Merci Pina Glück
Par Kozlika le jeudi 2 juin 2005, 16:09 - Lien permanent
On l'aime alors on tremble : et si on était déçue comme le fut Bladsurb avec Barbe Bleue ? Et si le p'tit gars formidable qui vous accompagne pour sa première incursion à l'opéra, alléché par le seul nom de Pina Bausch à laquelle il voue une admiration sans bornes, était déçu ? Et si la sortie programmée depuis de longs mois pour fêter par une sortie à deux le retour de Loin-là-Bas était malvenue, avec le luxe ostentatoire des ors de Garnier après les égouts à ciel ouvert et le riz qu'on mesure avec parcimonie ? Et si on s'ennuyait, malgré la distribution, malgré Pina, parce qu'on est pas fan de baroque ?
Une petite appréhension sourd en s'installant sur les chaises de velours rouge de l'opéra Garnier pour L'Orphée et Eurydice de Glück.
On a bien tort. Quatre tableaux plus tard, la salle est debout pour accueillir l'arrivée la chorégraphe sur scène pour le salut final. Nous ne sommes pas les derniers à participer à l'ovation pour la dame. J'attendais un ballet sur un air d'opéra et c'était beaucoup plus que ça. Une lecture, une interprétation. Noire. Forcément, cette chorégraphie date de 1975, les années de Café Müller et du Sacre du Printemps, violentes et désespérées. Pina Bausch a d'ailleurs choisi de supprimer la toute fin imaginée par Glück, celle où Eurydice ressucite une deuxième fois, un happy end absent du mythe. Orphée a perdu définitivement son Eurydice et en meurt de chagrin.
Les trois chanteurs sont « doublés », terme à prendre dans le sens de la duplication et non de la doublure, par trois danseurs qui transposent avec leur corps ce que disent la musique et les mots, la tristesse du « Deuil », la sauvagerie de « Violence », la douceur de « Paix » et le désespoir de « Mort ». Impossible pour moi de ne pas superposer aux corps parfaits et lisses des danseurs de l'Opéra de Paris ceux, si dissemblables les uns des autres et pourtant si harmonieux, si intenses, de la troupe de Pina Bausch. Impossible de ne pas imaginer ce que durent être les interprétations de Dominique Mercy et Malou Airodo. Sans retirer au mérite des danseurs de ce soir, l'immersion totale dans l'univers de la chorégraphe ne pouvait se faire par le seul biais de quelques (même nombreuses) répétitions. Petit bémol à ne mettre qu'à mon actif de spectatrice annuelle[1] émerveillée de Pina Bausch et du Wuppertal Tanztheater.
Que pourrais-je ajouter aux critiques dithyrambiques parues dans la presse depuis ? Parler des chanteuses peut-être, que dans leur enthousiasme bien compréhensif pour la grande chorégraphe les journalistes ont quelque peu oubliées ? Charlotte Hellekant, que je découvrais en Orphée, m'a beaucoup impressionnée ; la force, la brutalité presque de certains de ses accents et même son allure physique très « bauschique » s'intégraient parfaitement à l'atmosphère dessinée par la danse sans rien céder à la musique et au chant. Elle nous a en outre gratifiés d'un « J'ai perdu mon Eurydice » final superbe. Les deux autres interprètes Jaël Azzaretti (Eurydice) et Aleksandra Zamojska (L'Amour), que je ne connaissais pas, de même que la direction d'orchestre ne me laisseront de souvenir impérissable ni en bien ni en mal, laissant l'envoûtement de la danse et du superbe Orphée d'Hellekant prendre toute la place.
En sortant, l'Adolescent qui veut repartir à Loin-là-Bas parce que tout y est moins superficiel qu'ici lâchera un « Wé, franchement, pour un opéra c'est très bien ; moins bien que du vrai Pina Bausch, mais franchement pas mal, je me suis pas du tout fait chier. Et Garnier, putain, c'est classe ! »
On est bien contente.
Notes
[1] Sauf cette année, bouhou...
Commentaires
Juste une chtite précision : je l'ai pas vu, ce "Barbe-Bleue"!
Pour être plus précis : il y a pas mal de temps, Bausch a écrit une chorégraphie autour de "Barbe-Bleue", pendant laquelle on n'entendait que quelques fragments de l'oeuvre de Bartok. Ca a été la première chose que j'ai vu d'elle, à la télé (il y a eu captation vidéo, c'est peut-être disponible à Beaubourg ?). Les couples n'arrêtent pas de se rentrer dedans, de se heurter aux murs, c'est violent, effrayant, cathartique. Un classique Bauschien.
