Et ils ont perdu. Ben oui, quoi. Vous ne croyiez quand même pas que David allait gagner contre Goliath et que j'allais me déclarer bluffée par la représentation du jour ? Tst tst, pari fou ! pari impossible ! pari libéré (ah non, c'est pas ça, je m'emballe...)

Je confirme donc la suprématie de l'enregistrement de chez Erato, vingt-quatre ans plus tard on n'a pas encore fait mieux. Et c'est pas parce que je n'en connais pas beaucoup d'autres que je vais me gêner pour le dire... Dès l'ouverture, je grimace. C'est comme ça : quand j'écoute le disque il me vient des fourmis dans les jambes, l'envie irrépressible de sauter sur place, de faire semblant de diriger l'orchestre avec une baguette imaginaire. L'ouverture de l'Italienne dans mon coffret ça pète le feu, ça explose en mille petites étincelles de vie.

Et l'énergie ne retombe pas durant les deux CD, les chanteurs s'amusent comme des dingues et il faudrait être sourd comme un pot pour ne pas s'en rendre compte. Ils s'amusent comme des dingues, chantent au meilleur de leur forme, se «passent les plats», dans le bon sens du terme, mutuellement. Je mets là en avant leur abattage, leur drôlerie, mais n'allez pas croire que c'est une façon de compenser une voix passable ou une agilité hasardeuse, parce que bien au contraire, Ramey est une très grande basse (la plus grande selon les sus-cités experts), Horne la meilleure mezzo-soprano du monde de tous les temps et Battle la... oui, bon, une magnifique Elvira ;-) pour ne parler que des principaux interprètes mais je pourrais continuer la litanie avec les autres.

Donc, me direz-vous, tu étais déçue par ta rentrée alors ? Mais pas du tout ! (Qu'est-ce que vous sautez vite aux conclusions vous alors !)

Aussi fabuleux soit-il, un disque ne peut procurer l'émotion qui commence en entrant dans la salle, que dis-je, en achetant son billet, la lumière qui baisse, le rideau rouge, le velours des fauteuils,[1] le son des instruments «en vrai», tout ça quoi. Tiens, c'est comme de comparer un gâteau maison avec un gâteau Lenôtre (quand ça n'est pas vous qui récurez la casserole où le chocolat a attaché s'entend).

Alors oui, le chef était molasson, les vents pas terribles, l'ouverture ne m'a procuré aucune envie de grimper sur le fauteuil, mes voisins ne s'en plaignent pas ; la Vivica Genaux, outre des jambes de déesse chante mieux que bien, joue bien mais elle manque un peu de puissance et de ce truc en plus qui suspend le souffle de l'auditeur, Simone Alaimo est un Mustafa drôle et rompu au rôle mais n'a plus la voix que je lui ai entendue dans l'Elixir d'amour[2] J'ai retrouvé avec grand plaisir en Elvira Jeannette Fischer, une soprano qui m'avait fait crever de rire l'année dernière dans Gianni Schicchi.

Et puis la mise en scène était drôle et bien fichue et comme j'emmenais aussi slangoslam dont c'était le baptême opératique je glisserai sur les ficelles un peu faciles parce que finalement ce qui est bien c'est que ça lui ait plu.

Pour ceux qui ont eu la flemme de tout lire : je disais donc que le prix des consommations est vraiment une énorme arnaque et qu'il faut que je reprenne l'habitude de venir avec ma bouteille d'eau. Voilà.

Notes

[1] D'autant que comme je ne vais à Garnier que deux fois dans l'année et que les mauvaises places sont vraiment très mauvaises, là on était très bien placées.

[2] Un opéra de Donizetti dont j'ai le DVD et qui fait partie de mes prescriptions « à faire rembourser par la sécurité sociale ».