Léo et Claire
Par Kozlika le mercredi 15 décembre 2004, 20:56 - Lien permanent
C'est drôle, il y a quelques jours à peine, un mois pile après le mien,[1] c'était l'anniversaire de Claire, mon amie d'enfance, ma sœur choisie.
On a toujours des gens qui nous sont proches une image qui les représente : une scène, un contexte, un souvenir. Enfin moi je suis comme ça (et vous au fait ?). J'ai malgré ma pauvre mémoire bien des souvenirs de Claire mais celui qui pour moi est comme une icône (oui tiens, comme une icône, celles des raccourcis sur nos ordinateurs et les autres aussi, celles qu'on vénère...) c'est Le Jour de la Poésie Libre.
Nous étions en quatrième donc, et nous ne nous connaissions pas encore très bien. Le prof de français nous avait demandé d'apprendre par cœur une poésie pour le cours suivant. Je suis passée sur l'estrade. Je me trouvais terriblement poétique et subversive avec mon Prévert et le prof m'a gentiment mis un douze ou un treize. Correct.
Et puis il a appelé Claire. Deux tresses blondes bien sages, une jupe plissée écossaise, des soquettes blanches, la peau bébé-cadum, l'enfant sage et tranquille modèle. Et puis Claire, le regard rageur et les poings serrés, a commencé et c'était « Il n'y a plus rien » de Léo Ferré. Le disque venait de sortir ; aucun de nous, pas même le prof ne le connaissait. Et quand je dis réciter, j'ai tout faux ! Claire ne récitait pas ce poème elle le scandait, le hurlait, le vivait. Et nous tous, tous, nous étions figés sur nos chaises, fascinés tant par les paroles que par le formidable contraste entre cette allure de petite fille bien comme il faut et cette absence totale de compromission, cette colère éructée, cette formidable révolte. Elle était... je ne sais pas comment vous dire... sublime, voilà, elle était passionnément sublime.
Le « on se bat ! » final a résonné dans un silence de plusieurs dizaines de secondes après qu'elle a fini. Et il y a eu ensuite une effervescence pas possible. Le prof était lui aussi manifestement estomaqué mais sous la pression populaire il a lâché un 20/20 dont je ne saurai jamais s'il était guidé par son propre jugement ou par la conviction - fondée - que nous l'aurions lynché s'il avait osé lui mettre un 19,5.
Je repensais à tout cela tout à l'heure, et voilà qu'en relevant mon fil RSS... Bon anniversaire Claire (et merci à Castalie pour la « madeleine »).
Notes
[1] Ce fait se reproduit annuellement aussi étrange que cela puisse paraître, oui, tous les ans un mois pile après le mien...
Commentaires
Quand je pense qu'en 73 une élève de 4ème récitait ce texte... ça m'émeut et ça me donne, à cause du contraste avec ce que je constate de la maturité des élèves de 4ème actuels, l'effet d'être un-e dinosaure.
Nous on récitait "Parachutiste" de M.Le Forestier, en 75-76. Le prof était barbu et fumait des gauloises bleues en classe (à l'époque, les profs fumaient en cours).
Bonne anniversaire Claire :)
C'est (an)archi beau.
:-)
Un vrai texte poétique, écrit avec les tripes et le sang dans les veines. Bravo Claire pour ton choix !
c'est encore plus beau lorsque c'est Ferré qui le chante, on sent tout le désarroi, la rage et l'amour qui ont inspirés ce texte.
Alexandre, de Castalie
Le morceau qui se termine par
, c'est la préface de Il n'y a plus rien, pas le morceau éponyme, qui est à mon avis beaucoup trop long pour être retenu par une élève de quatrième, mais très bien quand même.Par contre, maintenant qu'on en parle, je vois bien quel disque avait écouté Cantat avant d'écrire Nous n'avons fait que fuir.
Tu as raison xave, il s'agit de la préface - le texte lu hier chez Alexandre et mis en lien à la fin de mon billet. Pfffff, quel pinailleur tu fais ;)
(Du coup je suis allée voir les paroles de Nous n'avons fait que fuir... il faudrait qu'un de ces quatre je regarde/écoute de plus près la production du bonhomme...)
Malheureusement, Nous n'avons fait que fuir, c'est la preuve que NoirDez était en train d'acquérir de la profondeur après avoir pendant des années tapé dans la révolte rock adolescente (sympa, mais ils ont été vraiment longs à mûrir.) Et voilà encore une histoire qui s'arrète au moment où ça commençait à devenir intéressant...
Pour les curieux, quand on compare l'inspiration qu'il peut y avoir derrière ça avec ça, on se dit que Cantat n'avait pas écouté que les Sex Pistols...
bon anniversaire, Claire !
j'ai été très émue de ton billet, gênée aussi : est-ce bien nécessaire de publier ce genre de choses ? Et puis rageuse, parce que je n'ai rien fait de cette révolte et que ça fait 30 ans qu'elle me ronge. Merde ! Et merci.
Claire > À quand un carnet sur le web ?
Rien à voir avec le billet mais merci à la grande Kozlika pour la barre wikki Et puis BON ANNIVERSAIRE CLAIRE
Salut, j adore ton blog!
Est il possible davoir quelque renseignement au sujet des themes de ton blog?
merci
Merci istud. :)
Je pense que tu parles des thèmes et non du contenu. Dans ce cas, je préfères que tu poses tes questions sur le forum ou dans mon blog de démo de mes thèmes.
Claire, fais-moi penser à te présenter Sophie, une bloggeuse de ma connaissance qui a un petit monde bien à elle...
"Y'en pas une sur cent et pourtant elles existent..." Les Claires.
J'ai un souvenir ému de ces cours avec poésie libre. Je me souviens avoir récité du Prévert en 5° avec une professeure que j'adorais. Plus tard elle m'a confié que m'avoir vu lui mettre la main sur l'épaule en lui disant : {{Ne vous désolez pas , professeur, les lièvres s'en vont mais les tiroirs restent, c'est la vie.}} lui avait fait un certain choc. Quelque chose comme le sadisme inconscient de l'adolescence. je suis d'ailleurs incapable de me rappeler du titre de ce poème.