Comme promis, voici la première partie de la présentation de l'opéra que nous irons voir à Toulouse le 20 novembre. Monsieur X. a joint à son envoi deux extraits libres de droits (mentions suivies d'une astérisque). Demain, publication de la deuxième partie. Merci monsieur X. !

Le livret en a été écrit par les inévitables Jules Barbier et Michel Carré à partir d’un passage du roman de Goethe, Les années d’apprentissages de Wilhelm Meister. La première eut lieu à l’Opéra-Comique le 17 novembre 1866 avec, dans le rôle-titre, la créatrice de Carmen, Célestine Galli-Marié.

Première partie : L’intrigue, les personnages et les principaux passages

Acte I

L’action est censée se dérouler au XVIIIe siècle. Au premier acte nous sommes dans une auberge en Allemagne. S’y trouvent Lothario (basse) un vieux chanteur ambulant à la raison chancelante qui cherche sa fille disparue -héhé !- (air : Fugitif et tremblant) et les restes d’une troupe de théâtre : la belle Philine (soprano colorature) et Laërte son caustique chevalier servant (ténor de caractère). Cette auberge décidément très artistique est visitée par Jarno (rôle parlé), un forain qui produit Mignon (mezzo-soprano) jeune créature « ni garçon, ni fille ni femme ». Au moment de son tour, la danse des œufs, Mignon se révolte et, près d’être battue est tout d’abord défendue par Lothario puis, de façon plus efficace et spectaculaire, par le jeune Wilhelm Meister (ténor).

La coquette Philine jette son dévolu sur celui qui se présente comme un étudiant en quête de sensations (air : Oui je veux par le monde). Après un petit marivaudage, Philine sûre de son fait se retire et laisse la place à Mignon reconnaissante qui raconte son histoire à son sauveur, celle d’une jeune fille enlevée et vivant sous la férule de bohémiens. Elle se souvient cependant de son enfance (air : Connais-tu le pays*, un des tubes de la partition). Rachetée par Meister, elle exprime sa joie avec son autre nouvel ami, Lothario (duo : Légère hirondelle).

Ambroise Thomas - Mignon - « Connais-tu le pays »

Philine réapparaît sur ces entrefaites avec un autre soupirant, Frédéric (mezzo-soprano ou ténor bouffe). Toujours piquante, elle excite la jalousie des deux hommes en les priant de se joindre à elle dans un château voisin où un autre admirateur, l’oncle de Frédéric, l’a conviée à jouer une pièce. Mignon, quant à elle, essaye de s’attacher à Meister et menace, s’il la rejette, de vivre comme une vagabonde avec Lothario. Meister cède et, emmené sur un air de valse par Philine rayonnante, tout ce petit monde est entraîné dans un final brillant vers le château du baron et le deuxième acte.

Acte II

La première scène du deuxième acte se déroule dans le boudoir de Philine dans le château du baron.

Après quelques piques de son ami Laërte qui, ravi, lui apprend qu’ils vont jouer Le Songe d’une nuit d’été, pièce « d’un nommé Shakespeare, un assez bon poète », Philine reprend son flirt avec un Meister maintenant affublé de son nouveau page : Mignon (trio : Plus de soucis Mignon). Les deux galants partis, Mignon, qui faisait semblant de dormir, exprime sa jalousie mélancolique (styrienne : Je connais un pauvre enfant) et se retire curieuse et envieuse dans la garde-robe de Philine. Pendant ce temps le jeune Frédéric déboule par la fenêtre (rondo additionnel : Me voici dans son boudoir. Ecrit par Thomas pour une Mlle Trebelli à l’occasion d’une reprise, ce morceau n’est chanté que si Frédéric est distribué à un mezzo-soprano). Meister le surprend et après des paroles peu amènes, ils sont près de se battre quand Mignon, habillée d’une robe de Philine, s’interpose. Choc de Meister qui la trouve bien jolie ainsi. Toutefois la situation est par trop compromettante et il décide de se séparer de Mignon en la plaçant auprès d’une famille (air : Adieu Mignon, courage). Elle veut refuser quand Philine revient. Avec une générosité un peu féroce, cette dernière offre à Mignon la robe qu’elle lui avait empruntée. De rage Mignon la met en pièce et c’est paradoxalement un mot de Philine qui fait (enfin !) comprendre à Meister les sentiments qui animent la jeune fille : l’amour et la jalousie.

Au deuxième tableau, la représentation a lieu en coulisse alors que sur scène Mignon se promène seule dans le parc du château (air : Elle est là près de lui). Elle y retrouve Lothario qui, l’âme toujours vagabonde, l’a suivie (duo : As-tu souffert). On entend au loin le triomphe de Philine quand Mignon, plus jalouse que jamais, souhaite tout haut que le théâtre brûle. Elle laisse Lothario en proie à cette imprécation.

Philine sort alors du théâtre, sûre de son succès (polonaise : Je suis Titania la blonde*, autre tube de la partition). Meister, lui, cherche Mignon que Philine envoie dans le théâtre chercher un bouquet qu’elle y avait oublié. Mais le théâtre s’embrase sous l’effet d’un incendie allumé par Lothario. Meister se précipite dans les flammes et ramène Mignon à moitié expirante.

Ambroise Thomas - Mignon - « Je suis Titania la blonde »

Acte III

Meister a transporté Mignon en Italie en compagnie de Lothario qui veille au chevet de la convalescente (air : De son coeur j’ai calmé la fièvre). Il souhaite y acheter une villa à l’abandon, celle du comte Cipriani, et y vivre auprès de celle qu’il a enfin compris et qu’il aime (air : Elle ne croyait pas). Pendant que Meister et Mignon s’avouent enfin leurs sentiments (duo : Je t’appelais), Lothario visite la demeure et, la raison lui revenant, se souvient qu’il est chez lui puis comprend, à l’aide de quelques objets qu’elle reconnaît, que Mignon n’est autre que sa fille jadis enlevée.

Il existe trois conclusions différentes écrites par Thomas :

1. Celle que, résolument partisan des « happy end », il a écrite pour la création.
Après un instant de faiblesse, Mignon reprend ses esprits et dans un trio d’extase (sur le thème de Connais-tu le pays), s’ouvre une vie heureuse.

2. Une variante de cette fin qui voit intervenir Philine.
Celle-ci a suivi Meister mais admet sa défaite, félicite les amoureux et jette son dévolu sur Frédéric.

3. Enfin une conclusion imposée à Thomas lors de reprises à l’étranger et qui, comme cela a aussi été le cas pour son Hamlet, suit plus fidèlement l’histoire originale.
Mignon y meurt au moment où s’apprête son bonheur.

Cette fin bien dramatique jure un peu avec le style charmant qui parcourt toute l’œuvre.

[A suivre demain, la deuxième partie : Embryon d'analyse et discographie.]