1970:10 au lycée
Par Anna Fedorovna le mardi 19 décembre 2006, 10:18 - Mes petits cailloux - Lien permanent
Entrée en sixième. Cette fois je ne fais pas la même bêtise qu'à mon entrée en primaire. Quand on me demande mon âge je ne dis pas neuf ans trois quarts mais dix ans. Pas envie de me faire encore casser la figure.
Papa a dit : pour la primaire passe encore mais pour le lycée elle n'ira pas ici, on va la mettre à Paris. Il dit que je serai la première femme à entrer à Polytechnique, juste pour faire enrager les types qui pensent que les femmes peuvent pas être scientifiques. Il dit : et après tu feras chanteuse de cabaret si tu veux. Alors je dis non, bof pour Polytechnique, je veux être volcanologue. Il dit bon d'accord, d'abord Polytechnique, puis chanteuse de cabaret un an ou deux et après volcanologue, Haroun Tazieff va se jeter à tes pieds pour que tu entres dans son équipe. On rigole bien.
Il faut prendre le bus. Il passe pas loin de la cité et me dépose devant le lycée, ça va, j'ai l'habitude c'est juste en face de l'institut dentaire où j'allais l'année dernière. Brrrrrrr les fauteuils tous alignés en deux rangées en quinconce de chaque côté d'une allée centrale, les préparatrices qui menaçaient du cabinet noir au fond aux enfants qui pleuraient, le bruit des roulettes... En face c'est quand même plus sympa !
Il faut mettre une blouse. Deux semaines une bleu ciel, deux semaines une beige, avec le nom et la classe brodés au point de chaînette à gauche. Au point de chaînette, impérativement. Les garçons aussi doivent changer de blouse tous les quinze jours mais comme ils n'ont qu'une couleur - le bleu marine et le nom au point de tige - ça ne se voit pas s'ils ont oublié. C'est pas juste.
Il y a vraiment beaucoup d'élèves dans ce lycée. Avec aussi des très grands qui font "cogne" et "hippo(potame) cogne". Je crois que c'est parce qu'ils ont plein de devoirs à se cogner mais je ne sais pas comment s'appelle leur classe en vrai.
Quand j'ai mon manteau et qu'on ne voit pas la blouse, souvent les adultes m'abordent : "bonjour ma chérie, tu cherches ta maman ou ton papa ? tu veux que je t'aide à le/la retrouver ?" J'aime pas trop ça surtout qu'après ils sont tout de suite moins ma-chérie quand ils apprennent que je suis une élève. J'y peux rien si j'ai une taille de microbe.
Ma prof de français est gé-niale ! On joue au jeu de massacre en rayant dans un livre (ouiiiiiiiii en vrai dans un vrai livre) tous les passages qu'on trouve inutiles. Après on s'est rendus compte qu'on en avait besoin pour l'ambiance alors on a joué à "réhabilitons les mots".
On a des cours de cuisine et de couture. Je voulais faire aéromodélisme mais c'est que pour les garçons. Mais quand même les fruits déguisés à la pâte d'amande c'était rigolo à faire.
Commentaires
Ah le coup des blouses, on en a discuté avec ma tante cet été, ça l'a traumatisée ! Sa hantise : se gourer de couleur un lundi et se faire repérer en rose au milieu de blouses jaunes... (mais dans son collège les garçons aussi avaient deux couleurs, peut-être parce que c'était un collège communiste ?)
C'est dingue en fait, à quel point je ne sais pas grand chose sur le collège de ces années-là. Faut dire que du côté de ma mère, tout le monde est allé en apprentissage (même ma mère qui avait largement le niveau pour passer au collège, quel gâchis dans ces années...), et du côté paternel (plus riche, le grand-père étant commandant de paquebots et non maçon immigré, ça aide), bah ils n'en parlent jamais (ce qui évite de parler du lycée et de choses peu avouables, ai-je bien l'impression...). Des blouses, des cours de cuisine (arf, quel dur échec de l'éducation nationale :D ), des machins gravement désuets et sexistes (depuis quand les filles n'ont pas le droit de faire de l'aéromodélisme, c'est absolument scandaleux ! Heureusement, qu'il y a eu des féministes ensuite, quel est le héros a viré les cours de couture ?), vraiment une autre époque (que je suis bien content de n'avoir pas connu, déjà que je me suis tapé les "cours" de dessin... >_< ).
