Leïla n'a pas de blog
Par Kozlika le jeudi 3 mars 2005, 17:19 - Lien permanent
Il fait un peu moins froid que les jours précédents mais l'affichage du temps d'attente à l'arrêt d'autobus me semble déjà trop long. Sept minutes. J'ai quitté le Halls Beer chaleureux et enfumé après la vingtième édition du Paris-Carnet pressée d'aller me coucher et voilà qu'il va falloir attendre sept minutes, à trépigner d'un pied sur l'autre sur le quai de la Mégisserie.
Une jeune femme est déjà là, la tête penchée sur une besace dont elle remue fébrilement le contenu. Je ne distingue d'elle qu'une masse de cheveux noirs reposant sur un improbable anorak rose bonbon bien trop léger me semble-t-il, et ses basketts, tout aussi roses, en tissu me gèlent rien qu'à les regarder.
« Vous avez un mouchoir ? »
Elle a à peine relevé le menton pour s'adresser à moi. Je pioche à mon tour dans mon sac.
« Oui, tenez. Avec ce froid on s'enrhume vite.
– C'est pas un rhume. C'est un con ! »
La voix si frêle tout à l'heure a marqué cette fois une rage féroce. La colère de son regard tourné vers moi s'habille un peu de larmes mais semble dominer.
« Il veut que nous restions amis ! »
Alors là, je commence à comprendre. Je pouffe intérieurement, tâche de n'en rien laisser paraître. Mais ne peux toutefois m'empêcher de me demander à quel pourcentage on pourrait estimer le nombre de ruptures se parant de la formule magique.
« Oui, bien sûr c'est trop tôt. Il va vous falloir du temps...
– Non ! Enfin je veux dire : si ! Mais non en fait, déjà comme amoureux il ne tenait pas la route alors un ami... oh la la, non alors ! Pour rien au monde ! Ce type est trop nul !
– Ah, oui, euh... dans ce cas bien sûr.
– Non, mais attendez, vous n'avez pas idée de toutes les conneries qu'il m'a débitées au kilomètre : “Leïla, personne, plus que toi...
– ... ne mérite de rencontrer l'amour” ?
– Ouiiiiiiii ! Je vous jure, c'est exactement ce qu'il m'a dit ! Pas mal hein ?
– Oui, oui. Et vous a-t-il dit aussi que votre histoire avait été magique, merveilleuse, inoubliable ?
– Ah non, tiens, il ne m'a pas dit ça, zut ! (Elle sourit.) Mais il m'a dit que j'étais telllement séduisante que je ne resterais pas longtemps seule. Et que j'avais des qualités ex-tra-or-di-naires.
– Formidable. On se demande pourquoi il est parti alors...
– Voilà ! Quel con hein ! Comment les mecs peuvent-ils raconter des trucs pareils et penser qu'on va les croire ?
– Bah ! Les femmes doivent en faire autant probablement, vous ne croyez pas ?
– Peut-être mais débiter le guide complet de Sachez rompre avec diplomatie de la première à la dernière page, on ne me l'avait encore jamais fait ! Attendez, il m'a dit plein d'autres trucs aussi minables. Ah oui ! Je ne vous ai pas dit, mais il vit en colocation avec un autre gars et une fille. Alors il m'a expliqué que cette fille, ça fait depuis deux ans qu'ils partagent un appart' sans problème, juste copains.
– Et voilà que soudain...
– Oui, voilà, sans prévenir...
– Et toute résistance devenant inutile devant le raz-de-marée de désir et d'amour irrépressible malgré une immense culpabilité à votre égard, malgré toute l'estime qu'il a pour vous, toute l'amitié même, vous si irrésistible, si pleine de qualités, tant et tant que personne-plus-que-vous...
– Voilà ! Crac ! Au lit sans s'en rendre compte !
– Ah l'amour ! D'un autre côté il n'avait peut-être pas le choix, peut-être même qu'elle l'a obligé !
– Mais c'est vrai ça ! Mon pauvre petit mec en sucre ! »
Nous voilà pliées. J'en rajoute une couche, j'aime bien son rire.
