer Anna Moffo.
Ecoutez sa Gilda dans Rigoletto[1] par exemple. Je m'identifie sans mal à celles de Renata Scotto ou de Callas. Mais quand Moffo chante cet air, ah ! quand elle le chante, c'est au duc de Mantoue que je m'identifie !
C'est dans cet air que je l'ai entendue la première fois, au détour d'une superbe compilation réalisée par un ami pour me faire découvrir d'autres œuvres et d'autres voix que celles que je connaissais déjà. Aux côtés d'Anna, donc, que du bon, de Montserrat Caballé à Ileana Cotrubas en passant par Mirella Freni ou Gundula Janowitz.
Je ne sais plus ce que je faisais au moment où les premières notes se sont élevées. Je ne sais plus si j'étais totalement concentrée sur l'écoute ou en train de passer l'aspirateur, si j'écoutais sur ma chaîne stéréo ou dans mon baladeur. J'ai oublié les circonstances de la rencontre. Ce que je sais c'est que trois ou quatre mesures ont suffi pour que la voix glisse le long de ma peau jusqu'au siège du désir, que l'effet se reproduit à chaque écoute et quelle que soit l'œuvre, que j'ignorais tout de la beauté à la Claudia Cardinale[2] de la dame lors de cette première rencontre.
C'est la seule voix qui produise sur moi un effet aussi directement sexuel, celle de Fanny Ardant s'en approchant sans l'atteindre. A mes oreilles la voix d'Anna Moffo allie timbre sensuel, intonations alanguies, entreprise de séduction, le comble de l'érotisme étant atteint lors des passages d'une note aiguë vers une note grave (il y a un nom - me souviens plus). Pas besoin de dépenser des fortunes en sous-vêtements affriolants ou en volumes d'Emmanuelle : un CD d'Anna Moffo fera l'affaire et mieux encore.
Cela fait des semaines que j'essaie de rédiger un billet là-dessus et que je coince, non pas par pudeur mais parce que je cherchais à expliquer le pourquoi du comment, je tentais de décortiquer l'inexplicable. Et puis ma relation à la musique est la seule dans laquelle je n'essaie pas de maîtriser les tenants et les aboutissants et je me rends compte que tiens à la préserver comme ça. Et puis au fil des commentaires d'un billet de Vince, j'ai réalisé que comprendre et expliquer cela n'avait pas vraiment d'importance...
Mais ce que j'aimerais c'est que vous me disiez si vous avez déjà croisé votre « voix d'Eros » et que vous nous racontiez ce coup de foudre, ici dans les commentaires ou dans un billet chez vous à trackbacker. Mais une vraie rencontre, pas juste « Paolo Conte a une voix sensuelle » (même si...).
Ou il n'y a que moi ?
Commentaires
Bon en plus de celui que tu m'as conseillé sur le forum de DC, il faut absolument que j'essaie un disque de cette dame \o/.
Pour moi, la voix d'Eros est personnifiée par Jennifer Charles, chanteuse du groupe Elysian Fields. Cette révélation m'est apparue lors de la première écoute de son duo avec Mike Patton : Sex (I'm A)... Je rédigerai cela sous forme d'un billet sur mon blog ce soir, promis... avec écoute du morceau dans la radio.
Ça va mieux, petit Calimero ?
heu...il est très bien ton billet mais tu mets la barre un peu haut, quand même. Je ne suis pas sûr qu'on parle de la même chose, mais ma voix d'Eros, c'est Brigitte Fassbaender.... je ne sais pas si je vais développer plus avant :)
Julien, merci pour le trackback, ça me faisait penser que si j'ai quelques autres réponses je vous demanderai peut-être de me faire passer chacun un fichier pour une radio.erotica ? Il faut juste que je trouve une solution car mon hébergeur m'offre 100Mo en tout et je n'ai plus beaucoup de place libre.
Zvezdo : Brigitte Fassbaender plus particulièrement dans Salome ? Ou sa voix dans l'absolu ? J'ai un ami qui dit volontiers d'ailleurs que Strauss est un compositeur érotique et que la scène finale avec la tête coupée est pratiquement intenable ;-)
BeuBeu : tu as écouté Moffo dans le juke-box avant de t'enquérir de l'un de ses CD ? Le désir des voix c'est comme le désir des corps, ce qui est désirable pour l'un ne l'est pas forcément pour l'autre - et c'est tant mieux !
Je te dirais ça ce week-end arpès avoir dévalisé mon oncle :D
Ma voix d'eros a moi, c'est Tori Amos. Oui, étrangement c'est une voix de femme, alors que mes orientations me feraient plutôt me pâmer sur des voix masculines. Par exemple, Perry Blake ou Chris Isaak ont des voix qui me plaisent, et que je trouve sexy. Mais Tori Amos m'excite des pieds à la tête, je n'y peux rien. Ce n'est pas sur une chanson en particulier, mais sur tout un album que l'effet est le plus intense : Boys for Pele. C'est un disque d'une sensualité incroyable, celui ou sa voix peut passer en une seconde de la soumission à la domination. Elle feule, elle râle, parfois elle crie, parfois elle murmure. Et puis elle a une façon de traiter son piano, de faire corps avec lui (il faut la voir en live, chevauchant son tabouret comme une amazone, caressant ou frappant les touches...) Tout ce qu'elle fait en musique est pour moi, de toute façon, très érotique.
kozlika> Fassbaender, je ne l'ai pas entendue dans Salomé, mais je pensais à sa Brangäne dans l'acte II de Tristan, à son Voyage d'hiver ou ses Schumann, à sa Geschwitz dans Lulu. Et puis de façon générale, à son timbre, sa façon d'aller pile poil à l'endroit crucial. J'en ai déjà trop dit :-)
Bien au contraire, Zvezdo, maintenant que tu as commencé il serait dommage de s'arrêter en si bon chemin !
Anna Moffo, Tori Amos, Jennifer Charles, Brigitte Fassbaender... ZeuBeuBeu, tu devais faire un billet sur Lhasa ? Ce qui nous ferait déjà cinq voix à glisser le long du dos ;-)
Je vote également pour Tori Amos ... gah ! :-P
moi, c'est Kiri Te Kanawa : je veux dire : en général, pas seulement dans le Don Juan-le-film. J'ai vu une Master class avec elle, et la grandeur de cette fureur m'a fait trembler.
et ça commence bien par un tremblement, en général, non ?
Hm... Paolo Conte, il a une voix... chaude.
Aaaah mais il y aurait donc un lien entre les activités cinématographiques euh... "artistiques" d'Anna Moffo et sa voix ?
Effectivement je trouve un écho avec ma note, les voix nous transportent et nous font vibrer... Pour moi un souvenir de voix de femme "Christa Ludwig" dans le Chant de la terre de Mahler un vieil enregistrement mais qui me procure toujours cette émotion si forte qui me prend aux tripes...et puis la Callas dans la Norma, frissons garantis... le pouvoir des voix sur moi est énorme, je comprends la fougue de ton billet...
Tu sais, Koz, que France-Musiques lit ton blog, et le cite sur les ondes ! Entendu aujourd'hui sur les ondes l'extrait de Rigoletto avec Anna Moffo, assorti de ton commentaire sur la voix "sexuée" d'Anna Moffo !
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