De plus, l'opéra Barbe-Bleue est un de mes opéras préférés (faut dire que j'en ai peu...).
Du coup, lorsqu'en 1998, a été annoncé pour le festival d'Aix-En-Provence une version de Barbe-Bleue dirigée par Boulez et chorégraphiée par Bausch (donc, une toute nouvelle chorégraphie, pas celle du spectacle précédement décrit), j'en ai révé ! (je ne sais pas qui chantait ; s'il fallait des noms commençant par B et long de 5 ou 6 lettres, ça limitait les choix...) Mais aller au festival d'Aix-En-Provence, euh, je ne suis pas prêt à de pareilles aventures, encore moins à l'époque.
Donc, je ne l'ai pas vu, mais par contre, j'ai lu toutes les critiques que j'avais pu trouver à l'époque ! Et le compte-rendu général était peu positif... L'aspect chorégraphique était souvent raillé, comme parasitant, phagocytant l'aspect musical. Mais je pense que les critiques qui descendent à Aix y vont pour entendre de l'Opéra, pas pour y voir de la danse. Ils n'étaient peut-être pas à même d'apprécier le spectacle à sa juste valeur.
waouh! quelle chance!
c'est une des rares choses qui me fait parfois regretter Paris,
le théatre de la ville et Pina Baush qui s'y produit régulièrement.
L'an dernier elle avait été annoncée au festival de Marseille mais elle a fait faux bond.
Je l'ai vue une fois à l'Opéra il y a longtemps je crois que c'était la mort du cygne ou je confonds. cela ne m'a pas laissé de souvenir impérissable comme tu dis, c'était trés classique avec tutu et tout et puis moi j'étais au poulailler et c'était donc inconfortable
le spectacle a été un peu parasité par les difficultés de vision.
tu es sure que cette année elle ne vient pas?
Suite à de si belles critiques, je me permets d'ajouter ce post : j'ai deux places de bonne qualité, côte à côte, achetées 110€ pièce à revendre (empêchement de ma petite amie) pour Orphée de Pina Bausch ce jeudi, le 16 juin, à 19h30 opéra Garnier. Si vous êtes intéressés ou connaissez des personnes qui rêveraient d'y aller mais ont manqué le coche des réservations, n'hésitez pas à me faire signe (rapidement)! PHTRABOULSI@yahoo.fr
Ce n'est pas vraiment pour faire un commentaire... si ce n'est pour dire que j'ai découvert Pina Bausch à travers la diffusion Samedi d'Orphée et Eurydice de Glück sur Arte, et que j'ai été vraiment intéressé par son travail. En fait je cherche quelqu'un qui aurait eu la bonne idée d'enregistrer sur cassette ou DVD cette diffusion et qui accepterait de m'en faire une copie... avec dédommagement bien sûr. D'avance je remercie celle ou celui qui voudra bien me répondre. ;-))
Je l'ai vu hier sur Arte en compagnie de Garance. Pas la même version que toi évidemment puisque c'était en direct. Mais c'était beau... Et comme tu le dit, une vraie lecture et interprétation de l'opéra. Et le baroque est passé comme une lettre à la poste.
Pour le corps de ballet, Cerbère, interprété par trois danseurs très différents les uns les autres, m'a beaucoup rappelé justement la troupe de Pina Bausch. Ils étaient magnifiques. Et je trouve que l'unicité, le ressemblance de la troupe de l'opéra, quand elle danse de le cœur, notamment avec les fils, était assez bienvenue. Mais j'avais du mal, ensuite, à savoir qui était Eurydice :-)
Gros plaisir en tout cas. C'est pas tous les jours à la télé :-)))
Ha et puis comme dans le com précédent, si quelqu'un a un enregistrement, je suis preneuse aussi...
J'ai raté l'enregistrement DVD de l'opéra Orphée et Eurydice chorégraphie Pina Bausch de Gluck sur Arte le 17 février , merci à celui ou celle qui peut m'en fournier une copie, me répondre par email
DECIDEMMENT JE NE SUIS PAS LE SEUL
JE N AI VU QUE PARTIELLEMENT CETTE OPERA SUR ARTE ET J AIMERAI SAVOIR QUI L A ET VEUT BIEN
M EN VENDRE UNE COPIE DVD OU VHS MERCI
c'est un peu tard, mais j'ai une cassette, on pourrait en faire un dvd mais je ne sais pas comment.