Ah ça non alors !
Par Kozlika le jeudi 3 février 2005, 17:18 - Lien permanent
« Penses-tu qu'il y ait un opéra "idéal" pour une première fois ? »
S'il y a bien une chose dont je sois certaine c'est que ma réponse à cette question est non, mille fois non. Tant par mon expérience personnelle de prosélyte envahissante que pour cette question parfois posée sur les forums consacrés à l'opéra et attirant presque autant de réponses différentes que d'intervenants, je suis formelle : il n'y a pas d'opéra idéal pour une première fois.
Ni pour la dixième ou la centième d'ailleurs. J'ai été bien déçue par des productions que j'attendais avec impatience, surprise et émerveillée par des œuvres pour lesquelles je me suis forcée à me déplacer en traînant la patte...
Mais pour le jeu je veux bien mettre un peu d'eau au moulin, façon horoscope, et vous laisser ajouter votre pierre, nul doute que ceux d'entre vous qui fréquentent l'opéra auront un autre avis, mais allons-y. Pour le fun et la bagarre !
Fans des feuilletonnistes
Victor Hugo, Alexandre Dumas, voire Michel Zévaco[1] figurent en bonne place dans votre bibliothèque idéale. Verdi est fait pour vous, guettez un Rigoletto, un Don Carlo, un Trouvère. Otello et Macbeth feront les délices des amateurs des amours croisées de la grande épopée et de Shakespeare, à condition de ne pas trop en demander sur le plan littéraire, les livrets sont quelque peu tirés par les cheveux, ça n'est pas Extatic qui me démentira n'est-ce pas ?
Romantiques à Kleenex
Vous avez adoré Rebecca et Autant en emporte le vent, Vous sanglottez devant Roméo et Juliette ? Vous devriez essayer La Traviata (Verdi encore), Roméo et Juliette de Gounod, Manon de Massenet. Tosca de Puccini ou Lucia di Lammermoor de Donizetti pourraient vous séduire, Hamlet de Thomas est fait pour vous. Tout Bellini est indispensable. Amours contrariées, jeunes filles pures et grandes envolées de violons poignants.
Le malheur des héroïnes fera votre bonheur.
Drames à Kleenex pas du tout romantiques
(Merci Pascal pour l'ajout précieux de cette catégorie et de son contenu). « Dans cette catégorie un peu à la Lars von Triers ou à la Gus van Sant [...], je classerais des choses plutôt contemporaines, comme le Peter Grimes de Benjamin Britten, ou (beaucoup plus dur) le Woyzeck d'Alban Berg. » Si vous n'aimez pas les sopranos et que vous aimez bien les marins, avec ou sans pompon, Billy Bud (dont Francesca Zambello avait réussi une très belle mise en scène à Bastille), sans aucune femme sur scène, est splendide.
Poètes, vos papiers !
Les âmes de poète peuvent essayer une Rusalka de Dvorak, la Petite renarde rusée de Janacek ou la très jolie Juliette ou la clé des songes de Bohuslav Martinu qui sera je crois reprise à Bastille la saison prochaine. L'enfant et les sortilèges (Ravel, sur un livret de George Sand [oups] Colette) fut le premier amour opératique de ma fille, je ne l'aurais pourtant pas spontanément classé en « premier opéra idéal »... Si d'aventure votre chemin croisait une Lakmé (Delibes) ou quelques Pêcheurs de perles (Bizet) l'un ou l'autre devraient vous ravir, on nage dans ces deux dernières œuvres dans la plus pure imagerie d'Epinal des lointaines et envoûtantes colonies...
Grosse artillerie
Quand vous étiez petit, vous vouliez être Napoléon, Alexandre le Grand ou Toutankhamon. Aïda ou Nabucco (encore Verdi), une grande partie du répertoire russe, Eugene Oneguine par exemple font appel à une armée de choristes dans des fresques historiques grandioses. Vous pouvez également tenter une incursion du côté des Troyens de Berlioz. (MAJ 18h] Oubli impardonnable, merci Tuano La Guerre et la Paix (Prokofiev) bien sûr ![2]
Matière à réflexion
Sans rien enlever à leur qualité musicale certains opéras ont vu sur leur berceau se pencher des librettistes d'un incontestable talent littéraire et valent autant pour leurs textes que pour la musique. Hugo Von Hoffmannsthal a ainsi contribué à maints opéras de Strauss, Arianne à Naxos par exemple, pour les Dialogues des carmélites Poulenc reprit le texte d'une pièce jamais jouée de Bernanos.
On peut rire aussi
Si la plus grande partie des opéras finissent mal, dans le sang et les larmes, quelques compositeurs ont eu la bonne idée de vouloir nous faire rire. Tout Offenbach, et en premier lieu La Belle-Hélène y parvient, dans la superbe production de Pelly Platée (reprise la saison prochaine) est inratable - même pour moi qui suis toujours méfiante à l'égard du baroque, pardon Mathieu et les autres !
