1966-1965:6-5 apprendre
Par Anna Fedorovna le samedi 23 décembre 2006, 10:26 - Mes petits cailloux - Lien permanent
Elles disent.
Quand tu avais vers les 4-5 ans, on allait presque tous les week-ends dans la maison de l'Yonne. Pour t'occuper pendant le trajet on t'avait appris à reconnaître le mot "Paris" et on t'avait confié la mission de nous avertir dès que tu voyais un panneau indicateur. Parfois tu signalais une autre ville mais on pensait que c'était de mémoire, comme on pensait que la lecture que tu faisais de tes livres était de la récitation. A l'entrée en CP, ton instit s'est rendue compte que tu savais lire couramment et compter alors la directrice a décidé de te faire sauter une classe. Ton père t'avait sûrement appris à lire en cachette.
Je me souviens.
De "Noriko, la petite Japonaise" et "Aslak, le petit Lapon", surtout de Noriko, mon préféré, avec sa belle couverture rouge et sa calligraphie en simili-japonais. C'étaient des livres-photos de Dominique Darbois de chez Nathan. Je ne me souviens plus comment ils ont disparu de ma bibliothèque. Probablement ont-ils été égarés lors d'un déménagement car je suis certaine que je ne m'en serais pas séparée volontairement. J'aimais beaucoup les livres-photos, j'ai lu et relu cent fois Crin-Blanc aussi, je n'avais par contre pas trop aimé le film.
Je ne me souviens pas avoir appris à lire, ni avec mon père ni toute seule.
Je me souviens de la première récréation juste après qu'on m'ait transférée en CE1. Des élèves de ma classe m'ont demandé quel âge j'avais. Cinq ans trois quarts, j'ai dit. Bouhou ! (ils étaient pliés de rire) ça existe pas ça ! J'ai essayé de leur expliquer mais ils m'ont dit que j'étais un bébé, que je ne savais même pas mon âge. Après on a parlé du père Noël, je ne sais plus pourquoi, et quand j'ai dit qu'il n'existait pas j'ai vu que je risquais gros, alors j'ai battu en retraite : il ne passe pas chez moi, ce sont mes parents qui me font des cadeaux. Ils étaient désolés pour moi, je l'étais pour eux : leurs parents les prenaient pour des imbéciles. Je me suis fait plein de copains quand même, mais on n'a plus parlé ni des quarts ni du père Noël.
Je me souviens des quarts et des pommes dauphine.
Tous les samedis midi ou presque, le seul repas qu'on prenait parfois avec Papa, Maman faisait des pommes dauphine parce que j'adorais ça. Papa aussi disait qu'il adorait et qu'il fallait partager équitablement. Evidemment le compte n'était jamais rond. Alors Papa coupait la pomme dauphine en quatre (bizarrement le reste était toujours à un, je me demande s'il en bouffait une en lousdé quand le reste était à deux). Puis il distribuait un morceau (un quart) à chacun d'entre nous. Après il faisait mine d'une intense réflexion pour savoir à qui distribuer l'autre quart. Je devais fournir des arguments pour le gagner, et pas toujours le même. J'étais acharnée. Ah tiens, disait-il quand enfin le morceau tant convoité arrivait dans mon assiette (mais pas toujours, pffffffff), ça te fait une moitié du coup. Une demie, quoi ; un quart et un autre quart ça fait donc un demi, bigre, voilà qui est intéressant.
Les problèmes de robinet sont nés le samedi midi aussi, quand Papa prenait mes mains dans les siennes pour les laver. Pouah, qu'elle est sale cette eau, heureusement que l'eau part plus vite qu'elle n'arrive sinon on marinerait dans la crasse. Tiens, combien de temps ça mettrait pour remplir le lavabo ? Compte les secondes ! Ah, et si on ouvrait un peu la bonde, ou s'il y avait un trou dans le lavabo, ou les deux ? Etc.
Souvent le dimanche matin je réveillais maman pour qu'elle me donne des problèmes à résoudre. Robinets ou trains de préférence. Je pense qu'elle a-do-rait me voir débarquer avec mon cahier de brouillon à six ou sept heures du mat' ! Mais on savait toutes les deux que Papa serait drôlement content quand on lui montrerait le cahier le lendemain, alors elle se redressait dans ses oreillers avec tout plein de dentelles au bord, elle me faisait une petite place dans son lit tout chaud et on travaillait.
Commentaires
Sans blague, tu lisais aussi Noriko la petite japonaise ? Ca avait été mon prix à la fin de la classe des moyens à la maternelle ! Je ne sais pas combien de fois je l'ai feuilleté, et je viens de vérifier, je l'ai toujours ! J'avais aussi Parana le petit indien, mais j'aimais moins, d'abord c'était à mon frère, il me l'avait donné d'un air dédaigneux parce que c'était pour les bébés. Celui-là, je ne l'ai pas gardé. Et j'ai lourdé mon frère aussi, mais 30 ans plus tard...
Ébinmoi, ébinmoidabor, la matin j'allais réveiller ma môman pour qu'elle m'emmène à l'école maternelle. Sauf que des fois c'était pas possib', qu'elle disait ma môman avec une voix pâteuse, pasqu'on était dimanche et que le dimanche matin eh bein les maîtresses elles dorment.