« Et puis c'est peut-être de votre faute ?
– Ma faute ?
– Oui, je ne sais pas moi, vous êtes peut-être tellement bien que vous l'impressionnez, il préfère un amour plus simple, plus tranquille, qui soit moins périlleux pour son équilibre psychologique et qui le mette à l'abri des ravages de la passion... Imaginez un peu qu'il se serait sûrement mis à boire dans l'angoisse de vous décevoir...
– ... n'aurait plus rien mangé ni bu avant d'être sûr que j'aurais été d'accord. Aurait déprimé dans sa chambre les soirs où je n'étais pas libre ou ceux où je n'aurais pas été assez gentille.
– Voilà, vous ne savez pas à quel point les femmes extraordinaires sont destructrices. »
Elle hoquète entre deux rires :
« Vous savez, je n'ai pas l'habitude de parler aux gens que je ne connais pas comme ça et de raconter ma vie.
– Oui, mais là c'était un cas de force majeure. Vous êtes subjuguée par sa classe et vous aviez besoin de partager votre admiration.
– Voilà, c'est exactement ça ! D'ailleurs je devrais faire la pub pour son bouquin, je vais envoyer des lettres aux journaux.
– Son bouquin ?
– Ben oui, vous savez : Sachez rompre avec diplomatie. C'est quand même le meilleur moyen pour que la fille ne vous regrette pas !
– Ah ! Fort juste ! Vous avez bien raison, tiens, demain je lui ferai de la pub sur mon blog déjà.
– Génial ! Mais euh... c'est quoi au juste un blog, je n'arrête pas d'en entendre parler.
– C'est un peu comme un site perso si vous voulez, on y raconte ce qu'on veut, un peu comme un journal, mais pas forcément intime, et les gens peuvent venir commenter... Tiens, je vois le bus qui arrive.
– Mais je ne prends pas celui-là moi, je prends le 83... Ah oui, comme un skyblog quoi. Alors vrai ? Vous allez en parler sur votre truc ?
– Promis juré : faites une recherche dans Google avec kozlika, k-o-z-l-i-k-a, vous trouverez mon blog. Demain, promis.
– Wahou ! Et je lui donne l'adresse ! Trop fort ce truc ! Il va être vert ! »
Vous voyez Leïla, j'ai tenu ma promesse ! Un si bon bouquin ne saurait passer inaperçu ! Et merci pour la crise de rire...
Commentaires
Damned, j'ai encore raté le Carnet Paris ! Mais j'étais de baby sitting, donc, etc.
Heureuse Leïla !
Car mort aux cons !
T'as pas oublié ton écharpe ?
Kozlika, experte en allègement de chagrins d'amour, c'est du grand art :o) Après t'avoir aperçue hier, cela ne m'étonne guère : sourire et présence chaleureuse à l'attention de chacun. A une autre fois dans la vraie vie.
@Benoît : "vaste programme" ! ;o)
Lolo ! Siiiii ! C'est toi qui a mon joli boa vert ?
oui. Je l'ai.
Lolo > Woua ! Mais alors ça veut dire qu'on a un rencard ? ;-) Suis perdue sans mon boa moa !
Talou > Au prochain Paris Carnet peut-être ? :-)
bah ouais. Heu ... Quand ?
Ah ben je vais y monter, dans ce 83, je crois que Leïla et moi, on a aussi pas mal de choses à se dire! A moins que nous ne partions ensemble à la recherche du boa vert?
Ce texte est un vrai régal, en tout cas !
:)
ho, ça me rappelle des tas de souvenirs. Dommahe qu'à l'époque je ne sois pas tombée sur une Kozlika rentrant d'un Paris Carnet...
trop bien, bravo koz !
Excellent.
:-)
Dites, les filles (et les gars ?), à lire Racontards et Samantdi j'ai l'impression que je ne suis pas la seule à m'amuser hein ? On devrait aider le gars à compléter son bouquin, des fois qu'il aurait une autre rupture en vue...
Pétard une histoire pareille pile poil à cet arrêt de bus... J'en ris encore !
Tiens je savais que le bouquin existait, tu pourrais pas m'en envoyer un exemplaire juste pour le cas ou...............
