On pourrait faire ça tous les dimanches. TarValanion débarquerait avec les confits en bocaux faits maison, on sortirait braver le froid et la pluie neigeuse avec David et lui pour aller au marché acheter des pommes de terre à faire rissoler avec lesdits confits et des gâteaux pour le dessert. On rentrerait à la maison et TarValanion enfilerait le joli petit tablier multicolore pour nous régaler d'un excellent repas à blurps satisfaits suivi d'un petit café bavard.

Ensuite on prendrait le métro avec Fûûlion qui entre-temps aurait fini ses devoirs sur un coin de la table de la cuisine et on irait rejoindre la petite bande de blogueurs (une très grosse vingtaine quand même) curieux de voir un opéra en vrai, dont certains avaient déjà il y a quelques semaines affronté l'attente glaciale des guichets de la Bastille pour réunir le nombre de places suffisant.

Certains se seraient mis sur leur trente-et-un et d'autres seraient venus en jean et ça serait très bien comme ça. On découvrirait la tête d'inconnus croisés par écrit et on retrouverait des qui ne donnent plus que bien (trop) rarement de leurs nouvelles. Plus inconnus encore mais aussi sympathiques à découvrir, des ami(e)s des uns et des autres.

On ferait la distribution des places, des sous, on s'inquiéterait un peu qu'Oli ne soit pas déjà arrivé avec les billets de Matoo et Yves, mais on se serait inquiétés pour rien puisqu'il arriverait tout à fait à l'heure. Aurèle n'aurait pas compris/lu qu'on se retrouvait à l'intérieur mais il aurait eu la bonne idée de noter mon numéro de téléphone avant de partir. Yves m'aurait juste en face de lui dans son champ de vision mais répéterait inlassablement dans son combiné : « Mais t'es où ? » On trouverait une petite mine à Gilda (la nôtre, pas celle de Verdi) mais on serait bien contente qu'elle ait trouvé la force de venir.

Mais la sonnerie annonçant le début imminent du spectacle retentirait et on se disperserait qui au premier qui au deuxième balcon qui en galerie et même certains au parterre avec un rendez-vous à l'entracte. Puis le noir se ferait, on nous enjoindrait d'éteindre nos téléphones portables, on nous annoncerait que Laura Claycomb, Gilda (celle de Verdi cette fois) est légèrement souffrante (aarghl)[1] et le chef entrerait dans la fosse.

Alors là on prendrait vraiment peur. On trouverait l'ouverture indigne de Monsieur Verdi, d'une mollesse à endormir un geek libre devant une féministe, sans aucun des éléments qui nous font aimer Verdi, pas de lyrisme (pensée émue pour un joli bloug fight), pas de dynamisme, des attaques brouillonnes un tempo lent, mais lent... Et discrètement on compterait ses abattis en prévision des commentaires à l'entracte, surtout que ceux-là on ne peut pas les fermer.

Puis la première scène nous prouverait s'il en était besoin que la mention « Jérôme Savary » en face de « mise scène » ne faisait pas référence à un homonyme mais bien au bof-bof directeur de l'Opéra-Comique : strass et paillettes, acrobates alternant avec ... rien, du vide, des minutes entières qu'il n'a pas su combler où les acteurs et chanteurs errent sur la scène sans qu'on comprenne bien (ni eux sûrement non plus d'ailleurs) ce qu'ils sont censés faire là. Enfin du Savary quoi.

Le duc de Mantoue entrerait sur scène et on se dirait qu'il serait tout à fait potable. Pas foudroyant mais honnête, doté d'une bonne projection et d'un timbre pas désagréable. Rigoletto interviendrait alors pour la première fois et on se redresserait dans son fauteuil : tiens tiens, pas mal, pas mal du tout ce Andrzej Dobber ! Ah zut, privés de la belle colère du comte de Ceprano, sa malédiction ne ferait pas peur à grand monde, le chef donnerait alors un peu plus d'allant à l'orchestre pour compenser le manque de vigueur du chanteur (bon choix du chef pour le coup, faut bien que ça tonne quelque part).

