Gribouille.

Un de ces deux Noëls-là, ou pour mon anniversaire, j'ai reçu l'une de mes rares poupées. Celle-ci était en tout point parfaite : le corps mou recouvert de tissu blanc, les membres en plastique un peu caoutchouteux, des cheveux courts et bouclés un peu rêches. Je ne me souviens plus à quoi je jouais avec elle mais je sais que je l'emportais partout avec moi. Quelques années plus tard, dans le village de l'Yonne où Maman louait une maison, j'allais jouer avec une autre petite Parisienne en vacances de mon âge. Elle m'emprunta ma poupée et ne voulut pas me la rendre. Je finis par en parler à ma mère qui vint avec moi la réclamer. « Ma fille a toujours eu cette poupée », répliqua sans vergogne l'autre mère à la demande de restitution. Je garde en mémoire une stupéfaction intense, l'assurance de cette femme me fit douter même des mille indices de taches, coups de crayon et autres tonsures dont j'avais décoré ma poupée au fil des ans. Les adultes ne sont pas censés mentir ni être malhonnêtes. Maman finit par laisser tomber mais me certifia croix de bois croix de fer que je ne perdais pas la tête. Cette poupée était la mienne et ces gens trop cons. Ma poupée s'appelait Gribouille, je trouvais que c'était un joli nom.

Déménagement.

Par là aussi, ma mère se voit attribué un logement à Ivry et nous quittons Massy-Palaiseau, mon école maternelle et surtout ma copine (dont j'ai oublié le nom). Je suis triste car on avait prévu de se marier plus tard pour élever nos enfants ensemble. Elle aussi vit seule avec sa mère, son père est mort. Je trouve que c'est pas mal aussi un papa mort, il ne part jamais. Le nouvel appartement est plus grand que l'ancien. Il est tout en haut de l'immeuble E5. Il y a plein d'immeubles, on appelle ça une cité. Le président-de-gaulle de la cité c'est la gardienne, elle sait tout. Elle s'appelle Mme Lachèvre. Maman l'appelle par son prénom : Camarade. Moi j'ose pas.