... désirer Anna Moffo.

Ecoutez sa Gilda dans Rigoletto[1] par exemple. Je m'identifie sans mal à celles de Renata Scotto ou de Callas. Mais quand Moffo chante cet air, ah ! quand elle le chante, c'est au duc de Mantoue que je m'identifie !

C'est dans cet air que je l'ai entendue la première fois, au détour d'une superbe compilation réalisée par un ami pour me faire découvrir d'autres œuvres et d'autres voix que celles que je connaissais déjà. Aux côtés d'Anna, donc, que du bon, de Montserrat Caballé à Ileana Cotrubas en passant par Mirella Freni ou Gundula Janowitz.

Je ne sais plus ce que je faisais au moment où les premières notes se sont élevées. Je ne sais plus si j'étais totalement concentrée sur l'écoute ou en train de passer l'aspirateur, si j'écoutais sur ma chaîne stéréo ou dans mon baladeur. J'ai oublié les circonstances de la rencontre. Ce que je sais c'est que trois ou quatre mesures ont suffi pour que la voix glisse le long de ma peau jusqu'au siège du désir, que l'effet se reproduit à chaque écoute et quelle que soit l'œuvre, que j'ignorais tout de la beauté à la Claudia Cardinale[2] de la dame lors de cette première rencontre.

C'est la seule voix qui produise sur moi un effet aussi directement sexuel, celle de Fanny Ardant s'en approchant sans l'atteindre. A mes oreilles la voix d'Anna Moffo allie timbre sensuel, intonations alanguies, entreprise de séduction, le comble de l'érotisme étant atteint lors des passages d'une note aiguë vers une note grave (il y a un nom - me souviens plus). Pas besoin de dépenser des fortunes en sous-vêtements affriolants ou en volumes d'Emmanuelle : un CD d'Anna Moffo fera l'affaire et mieux encore.

Cela fait des semaines que j'essaie de rédiger un billet là-dessus et que je coince, non pas par pudeur mais parce que je cherchais à expliquer le pourquoi du comment, je tentais de décortiquer l'inexplicable. Et puis ma relation à la musique est la seule dans laquelle je n'essaie pas de maîtriser les tenants et les aboutissants et je me rends compte que tiens à la préserver comme ça. Et puis au fil des commentaires d'un billet de Vince, j'ai réalisé que comprendre et expliquer cela n'avait pas vraiment d'importance...

Mais ce que j'aimerais c'est que vous me disiez si vous avez déjà croisé votre « voix d'Eros » et que vous nous racontiez ce coup de foudre, ici dans les commentaires ou dans un billet chez vous à trackbacker. Mais une vraie rencontre, pas juste « Paolo Conte a une voix sensuelle » (même si...).

Ou il n'y a que moi ?

Notes

[1] « Gualtier Maldè... » dans le juke-box.

[2] Rhaa, Claudia Cardinale dans Le Guépard...