(Jeu du Lire la suite - Lucie. Lire l'épisode 1)

Un choriste laissa échapper un gloussement, vite transformé en râclement de gorge gêné sous le regard réprobateur du chef d'orchestre.

– Comment vous appelez-vous ? l'interpella le commissaire.
– Xavier Métaf, grommela le choriste, excusez-moi, c'est nerveux. Je n'ai jamais vu de maccabée de ma vie, à part un autre pendu quand j'étais petit. Mais j'avais pas pu m'approcher alors que là...

Nouveau râclement de gorge.

– J'ai pourtant eu l'impression que c'est la lecture du carton qui vous a rendu « nerveux » ?
– Monsieur... interrompit le policier qui l'avait accueilli. Je pense que c'est à cause du spectacle de ce soir, ils jouaient Lucie de Lammermoor, un opéra italien, mais dans sa version française. Voyez-vous, Donizetti en a fait deux versions, la première en italien en 1835, et puis quatre ans plus tard la version française, mais pas exactement la même, il n'y a qu'un rôle de femme, et puis l'air d'entrée de Lucie n'est pas le même que celui de Lucia et la tessiture...
– Très bien, très bien, coupa Scott, j'ai compris. Nous en reparlerons au commissariat.
– Quand vous voulez ! répondit le policier, vous n'aurez qu'à demander Caruso, tout le monde m'appelle comme ça au poste.
– Merci à vous aussi, monsieur Métaf, reprit le commissaire. Laissez-nous vos coordonnées, j'aurai à vous reparler plus tard.

Scott réprima un soupir. Un meurtre dans un opéra, un policier folle lyrique prêt à lui décortiquer une partition mesure par mesure. Un choriste qui collectionne les pendus. Pourquoi fallait-il que ça tombe sur lui tandis qu'il aurait pu déguster tranquillement ses beignets en écoutant Nina Hagen ?

Il sortit ses lunettes de la poche intérieure de son veston, les chaussa puis enfila les gants de latex que lui tendait le policier qui se tenait près du corps et examina le carton. Celui-ci se révéla être le dos d'une photo instantanée.

Vingt ans de carrière avaient appris au commissaire Scott à ne laisser percer aucun trouble au cours de ses enquêtes. A la criminelle on apprend vite à ne pas laisser de prise aux suspects à saisir pour leurs mensonges un levier en forme de gueule de bois ou de dispute conjugale au petit déjeuner. Il eut à peine un crispement de la mâchoire et serra un peu trop fort la photo entre ses doigts.

Sept ans après un silence brutal qui l'avait laissé ravagé, Luciole lui envoyait d'un souffle sur sa main ouverte un baiser radieux. Sa robe blanche était magnifique.

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