Oh, mais ah ! Sparafucile (Ain Anger) tiendrait la route dis donc. Ah oui, tout à fait bien même, tant mieux pour la scène de l'orage du dernier acte.

Et puis ça serait l'entrée en scène de Gilda. On aurait écouté auparavant sur son site les extraits de Rigoletto et on aurait gardé le souvenir d'une voix de cocotte un chouïa chevrottante alors on ne se serait attendu à rien de bien terrible. Et on aurait eu tort. Soit qu'elle aurait progressé, soit que les enregistrements sur son site ne lui auraient pas rendu justice ou bien encore que la légère indisposition annoncée avant le début du spectacle lui ait profité, toujours est-il qu'on trouverait qu'elle assure tout à fait bien son rôle, tant scéniquement que vocalement. Oui je crois qu'à ce moment-là on se détendrait tout à fait en songeant que ça va peut-être bien leur plaire.

Et Rigoletto-Dobber aurait continué de nous épater, bon chanteur, très bon comédien, bonne grosse voix paternelle avec ce qu'il faut de mordant à un fou du roi.

Puis les méchants viendraient enlever Gilda (celle de Verdi) et on irait retrouver Gilda (la nôtre) et les autres au point convenu, avec détour fumant sur le parvis bastillien en compagnie de Pascal, Aurèle et Marie. On serait alors rassuré que tout le monde ait l'air satisfait de cette première partie. Ou en tout cas qu'on leur fasse suffisamment peur pour qu'ils n'osent pas dire le contraire. Certains auraient assez de bonté pour répondre plusieurs fois à la même question (« Alors, tu aimes ? ») sans relever la répétition.

Après, ça serait de mieux en mieux. Forcément puisque notre nouveau chouchou chanterait de plus en plus. Impeccable et émouvant Cortigianni, duo à tirer des larmes pour Tutte le feste, vas-y papa-rigo, tiens au fait, on se dirait qu'elle est peut-être tirée vers le haut par le bonhomme la Gilda (celle de Claycomb). On ne s'énerverait pas trop contre la pauvre Maddalena (Dagmar Pecková), si ça se trouve elle a une jolie voix mais comment savoir si on ne l'entend pas. Du coup le quatuor « Bella Figlia dell'amore » prendrait des allures de trio mais au moins on tiendrait la preuve que Bastille n'est pas sonorisée. Ou alors le régisseur son aurait un compte à régler avec cette femme.

Pof pof, tempête, Gilda (celle de Rigoletto) poignardée, sac, fleuve, tout nickel chrome (on se souviendrait qu'on met un sacré bout de temps à rendre son dernier souffle à l'opéra, même trucidée et jetée dans un sac elle a encore plein de trucs à dire à son père la môme.)

Bravo, bravo ! Sont un peu radins avec nos applaudissements le dimanche à Bastille : seuls les solistes et le chef d'orchestre viendraient saluer devant le rideau tandis que les musiciens comme à l'habitude sitôt le salut fait se carapateraient dans les coulisses, le service est fini hého, faut pas déconner. M. le Maudit et moi on essaierait de déclencher une hola pour Dobber mais on ne serait pas encore bien rôdés. On regarderait si Vroumette aurait comme promis allumé son briquet mais on ne verrait rien.

Et après on serait allés, après bien des errances (et quoique abandonnés par une Vroumette en préparation d'examen, Oli et son homme) pour trouver un lieu qui puisse tous nous accueillir, à l'Industrie pour nous abreuver de chocolat chaud, de Leffe et pour certains de pâtisseries.

On parlerait de tout et de rien, surtout de rien, tout contents d'être là ensemble, avant de rentrer dans nos maisons chacun-z-a-nous et de se dire qu'on la referait bien.

Pour l'Elixir d'amour ?


Eux aussi ils racontent : Shaggoo, Matoo, Chondre, Joël, MleMaudit.

Notes

[1] Ça doit être la maledizione.