J'ai eu des cours de cuisine (dont des choux à la crème avec des oeufs pas frais, mon estomac s'en souvient encore), de couture (à la machine), de repassage ... Ca s'appelait d'abord TME puis EMT (ou l'inverse ?) : "Travaux Manuels Educatifs" - "Education Manuelle et Technique". Pas de cours d'aéromodélisme par contre.
Apparemment l'article sur le point de chaînette reste à faire sur Wikipedia. Quant au point de tige pour les garçons, ça devait bien rigoler, au fond, en 3e. Peut-être que le Godard d'Alphaville, où les zotorités suppriment les mots inutiles du dictionnaire, a eu la même maîtresse que toi (1970... ou peut-être que ta prof avait vu Alphaville!)
Alphaville : Whaou !
Déjà des goûts de geekette dès toute petiote !
C'est très intéressant. Je trouve que tu écris vraiment trè bien pour ton âge. Pour une enfant de sixième, j'admire ta rédaction ;-)
Bon sérieux, les blouses, j'u ai eu droit jusqu'en troisème, mais comme on était dans un petit collège de campagne, il n'y avait pas de couleurs uniformisée. On mettait la blouse que l'on voulait… Soit disant pour éviter les distinctions des classes sociales. J'ai tout de même dit au directeur un jour qu'avec les blouses aussi, on pouvait faire les différences (comment ça, déjà revendicatrice ?)
C'était pas du tout la même ambiance, évidemment. Petits structure dans une sous-préfecture de Charente… Nous étions quatre de mon école primaire à entrer en sixième, dont deux en sixième de transition. C'était déjà une réussite pour eux…
Ce billet m'a beaucoup distraite et m'a rappelée les merveilleux souvenirs de mon année de 6ème (Je suis rentrée en 6ème en septembre 1972) :
A peine quelques années plus tard, tout avait changé... On dessinait sur nos jeans, et on pratiquait l'auto-discipline en cours de français. Mais je me demande comment le premier garçon qui mit les pieds dans ma classe en 4°, un brun aux joues roses, ne s'est pas enfui en courant.
Je suis tombé très amoureux d'une des deux filles de 4ème… Dans ce lycée… (et oui… Point de collège à l'époque)… Il n'y en avait pas plus de 10… Elle avait des cheveux très longs… Elle était brune… Les yeux verts… Et 1968 pointait déjà…
De chez moi j'ai une vue plongeante sur ton lycée de ta 6ème ! Eh, eh !
Je parie que ce sont mes dentistes qui t'ont mise sur la piste, Fauvette ;)
Hé hé, je suis contente je vois que le parfum de ma madeleine réveille quelques souvenirs chez vous aussi ;)
anita > ah mais va pas croire, ça avait changé dans beaucoup de lycées juste avant que j'entre en sixième... mais pas le mien, qui a pris quelque retard à vouloir rester un bon établissement parisien.
obni > deux filles ? Et combien de garçons ?
Akynou > merci, je m'applique ;)
"Et 1968 pointait déjà…", 68 c'est bien l'année où les femmes libéraient leurs poitrines ? -> []
Oui la piste était la bonne. Ma fille a fréquenté ce lycée. Plus de blouse, mais toujours l'esprit du bon établissement parisien, qui sélectionne le plus possible.
Wouf ! Je tombe sur le c...
Je suis entré en 6ème en septembre 70, mais aucune blouse à l'horizon, ni de noms sur les vêtements. Pas de point de chaînette, ni pour les filles ni pour les garçons.
Oh Kozlika, Samantdi, vous ne galégez pas ? ;-) Tout cela existait bien encore en 72 ou vous nous faîtes marcher ? (par contre j'ai connu les écoles primaires garçons/filles séparés, quand même).
En 1964, je suis rentrée en maternelle. l'école était mixte. L'année suivante, dans cette primaire de banlieue, c'était l'école des filles. c'est la seule année où j'ai été dans une école non mixte. L'année suivante, nous partions dans la banlieue d'Angoulême. En classe nous étions mélangés, sauf dans la cour de récré. L'année d'après, donc en 1966, toute petite école de campagne avec deux classes, mixte par la force des choses. Collège et sixième en 1970, dans mon petit collège de province, mixte complètement. Mais TD différents, couture pour les filles, trucs marrants pour les garçons. Après, c'était fini…