2002. Première écoute, au détour d'une compilation réalisée par Frédéric à mon intention pour me faire découvrir ses extraits préférés. Je tombe amoureuse en moins de dix mesures, démesurément. C'est « Caro nome... » (Rigoletto).

J'achète l'intégrale le jour même.

Echanges avec Monsieur X., il l'a découverte et aimée bien avant moi. La tonalité de nos discussions me fait lui dire un jour que si un inconnu nous entendait il en tirerait certainement la conclusion que lui est hétéro et moi homo.

La « Bachinana brasileira n° 5 » me donne des frissons.

J'accumule tous les extraits ou intégrales que je peux trouver avec ma belle. Je me fais l'effet d'une groupie de base, le plus calamiteux cotoie le meilleur, je garde tout. Je tente quelques propositions de dons à Monsieur X., mais il a déjà tout ! C'est lui qui me conseille Luisa Miller, somptueuse.

Il faut que je lui redemande comment s'appelle ce passage des notes aiguës aux notes graves dans lesquels Moffo donne toute la mesure de sa sensualité, comme Caballe celle de sa langueur dans les pianissimi.

2004. Oui, Anna Moffo est très belle, mais ce n'est pas la raison qui m'a fait la choisir pour le thème par défaut de ce blog, n'en déplaise aux esprits raccourcis. Je n'ai d'ailleurs pas encore de cassette vidéo ou DVD avec elle, même si cela fait évidemment partie de mes futures acquisitions. Je me souviens avoir vu (grâce à Monsieur X. bien sûr !), lors d'une chouquetterie, des extraits de la version filmée de La Traviata : décor et mise en scène dignes d'une pièce montée à la crème, mais tudieu quels yeux ! quel charisme !

Au CD, le duo Germont/Violetta, s'il n'arrive pas à détrôner ma version préférée avec Cotrubas et Milnes, offre l'une des versions les plus émouvantes de cet extrait (idem pour toute l'intégrale d'ailleurs), Moffo n'a pas seulement une belle voix, elle investit également théâtralement ses rôles.

Des copains d'Operadatabase me font parvenir des mp3 grotesques ou des photos très moches. Oui, Anna Moffo a mal vieilli (et non pas vieilli tout court, Laurent ;-)) et s'est souvent rendue ridicule. J'évacue. Je ne nie pas ce qu'elle est devenue, peut-être même en suis-je attendrie. Il est très difficile de perdre un don, sans doute, et je conçois qu'on se raccroche à sa gloire jusqu'à ne plus se rendre compte qu'on s'est perdu sur les trottoirs du boulevard du Crépuscule.

Sa Lucia di Lammermoor est poignante de neurasthénie, dès le départ. Lucia meurt de tristesse plus encore que de folie.

En marge des films d'opéra, elle a tourné dans des films assez improbables comme Ménage à l'italienne (avec Dalida et Ugo Tognazzi), vaguement érotiques comme Una Storia d'amore ou la Ragazze di nome Giulio et autres curiosités (filmographie).

Parfois, je suis insupportablement prosélyte ; peu de gens passant par chez moi auront été épargnés d'un quart d'heure Moffo. Je mets aussi des extraits sur mon blog, la contagion gagne le Roncier et David, même pas honte :)

10 mars 2006. Ruffo m'annonce par mail le décès d'Anna Moffo. Je suis inexplicablement saisie de chagrin. Inexplicablement, dis-je car je ne connaissais pratiquement rien de la personne Anna Moffo (je pense par comparaison à Simone Signoret par exemple, à laquelle je m'étais attachée tant pour « son œuvre » que pour ce qu'elle était) et qu'il n'y avait à attendre aucun nouvel enregistrement, aucune apparition sur scène. Je suis en deuil d'une voix que je peux pourtant entendre en allumant ma chaîne, comme je l'ai fait de son vivant. Elle m'a tant donné.

Et je pense à Monsieur X., qui doit être bien triste lui aussi.