Hu hu ! J'en ai oublié plein ! Rien que là tout de suite, j'en ai trois ou quatre en tête... voire cinq ou six dont je me veux déjà de ne pas les avoir cités.
Mais tant pis. Il faut savoir arrêter un billet comme dirait la CGFL (confédération générale des folles lyriques).
Commentaires
Super ce billet ! Je crois que je me range dans la catégorie des poètes, pour commencer. L'artillerie lourde ne me tentera peut-être jamais. Aucun des opéras cités chez les poètes ne m'étaient connus (faut dire que je suis pas une référence de toute façon...). Je vais à la médiathèque samedi en chercher un ou deux, suivant la disponibilité. T'as intérêt que ça me plaise, je vais pas lacher les platines pour quelque chose qui ne me bluffe pas ! :-) En tout cas, merci encore pour ce billet qui n'a pas dû être aussi rapide à écrire que ça... Mes impressions sous peu.
Matthieu
Merci Matt, j'attends ton « verdict » mais comme j'ai un copain fleur bleue ne vibre qu'à Strauss il faut s'attendre à tout...
Oooooooops ! Nom de glas ! je n'ai cité aucun Mozart ! Complètement cintrée je suis, moi ;-)
Aaah ! Là, j'ai compris tout le texte ! Très intéressant d'ailleurs... Je trouve la catégorie poétique difficile. Les opéras de la catégorie "Grosse artillerie" me semblent plus accessibles, surtout que dans Aïda ou Eugène Onéguine, la plupart des scènes sont intimistes et contrastent avec quelques scènes grandioses. Tout de même, aller voir Guerre et Paix à l'Opéra Bastille cette saison devrait être une belle expérience (s'il n'y a pas grève). Je pense que l'Otello qui se donnera bientôt pourrait être une belle introduction au monde de l'opéra.
Mais bon, l'opéra, c'est comme tout. C'est comme si on demandait quel film serait bien pour quelqu'un qui n'est jamais allé au ciné. La diversité de l'offre et des goûts personnels font qu'il est effectivement difficile de répondre à la question.
Il manque une catégorie "drames à Kleenex mais pas romantiques du tout", un peu à la Lars von Triers ou à la Gus van Sant... Et dedans, je classerais des choses plutôt contemporaines, comme le Peter Grimes de Benjamin Britten, ou (beaucoup plus dur) le Woyzeck d'Alban Berg.
Sinon, en ce qui me concerne, ma première fois c'était l'incontournable Carmen de Bizet. Je devais avoir 7 ou 8 ans, et je m'en rappelle encore...
Je crois entendre encore,
Caché sous les palmiers,
Sa voix tendre et sonore
Comme un chant de ramier !
Ô nuit enchanteresse !
Divin ravissement !
Ô souvenir charmant ...
Mais en mm tps, je ne vais pas revenir sur l'éternel débat... je reste persuadée que ce qui fait la beauté d'un opéra, c'est la musique, pas le texte. Pourquoi ne pas faire un classement en fonction des partitions plutôt?
Parce que par ex, Rigoletto & Macbeth, ça a beau être du mm compositeur, tu as beau les classer ensemble, mais musicalement, c'est quand mm très différent!
L'année prochaine, au Chatelet, il y aura le Ring (direction musicale: Eschenbach ; mise en scène: Bob Wilson). "Grosse artillerie" ? "Drame à kleenex" ? ou catégorie "Prise de tête" ?
Extatic, ça me semble difficile de classer les opéras par partition pour guider le choix d'un premier opéra ? Sauf si la personne connaît déjà bien le répertoire instrumental, ça ne lui dira rien. Et puis en tout état de cause je trouve que Rigoletto a plus de points communs avec Macbeth qu'avec Woyzeck non ? ;-)
Bladsurb, euh... comment dire... Wagner et Wilson pour moi ça serait plutôt la catégorie Fuyons. Wagner je veux bien essayer encore, mais Wilson, je passe ! Je garde de sa mise en scène de La Femme sans ombre le souvenir d'un ennui si profond que seul le solo de violoncelle au début de l'acte III (ou II ?) a réussi à me faire ouvrir un deuxième oeil et les oreilles...
Menfin, comment peux-t'on confondre George Sand et Colette ?
Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaargh !
Facile : c'est des filles qui écrivent au lieu de faire la cuisine et le ménage. Et pourquoi pas voter aussi !
