Cher Cédric,

Ecoute, j'ai bien réfléchi.

Non non, ne va pas croire que j'y réfléchis depuis (oh putain) trente ans, mais bien depuis une dizaine d'années. Depuis que j'ai rencontré Vivianne dans une rue du cinquième arrondissement. Toujours aussi belle et sensuelle entre parenthèses. Quand je pense que j'étais tellement pétrifiée et intimidée - elle m'a toujours fait cet effet-là la bougresse - que je n'ai fait que débiter des sottises plus grosses que moi...

Nous ne nous étions pas vues depuis la fin des années lycée, un bon bout de temps donc, puisque ma moufflette, qui était avec moi ce jour-là, devait avoir dans les huit ou neuf ans. On papote (enfin, je bafouille devrais-je dire), j'apprends qu'elle est devenue journaliste, et elle me demande : « Alors tu as vu un peu le film de Cédric ? C'est chouette hein ? » Quel Cédric, où, quoi comment ? De quoi me parle-t-on ? « Cédric K., voyons ! »

Tu me croiras si tu voudras, mais je n'avais jamais fait le lien entre « mon » Cédric K., enfin toi quoi, et celui-là, toi quoi. Elle enchaîne, « Tu t'es reconnue ? » Et c'est comme ça que je suis partie aussi sec en quête de ton film, moi qui ne vais au cinéma qu'une année bissextile sur deux.

Mes gamins étaient morts de rire, tout comme leur père, et moi j'étais mortifiée. Ces idiots m'ont « reconnue » tout de suite. Oui : les trois.

Eh ben dis donc. Dis, rassure-moi, tu as fait un genre de compil n'est-ce pas ? Une caricature ? D'ailleurs je ne m'appelle pas Marie alors hein, bon. Avoue que c'est très très très exagéré ? Non ? Aaaaaaaaargh, tu m'achèves.

Ce dialogue-là, je m'en suis souvenue mot pour mot comme tu le racontes. Ça fait drôlement bizarre quand même, vingt ans après :

Marie et Léon :
- Tu sais combien y'a de viols par jour dans le monde ? J'peux t'dire ça m'fait flipper, moi !
- Mais arrête, t'as rien à craindre, toi ! Qui c'est qui voudrait te violer ?
- Mais t'es dégueulasse. Pourquoi tu me dis ça ?
- Non... mais regarde-toi, t'es pas le genre de nana qui se fait violer...
- Parce qu'il y a un genre de nana qui se fait violer ?! Mais t'es vraiment un mec débile, toi !
- Mais non, je voulais pas dire ça, mais... je sais pas, j'imagine que les mecs qui violent des nanas, ils choisissent des nanas plus aguicheuses que toi, quoi.
- N'importe quoi, mais c'est vraiment un discours de macho, ça, t'es con ! Pourquoi je pourrais pas me faire violer, moi ? Je peux très bien me faire violer. Non mais, je m'excuse, je comprends pas pourquoi tu me dis ça... Y'a plein de mecs qui viennent me faire chier dans la rue.
- Ah bon ?
- Mais oui, qu'est-ce que tu crois, encore heureux...

Tu sais quoi ? Je me souviens aussi comme je t'avais trouvé vexant !

Bon enfin bref, j'ai réfléchi comme je te le disais au début de cette lettre. A la prochaine réu du groupe femmes du bahut, vous pourrez venir Santiago et toi. Finalement les réunions non mixtes c'était peut-être pas une bonne idée. Et toi tu fais disparaître Le Péril jeune et toutes les copies existantes.

Je compte sur toi.

Anne C. à Cédric Klapisch, en bloguerie restante.