A la demande de sa hiérarchie suite à la parution d'un billet (je ne sais pas lequel, mais vous pouvez suivre la discussion à ce sujet chez Maître Eolas), Bereno a fermé son Journal d'un inspecteur du travail. Il ne souhaite pas s'opposer à cette injonction et a demandé aux blogueurs qui avaient commencé un mouvement de soutien de s'en abstenir et d'arrêter de republier ses billets. Dont acte, j'ai aussitôt « vidé » le billet que j'avais écrit en apprennant la nouvelle, mis hors ligne les quelques commentaires qui l'accompagnaient et en ai remplacé le contenu par un renvoi vers le billet de Maître Eolas, le temps de le réécrire en tenant compte de sa demande.

Bien que je me désole que ce blog disparaisse, bien que je sois en colère qu'une fois encore un blogueur soit muselé parce que ses propos dérangent, bien que je regrette que Bereno ne veuille pas se battre pour défendre son droit à la liberté d'expression - n'aurait-il pu négocier la simple mise hors ligne du billet déclencheur de l'ire de ses supérieurs si toutefois il pensait également cette publication malvenue ? - je peux comprendre qu'il place ses priorités et sa pugnacité ailleurs (le blog, dit-il ne représentait pour lui qu'une activité annexe), à commencer par la poursuite d'un métier qui le passionne.

Gérard Filoche[1] lui conseille de ne pas céder et en appelle à leurs syndicats pour, écrit-il, « défendre nos missions et notre liberté d’expression qui est nécessaire afin de les exercer ». J'espère que l'un et les autres entendront cet appel mais en attendant je respecterai le vœu de Bereno.

Il reste que c'est le troisième blog français contraint d'arrêter ses publications en 2006 (à ma connaissance, il y en a peut-être d'autres disparus sans faire de bruit) et cela ne laisse pas d'être inquiétant, tant il semble que les blogs sont soumis à des interdits, à des censures plus drastiques que les publications papier. Je suis à peu près certaine que Garfieldd aurait pu publier le même contenu chez un éditeur sans encourir autre chose que les regards en coin des « bons bourgeois » de sa ville[2], que Petite Anglaise n'aurait pas été inquiétée si ses récits avaient été imprimés (ou pas dans les mêmes proportions) et le contenu des ouvrages de Gérard Filoche n'est pas plus édulcoré, loin de là, que celui du blog de Bereno.[3]

Si Garfieldd a finalemement retrouvé sa place dans la fonction publique son blog a disparu à tout jamais ; Petite Anglaise a été virée par ses employeurs ; Bereno conserve son emploi mais nous ne le lirons plus. Des profs bloguent en cachette et se font désindexer des moteurs de recherche, d'autres apposent des mots de passe à l'entrée de leur site. Les blogs font peur, et pas seulement dans les pays dont on connaît la volonté de ne pas laisser circuler librement les idées.

Post-scriptum 11:15 : Au fait, j'étais une lectrice régulière quoique non assidue du blog de Bereno et je l'appréciais grandement. Si je n'en ai pas fait mention dans ce billet c'est que peu importe. Eût-il été écrit avec les pieds et totalement creux l'interdit n'en aurait pas été plus acceptable.

Notes

[1] Gérard Filoche est également inspecteur du travail et est auteur de trois ouvrages se rapportant à ce métier : Le travail jetable (1997), Carnets d'un inspecteur du travail ( 2004) et On achève bien les inspecteurs du travail (2004).

[2] Dans l'établissement de ma fille, par exemple, l'un de ses profs a publié quelques romans largement plus olé-olé que les billets de Garf !

[3] Signalons tout de même que les écrits de Gérard Filoche lui ont valu l'arrêt de sa progression de carrière. Je ne dis pas non plus que tout va bien dans le meilleur des mondes hors les blogs.