Le premier opéra que j'ai vu en vrai, c'était La Femme sans Ombre. Peut-être que si je le revoyais aujourd'hui, je n'aimerais pas parce que c'est difficile et qu'on n'y retrouve pas les émotions chères aux Romantiques à Kleenex dont je fais parti. Pourtant à l'époque, j'avais trouvé ça vraiment fantastique. Parce que c'était la première fois. Et puis, j'ai vu La Traviata dont l'enregistrement de Callas m'émeut depuis de longues années. Et là, rien, j'étais en colère. J'avais l'impression qu'on avait saccagé mon bonheur que je préparais depuis plusieurs semaines, en relisant Dumas et en écoutant en boucle le-dit enregistrement. Alors quel est le mieux pour la première fois ?
Je n'ai jamais eu l'occasion de voir un opéra en vrai.
Celui qui a tout déclanché, ce fut "la flute enchantée" version Bergman, vue au cinéma.
Bien sur le "Carmen" de Carlos Saura et une curiosité, le Carmen d'Antonio Gades, filmé par C. Saura.
Autre curiosité, j'ai vu en autriche, quand j'était jeune, "l'enlèvement au sérail" par un théatre de marionettes.
Ouh là, vaste sujet ! Je serai plutot de l'avis de Kozlika : il n'y a pas d'opéra idéal pour une "première fois". Il y a quelques temps, j'étais encore tenté de croire qu'il y avait plutot des opéras "pas idéaux pour une première fois". Mais même de cette idée-là je suis revenu. Sur ce coup-là, Kozlika a un peu à se faire pardonner, notamment l'oubli des Mozart ! Mozart, c'est avant tout l'adéquation parfaite de l'accord du théatre et de la musique, qui est tout de même l'ESSENCE de l'Art Lyrique. Mozart l'incontournable. Mais dans l'ensemble, j'aime bien sa "classification" hors-norme ! je me permettrai juste d'ajouter quelques titres dans certaines catégories ; Madame Butterfly et La Boheme dans la catégorie "drames à kleenex", Pélleas et Mélisande dans la catégorie "Poète, vos papiers". Dans la categorie "on peut rire aussi", Le Barbier de Séville de l'impayable Rossini qui parsème sa musique de clins d'oeil rigolards. J'ajouterai une catégorie "sagas lyriques", dans laquelle on pourrait ranger la Tétralogie de Wagner et Les Troyens de Berlioz. Dans la catégorie "Matière à reflexion", le Capriccio de Strauss, sur les rapports entre "paroles" et "musique", ou Parsifal de Wagner, chef-d'oeuvre philisophico-mystique sur la Rédemption....
Un conseil à Matt le chimiste et à tous les novices : le meilleur moyen d'attraper le virus du lyrique est encore de se prendre par la main et d'accompagner un(e) fan à un spectacle, plutôt que de recourir aux CDs pour une "pâle" initiation. L'invitation de Kozlika à lui tenir compagnie dans la queue pour Guerre et Paix, me semble une parfaite entrée en matière (et le spectacle est somptueux) !
Petite correction de perfectionniste (c'est Kozlika qui déteint...) : l'Opera de Berg s'écrit Wozzeck, sans doute pour le différencier de la pièce de Büchner qui l'a inspiré (Woyzeck)
Après avoir fait l'impasse sur Wagner et Mozart, on va aussi éviter Monteverdi? ;-)
je cherche l'interprete de la chanson dans l'opera de bizet : je crois encore entendre sous les palmier, sa voix tendre et sonore comme un chant de ramier... merci de me repondre alice
Pepeeta, c'est "La romance de Nadir" dans "Les pêcheurs de perles". Plusieurs écoles s'affrontent pour en déterminer la meilleure interprétation. J'ai quant à moi une faiblesse pour celle d'Alain Vanzo parce qu'on y entend merveilleusement bien la gomina ;-)
Moi, je préfère la version de David Gilmour...
Quelle jolie note.
C'est vrai qu'il n'y a pas d'opéra idéal pour commencer, ça dépend avant tout de la personnalité, des goûts de chacun. Et puis il y a la mise en scène, les chanteurs.
Le mieux, c'est de consommer dans modération.
Je suis tombé dedans il ya a à peine plus de six mois, avant j'écoutais en dilettante. Je me suis lié d'amitié à S. Degout, baryton très talentueux qui m'a invité à voir la Flute Enchantée à Bruxelles. Depuis, ma consommation est devenue gargantuesque.
Moi j'aurais répondu sans hésitation le Don Giovanni de Mozart comme premier opéra à découvrir pour commencer. Vraiment sans hésitation.
Je persiste à penser que ça varie d'une personne à l'autre, mais notons ta proposition ! :)
heuuuu ... si je puis me permettre de rajouter un petit caillou tardif à cet édifice déjà imposant ... Offenbach ... oui 100 fois oui ... et puis la Flûte Enchantée aussi ... (vue à Salzbourg un été ... je m'en suis pas franchement remise ;-) )
mébon ...je me pose pas en spécialiste hein (tu t'en doutes !!) mais plutôt en incorrigible éclectique :-D