Dans une semaine exactement j'aurai quarante-six ans. Ça me semble totalement saugrenu.

Quarante-six ans et quand je me décris je dis « fille » et toujours pas « femme » (et les sorcières de me reprendre en chœur l'autre jour). Je m'étonne qu'on m'appelle Madame (Ah tiens, je n'ai pourtant pas les gosses avec moi !) Je ne me sens pas jeune fille non plus notez bien, euh... ni vieille fille d'ailleurs.

Fille.

Ce n'est pas une relation douloureuse au fait de vieillir, plutôt le sentiment que je n'ai pas fini de grandir et qu'on est femme quand on est une grande personne. J'avais prévu que quand je serais femme j'aurais plein de certitudes et de sagesse, de l'assurance, quelque chose, un truc, une aura d'adulte. Nada. Fille.

2006. C'est bizarre, je ne saurais dire pourquoi ni depuis quand précisément mais j'ai l'impression de ne plus avoir peur de la vie et que c'est récent. C'est arrivé quelque part dans cette année 2006. Je me sens prête à prendre des risques. Est-ce depuis que j'ai (un tout petit peu) moins peur de la mort ou l'inverse ? Ça a dû commencer avec les Dialogues qui me sont tombés dessus quand j'étais sans défense dans un fauteuil en velours. Blanche de la Force c'est moi, jusque dans la mort de la mère supérieure, si exactement moi, c'est ahurissant. A la/me voir et entendre sur scène ça m'a crevé les yeux que la peur de la vie était l'autre face de la peur de la mort. Je ne sais rien de l'œuf et de la poule en revanche.

Samedi j'ai mis mes belles nouvelles bottes pour le repas de famille. J'ai baissé le revers, puis j'ai pensé à une paire d'yeux bleus estomaqués qui ne jugeaient pas mais s'étonnaient quand j'expliquais que je ne les mettrais pas façon cuissardes parce que ce n'était pas « ma case » dans notre ordonnancement du puzzle familial. Pourquoi pas ?, disaient les yeux bleus. Pourquoi pas, ai-je décidé en relevant les revers ce matin-là. « Tu as bien choisi, toi qui es si frileuse, ça te tiendra bien chaud cet hiver », a commenté ma mère. Pas ma case, j'vous dis.

J'ai toujours été « la petite », pas seulement pour ma taille. Dans la famille, presque treize ans d'écart avec ma sœur, trente-six avec ma mère, cinquante-quatre avec mon père. Dans mon militantisme : une poignée de lycéens avec des tas de vieux de trente ans et plus. Dans mon couple : onze ans entre mon ex-compagnon et moi. Au boulot : jusqu'à très récemment la plus jeune d'un service d'une centaine de personnes.

Boute-en-train, mascotte, clown, vent frais, copine. Fille toujours.

Ah tiens, bizarrement doyenne ou quasi aux Paris-Carnet, doyenne largement dans la dcTeam(), doyenne au congrès des sorcières.

Ben ça alors ! Quarante-six ans dis donc, tu te rends compte ? Allez, répète après moi : tu es une f...