La cuistresse
Par Kozlika le mercredi 12 juillet 2006, 20:01 - Lien permanent
Il y a quatre ans environ, j'avais un ami tchèque auquel je rendais parfois le service de relire les traductions de brochures publicitaires avant qu'il les rende à ses clients. Rarement plus d'une cinquantaine de pages à la fois, mais plus rarement encore le temps de les lire tranquillement. (Il en va ainsi de façon générale : je ne connais aucune maison d'édition ou organe de presse qui prenne réellement en compte le temps nécessaire à une relecture. Lorque j'étais pigiste à domicile, je travaillais bien plus fréquemment le week-end que les jours de semaine et quand c'était en semaine c'est que c'était pour la veille. Bref.)
Je rendais volontiers ce service à Zbigniew, charmant à tous égards et qui ne manquait pas d'apporter des fleurs ou un gâteau en remerciement. Il s'asseyait dans le salon et se trouvait un livre ou un disque en attendant que j'ai fini et assurait le service café.
A une certaine période, il eut souvent recours à moi, son activité de traducteur prenant le pas sur celle de graphiste. Il connaissait mon amour pour l'opéra et débarqua un jour sans rien à relire, brandissant dans une main trois CD : des récitals de Magdalena Kožená (ou un article en français, plutôt ?). Il m'expliqua tout heureux de me faire plaisir qu'il était ami d'enfance avec l'agent de celle-ci et qu'outre les albums qu'il me laissait nous étions invités quelques jours plus tard à une représentation historique. Cent ans jour pour jour après la première représentation de Pelléas et Mélisande, au même endroit, l'Opéra-Comique, le proposait à nouveau en version de concert avec sa compatriote et le reste d'une distribution prometteuse, le tout dirigé par mon chéri Marc Minkowski.
De Debussy, avouons-le, je ne connaissais rien de l'œuvre lyrique. Le peu que j'en connaissais ne m'avait guère enthousiasmée mais dame, que j'étais contente à la perspective de cette soirée musicale qui saurait sûrement me changer les idées ! J'étais dans une période de ma vie assez compliquée et tendue car quelques jours auparavant la séparation d'avec le père de mes enfants avait été décidée.
Notre arrivée à l'Opéra-Comique fut accueillie par le manager de Kozena avec forces embrassades entre les amis d'enfance, rires heureux, et conduite accompagnée jusqu'à une loge qui se révéla de corbeille et l'on me plaça avec courtoisie à côté de la maman de la chanteuse, venue tout exprès de Tchécoslovaquie pour ce si grand événement.
Il ne fallut pas moins d'un quart d'heure avant que je ne m'endorme profondément. Si profondément que ma position inconfortable... me fit ronfler.
Oui. J'ai ronflé à Pelléas et Mélisande, à côté de la maman de Magdalena et sous les yeux de son manager et de mon ami Zbigniew qui devait se maudire d'avoir emmené pareille maroufle. Lorsqu'il me poussa légèrement du coude pour me réveiller je réalisai ce qui venait de se passer et je pense que j'ai dû ne pas quitter la couleur brique que je sentis aussitôt colorer mes joues jusqu'à la fin de la représentation.
La vie est ainsi faite que nous nous sommes perdus de vue peu après. J'aime à croire que cette soirée n'y fut pour rien, mais j'ai des doutes !
Le mois avait déjà commencé sous les auspices que l'on sait et se finit ainsi, en ce 30 avril 2002.
Note : ma copine Catherine, heureusement, ne dormait pas, elle !
Commentaires
Mon Dieu ! Ce qui est incroyable, c'est qu'on arrive à se remettre de ce genre de chose et d'en parler avec légèreté. Mais je suis sûre qu'à chaque fois que tu y penses, tu dois avoir un pincement au cœur :-)
Bon faudrait peut-être que je pense à enlever ces qualificatifs qui n'ont rien d'élégants :-)
Je compatis... J'aurais fait pareil (sans ronfler).
Il m'est aussi arrivé de m'ndormir en concert.. la honte... La pire fois eu lieu à Lyon : Capuçon jouait Mendelssohn accompagné par l'ONL dirigé non par Harding malade, mais pas un espèce de comique maladroit ; comme c'était ennuyeux... du moins le peu que jai entendu...
Mais vous ne dormiez pas, vous "créiez" vos propres images... Moi, je n'ai jamais dormi à rien, mais des fous-rires nerveux, ahem, oui. attention, en SILENCE, hein !
Je compatis, mais comment lutter quand le sommeil, le traitre, vous tombe dessus ainsi. Lorsque je vais au théâtre, j'ai une amie qui a un petit moment d'absence vers 22 h., nous en avons fait un sujet de rigolade, mais je sais que cela la peine, et aimerait bien trouver une solution. Mais cela doit être son rythme biologique !
Moi qui suis capable de m'endormir debout sur une seule jambe au milieu de la compression matinale de la ligne 13, je compatis de tout coeur. J'ai remarqué que je succombais particulièrement bien en période de stress élevé, j'imagine si j'étais une gazelle moyenne j'aurais déjà été dévorée par le premier lion de passage pour cause d'endormissement brutal rien qu'à sa vue, ou au contraire quand je me sentais trop détendue quelque part.
Dans le fond peut-être qu'ils en rient encore et qu'au lieu de t'en tenir rigueur ils ont pour toi un souvenir amusé et affectueux.
La vie est aussi ainsi faite qu'on retrouve parfois ceux qu'elle nous a fait perdre de vue, non ?
Si je comprends bien, c'est foutu pour lui demander de venir te chanter une berceuse le soir alors !
Tu n'as pas honte de ressusciter comme ça mes vieux articles pourris ?
Une autre fois, ça m'est revenu cette nuit, c'était un concert avec Alain Lombard à la tête de l'ONL. Pourtant ça avait l'air bien, mais je devais être trop fatigué... Je me souviens du début et des applaudissements ; entre, rien, le noir...
bah oui, j'en viens même à me demander si ce n'est pas un critère de qualité, de bien ronfler pendant un concert. Un sentiment de sécurité délicieux ?
Comme j'adore cette histoire. Tu me l'avais déjà racontée en privé, mais je la relis avec délectation.
La même chose m'était arrivée lors d'une soirée de lecture par un auteur suisse en Allemagne où j'avais fait la bêtise de m'asseoir au deuxième rang et de boire une coupe de champagne juste avant. J'ai aussi ronflé, la honte de ma vie...
Si kozena revient, on ira la voir ensemble :)