En tout c'est fou le nombre de nanas qui se font larguer sous pretexte qu'elles sont trop bien à mourrir de rire.
Quand à ta tu devrais te mettre à écrire c'est toujours un vrai bonheur de te lire.
En tapant "Sachez rompre avec diplomatie" dans Google, le premier lien trouvé s'intitule: "Les choix de la diplomatie française". Faut le faire ! :D
Très belle plume Kozlika
mdr... ce gars rassemble tous les clichés du pov'mec à lui tout seul !
en tout cas, bien sympatoche ce billet :-)
Moi je dis que ce type est pas si nul. La preuve ? Grâce à lui, Leïla et Koz se sont bien marrées, non ? Finalement, les beaufs c'est bien utile : qu'est-ce qu'on est moins cons qu'eux !
Que celui qui n'a jamais rompu d'une façon lamentable... Hein? Je vous trouve bien prompt a vous moquer du garçon. Et si c'ètait le drame de sa vie de ne savoir rompre proprement, qu'il lui fallut tout consigner dans un manuel, Emmanuelle? De la méchanceté... voilà tout.
Est-ce que c'est un boa vert anis-pistache, ou simplement vert commun ?
Wep, tres drole ta "triste" histoire.... Quand est-ce que t'écris un roman, Koz ? (bon,je sais, tu vas me répondre qu'il faut dejà que tu termines les histoires de la tante barrée, puis l'histoire de la queue de l'opéra, qui attend toujours sa suite...)
Mais... pardonnez mon ignorance : c'est quoi, Paris carnet ?
Moi qui suis nulle en rupture, j'ai bien ri. Finalement, moi aussi j'aurais dû lui dire qu'il était un type formidable, génial, drôle et tout et tout, bref trop bien pour moi. Ca lui aurait évité de m'envoyer 50 textos de menaces diverses et de noms d'oiseaux qu'on n'a jamais vu !
Toutes les ruptures sont lamentables. C'est comme ça. Y'a rien à faire.
Non, toutes les ruptures sont douloureuses, mais elles n'ont pas à être systématiquement lamentables ! "Dis-moi comment tu rompts, je te dirai qui tu es !"
Pour ma part, je ne rompts pas : je plie. Enfin je pense...
Ouf, je confirme !
Moi par exemple quand je rompt, ça n'est jamais lamentable ! (héhé)
Alors que les fois où je n'étais pas à l'origine de la rupture ça l'était certainement !
Mais moi, on m'a jamais dit que j'étais une fille bien, tout ça ... c'était même beaucoup plus lamentable que ça :(
Stella Maris : rencontre de blogueurs tous les 1er mercredi du mois ( http://www.wikiservice.at/fractal/wikidev.cgi?FR/ParisCarnet )
Bon, le truc triste de l'histoire, c'est à la fin «Ah oui, comme un skyblog quoi.» :((
Ouai j'ai adoré justement le "comme un skyblog" !!!! Excellent ! :-) Mais surtout c'est une vraie BA ! Une vraie Blog Action ! ;-)
« – C'est pas un rhume. C'est un con ! »
Voilà une réplique digne d'un film aux dialogues signés Tarantino :-)
Ouf, xave, Hémiole: vous me conjuguerez pour demain le verbe "rompre" 3 fois au présent de l'indicatif, toutes les personnes:
je romps, tu romps, il rompt...
Kozlika: très joli billet :-)
hmmmm ce disours tant entendu et re-entendu... c'est vrai qu'au bout d'un moment on fini par arriver à en rire :) comme JackSim j'adore la première de cette dame :)))
Steph> Et rompt et rompt, petit pas à pont… :)
Au fait, vous eûtes rompu ?
Les filles aussi savent plaquer un mec en lui disant « tu es quelqu'un de génial, je suis sûre que tu vas retrouver quelqu'un très vite ».
Le boa vert demande sa maman au rayon maquillage...
Hu hu, j'étais partie ce week end. Je t'envoie un mail, Lolo. Tu t'en occupes bien au moins de mon petit boa ?
wé wé ... il mange tous les jours.