photo diptyque 3 Plus que cette dernière poubelle à descendre et il ne restera plus rien du passage de cette connasse. Le lave-linge tourne déjà avec ses draps, la maison est briquée de fond en comble, je m'y suis attaquée dès son départ.

A moins qu'elle soit complètement à la masse, je crois que cette fois elle a compris, qu'elle ne reviendra plus me faire chier ici. C'est déjà bien assez que je doive la croiser aux expos auxquelles je ne pourrai pas échapper. Quand Théo m'a demandé de l'accueillir la première fois, j'ai accepté, pas que ça m'emballait mais il a une sorte d'attachement stupide à ses nouveaux collègues, comme si je ne lui suffisais plus tout d'un coup.

Et puis je ne m'étais pas rendue compte tout de suite à quel point cette femme est insupportable. Je lui ai même proposé de l'aider pour une mise en place dans une galerie. Quelle stupidité ! Son enthousiasme m'a très vite porté sur les nerfs. C'est pas ça l'art, bordel de merde, c'est pas ce truc gnangnan dans lequel elle barbotte. J'avais des toiles plein mon grenier avant qu'elle achète son premier carnet de croquis ; en ce temps-là les artistes se serraient les coudes en partageant le pain sec. J'ai crevé de faim, j'en crève encore, et voilà qu'elle débarque avec sa boîte de chocolats belges achetée pendant ses vacances de rupins. Quand elle est repartie je lui ai dit :

« N'oublie pas tes chocolats.
– Mais je les ai rapportés pour toi, qu'elle me fait.
– Je déteste le chocolat. »

Gniark ! j'ai bien vu qu'elle était vexée, j'étais aux anges. Ouais, je ne l'ai pas ratée cette fois. D'abord je l'ai accueillie avec un frigo vide. Ensuite je lui ai demandé quel était son planning pendant son séjour, histoire qu'elle ne s'imagine pas que je fais le tour operator à mes heures perdues, plus des tas d'autres petits trucs qui font qu'on se comprend entre filles. Théo est passé complètement à côté le pauvre, ou il a fait semblant.

Il m'a dit qu'elle lui avait proposé de repartir aussi sec le soir de son arrivée mais cette andouille lui a juré ses grands dieux que j'étais super contente qu'elle soit là mais que j'avais des tas de soucis familiaux, ce qui expliquait ma tronche d'enterrement. Ces mecs, quels lâches, on a loupé une occasion de s'en débarrasser tout de suite.

Plus que cette dernière poubelle à descendre et ça sera comme si elle n'était jamais venue. Comme avant. Quand il n'avait pas ce boulot et qu'on était tout l'un pour l'autre. Les autres collègues ont l'air moins lourds, mais je me méfie. Et l'autre tarée-là, je la guette, si je la croise et qu'elle découvre un mollet, elle est cuite. La prochaine fois, je la mords.

Pour Diptyque, session 3. Photo de Sheiro (cf.).