Alors je retournai dans mon lit et je feuilletais Draoui le petit Marocain, un album magnifique que personne ne connaît (le plus bel album du monde au monde, en vérité) illustré par Hervé Morvan.
Plus tard, j'ai enseigné les fractions à mon fils avec des tranches de pommes pas dauphines. Mais je dois avouer que je ne lui ai pas prêté mon Draoui, pasqu'il y a des limites à l'amour qu'un père peut éprouver pour son fils. Nanmèssanblag'.
Comme quoi les maths des fois ça vient aussi avec tout plein de tendresse... Merci Kozlika.
Ébinmoi, jchuis pas assez jeune pour Noriko et Aslak et le premier livre dont je me souvienne c'est "les Contes d'un buveur de bière" de Charles Deulin. C'était ça qu'on donnait aux enfants sages dans l'temps. Ceux qui avaient appris à lire à cinq ans parce qu'avec les bonnes soeurs, ça rigolait pas.
Perso je suis tombé dans un Club des Cinq et je ne m'en suis jamais vraiment relevé... Ceci dit, je défend la thèse selon laquelle avec son androgyne Enid Blyton a traumatisé des générations entières (dont moi)
J'adore ce genre de papa qui t'apprend des trucs mine de rien... (j'ai le même, je le vois recommencer avec son petit-fils, c'est extra)
Pour ma part les grands souvenirs d'apprentissage des mathématiques dans la vie quotidienne c'est la caisse du supermarché où il fallait faire du calcul mental : "je dois 18,74F disait mon père, je donne 20, combien la caissière doit-elle me rendre ?" Et puis il faisait "bip, bip, bip..." pour marquer les secondes qui s'écoulaient avant qu'on ne donne la réponse, ce qui nous paralysait devant la caissière compatissante. Et puis les repas qu'on ne pouvait pas finir pasqu'il nous avait pris couteau et fourchette pour figurer sur la table le rayon de la Terre et expliquer le calcul par les Grecs de la circonférence de la planète, ou bien le système des parallaxes ou bien encore autre chose...
Il fait ça encore au milieu des déjeuners d'anniversaire, au grand désespoir de mes cousins :o)
Il y avait aussi un petit tahitien, rien chouette avec son paréo et sa pirogue à balancier...
Bonjour,
je suis tombé par hasard sur votre site un brin nostalgique en cherchant de la doc sur Hervé Morvan...
Je revends ma collection de livres pour enfants (Draoui le petit marocain, Sara la petite gitane, Caroline...) pour tourner la page sur la nostalgie justement... (J'adore les livres pour enfants...)
Amicalement
Claude
Je ne sais si le commentaire arrivera... Cet article est ancien !
Je jouais à Noriko avec une petite dinette de poupée, je ne croyais pas au Père Noël non plus. Dans mon souvenir, la couverture du livre était rose et non rouge (???) et je ne sais comment je l'ai perdu vraiment.
C'est en cherchant "Sara la petite gitane" que je suis arrivée ici... J'ai l'album, propre mais.... sans couverture ... :(
Enfant, c’est Parana le petit Indien qui me faisait rever, pechant dans le fleuve avec son arc et ses fleches, et c’est en recherchant ce livre que je suis tombee sur ce site.
Je suis photographe et en 1980 je suis partie en Amazonie pour faire un article pour le National Geographic sur les Indiens Wayana. Je suis restee quatre mois chez eux. Un jour, je voyageais en pirogue quand mon guide m’a dit : “Tu connais le livre Parana le petit indien?” - “Oui, bien sur!”. En pointant du doigt vers un homme qui regardait la riviere du haut d’un promontoire, il m’a dit “Eh bien, voila Parana!”. Je n’en revenais pas. Sans le savoir, j’avais atterri dans sa tribu. Ah les reves d’enfant! Ca vous poursuit toute la vie.
Malheureusement je viens d’apprendre que Parana est mort l’an dernier.
Enfant je connaissais ces livres, mais ils ne m’attiraient pas plus que cela. Une amie beaucoup plus jeune que moi, m’a dit avoir perdu cette collection lors de déménagements successifs, soupçonnant même sa mère de les avoir jetés.
Chaque fois que j’en trouve sur les vide greniers j’achète. Je viens de trouver Parana. Plein de tendresse, ce livre touche l’homme moderne que nous sommes tous. Beaucoup de nostalgie également, car avec la disparition de Parana, nous prenons conscience plus encore, qu’un peu de nous et de nos illusions d’enfants disparaissent avec lui.
J’ai beaucoup aimé la petite “kozerie en dilettante” de Anna en début de page. Comme un petit air de Pagnol au réveil, un zeste de Provence qui nous surprend, une bartavelle qui s’envole devant nous au petit matin. Ah la bartavelle……..Merci
Fan de Parana depuis 45 ans … j’ai enfin mon billet d’avion pour Noël … alors si vous avez des tuyaux … je suis preneuse Quand a apprendre a lire … je me souviens comme si c’était hier qu’à cette même période où nous apprenions les syllabes en maternelle …quand l’instite nous a fait réfléchir que C’EST MOI QUI AI TROUVE COMMENT ON ÉCRIT PAPA !!! peut-être bien grâce au titre sur la couverture jaune !!!