1989:29 murs
Par Anna Fedorovna le vendredi 24 novembre 2006, 18:16 - Mes petits cailloux - Lien permanent
9 novembre 1989. Un mur tombe pendant que nous achetons les nôtres, un appartement pour trois et bientôt nous l'espérons pour quatre. Des murs qui feront de nous des salauds de propriétaires, parce qu'on vieillit aussi – et peut-être que pour le coup on vieillit bien parce qu'est-ce que ça veut rien dire cette histoire hein, vous connaissez le prix des loyers en région parisienne ?
Un mur tombe et c'est fascinant ; je passe la nuit devant la télévision, la gorge serrée par l'émotion. L'euphorie des jeunes et moins jeunes juchés sur son faîte pour le jeter à terre, les joyeux cris d'encouragement, des gens qui ne se connaissent pas et tombent dans les bras les uns des autres en pleurant et de vraies retrouvailles, ces images, je les ai déjà vues dans des documentaires, ce sont les mêmes qu'à la Libération. C'est là aussi la fin d'une guerre. Good bye Lenin ! A quelques mois près, je suis pratiquement née avec le « mur de la honte ». Pas une semaine depuis que je suis assez grande pour comprendre ne s'est écoulée sans que j'entende à la radio ou à la télévision le récit d'une tentative de franchissement heureuse ou malheureuse.
Sur la place Tiananmen, en avril de cette même année 1989 un homme se dresse contre les chars, Bush (le père), déclarait la Guerre froide terminée tandis que partout dans les pays de l'Est les dictatures s'effondrent, Vaclav Havel est élu en Tchécoslovaquie, le Dalaï Lama reçoit le prix Nobel de la Paix, la fin de l'Apartheid frémit en Afrique du Sud, Pinochet a déjà un pied dehors. C'est sans doute l'une des années où j'ai le plus cultivé l'espoir de voir tous les murs tomber un jour.
Ha ha.
Un mur tombe mais certains ont horreur du sans-mur alors ils en referont un, onze ans plus tard, là-bas au loin et celui-là aussi fait honte.
Commentaires
La chute du mur, c'est la première fois que j'ai pleuré d'émotion devant ma télé (la seconde en fait mais la toute première je devais avoir 6 ans et s'était pour les retrouvailles entre Lassie et le gosse qui aimait son chien alors ça compte pour du beurre on dira) (1). J'étais enceinte de ma fille et dans une somnolence assez permanente qui me rendait moins réceptive aux nouvelles du monde. Je n'avais donc suivi que de très loin les mouvements migratoires contournants de l'été précédent.
J'avais le jour du mur ouvert, allumé la télé par hasard, afin d'accompagner un tas de repassage, je tombe sur tous ces gens qui passaient, sourire éberlués aux lèvres là où auparavant on pouvait se faire tuer. Bizarrement (2) avant même que le son ne parvienne jusqu'au cerveau, j'ai pigé de quoi il s'agissait. Et j'ai pleuré. Moi aussi je suis du temps de ce mur-là, à chouilla près. Et j'avais grandi en étant persuadée que de mon vivant je ne verrai jamais la fin de cette absurdité-là. J'avais des amis allemands régionnaux de Hannover aux familles éclatées, perdus de vus depuis longtemps, mais ce jour-là j'ai pensé à eux, aux retrouvailles sans paperasses enfin possibles. Je pense qu'il m'a fallu bien 48 heures avant de commencer à comprendre que l'après-mur risquait d'être pas de la tarte pour ma mal de personnes, que rien de tout ça n'était si simple en fait.
(1) si j'avais su que 16 ans plus tard j'en ferai autant dedans ! Zarb nos vies quand on y pense. (2) je ne connais pas Berlin (hélas)
Oui, quelque chose s'est passé entre ces deux murs-le sentiment parfois qu'aucune expérience n'est vraiment transmissible, qu'on a beau constater qu'aucun mur, jamais, n'a servi à rien, sinon à retarder ce qui qui de toute façon devait avoir lieu, il continue à y avoir des gens qui s'accrochent à cette idée... il y a aussi celui là: http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=19118
J'ai encore très net le souvenir du vent de liberté qui courait alors à l'époque. C'était euphorique ! Dommage que cela soit retombé depuis …
Faut croire qu’elles sont solides, les fondations de béton ancrées dans la tête des hommes. -_-
Je vais faire naturaliser hippocampe, moi, tiens...
Gloups ! oui le petit homme sur la place et le char qui hésite. J'étais fasciné, la bouche bée. Cette image incroyable m'a plus marqué que la chute du mur, même si l'émotion était palpable également. Il est bon de nous remémorer ces instants, comme des piqûres de rappel.
Pour Tiananmen, voir par ici.
Pour le mur de Berlin, voir par là.
Et là.
Et là.
Depuis le temps que je lis les kozeries je me décide enfin à dire combien tout cela me ravit. Le mur, seule fois où j'ai pleuré en entendant les infos, un espoir vite déçu.
Comme j'ai l'âge de la fée, ou du mur, cette libération était d'autant plus fortement ressentie que depuis tout petit(s) nous avions été élévés -sauf ceux qui avaient des parents communistes- dans la terreur de l'empire du mal. Pour la première fois (oui je sais il faut voyager un peu plus) j'ai vraiment franchi le rideau il y a quelques mois, en allant en Roumanie. Et même seize après la chute, j'avoue avoir eu un petit pincement de coeur au moment de passer devant les policiers.... Au fait, au chapitre tout n'est pas toujours complètement noir, grâce à l'héritage communiste, j'ai payé 4,5 Euros pour ma place au parterre 5e rang pour Rigoletto à l'opéra de Bucarest. Ca fait rêver, non?
"C'est sans doute l'une des années où j'ai le plus cultivé l'espoir de voir tous les murs tomber un jour" Je crois que j'ai partagé avec vous ces moments magiques où l'histoire bascule. Ce matin, j'ai suivi sur CLP, le congrès d'investiture de ségo et je pense avoir aussi vécu un moment historique. C'est le départ d'une vague qui va arriver le 6 mai 2007 sur les côtes de France. Je ne suis pas du tout objectif car ségo est "ma jumelle" : je suis né le même jour qu' elle!. Dernier point sur Havel: je suis fan des stones et dans le dvd de leur tournée de 2003, il y a un bonus sur toutes les villes de la tournée. A Prague, Havel est venu dans le stade où avait lieu le concert et il a rappelé que c'est là qu'il avait lancé la révolution de velours. Quand le mur est tombé, les habitants de Prague ont demandé aux stones de venir faire le concert de la liberté: dans les rues de Prague il y avait des affiches sur tous les murs "les russes foutent le camp, les stones arrivent!' :-) Je crois qu'aujourd'hui c'était le départ de la révolution douce.
N'oublions pas le splendide mur que Bush est en train d'ériger à coup de milliards de dollars pour empêcher les affreux gringos d'envahir le pays de la liberté et du coca-cola. Voir à ce sujet le splendide film de Chantal Akerman "de l'autre côté"
gnarls, désolée mais si je devais voter Ségolène Royal, ça ne pourrait être que par politique du moins pire mais certainement pas mue par le début du soupçon d'une once d'enthousiasme.
Pareil.