Automne. Autodissolution des Brins d'Filles. Trop peu d'entre nous sont motivées pour continuer, trop de dissensions aussi. Certaines sont parties avec fracas, d'autres ont laissé passer plusieurs répétitions de suite sans venir. L'étincelle n'est plus là, c'est évident. Mais punaise dans cette aventure de presque deux ans, qu'est-ce qu'on s'est marrées, qu'est-ce que je me suis éclatée !

L'idée nous était venue en troisième lors des coordinations des groupes femmes lycéens : fonder une troupe de théâtre et aller jouer dans les lycées, les manifs, la rue, les salles de spectacle qui voudraient bien de nous. Ça nous semblait quand même bien plus rigolo que les réunions et bien plus créatif qu'un nième tract que personne ne lit jamais. L'idée ne devait pas être mauvaise puisque parallèlement à notre troupe, une autre s'était constituée. Mais elles avaient choisi de répéter et jouer une vraie pièce tandis que nous écrivions nous-mêmes nos sketches et nos chansons. C'était sûrement un peu potache mais nous remportions un joli succès dans les soirées enfumées.

Le théâtre militant était en ses années de gloire, nous nous baladions avec des bouquins d'Augusto Boal et son théâtre invisible, passions nos soirées au théâtre Dunois (le vrai, l'originel, pas celui qui a été « reporté » rue du Chevaleret après la démolition)[1] [2]. Nous n'avions donc aucun mal à trouver des salles où jouer et comme tous les spectacles étaient gratuits on ne risquait pas de se bagarrer pour l'emploi des recettes. Les établissements scolaires étaient également beaucoup moins fermés qu'aujourd'hui et nous avions réussi à jouer dans plusieurs lycées parisiens.

Sûr, les représentations on aimait bien, mais là où on se régalait vraiment c'était avant le spectacle : les impros préparatoires à l'écriture, les chansons détournées, les recherches de musiques adaptées, les week-ends de « travail » ici et là, les fous-rires entre nous, les fous-rires des anecdotes : nous étions allées, un soir avant de jouer, dîner à la cafét' du Casino rue Nationale, les quatorze nénettes parlant fort et riant tout autant. A la table d'à côté une paire de gars attablés, et l'un d'eux qui demande « Vous êtes toutes seules ? » « Rha non ! il est trop beau celui-là : on est quatorze et il nous demande si nous sommes toutes seules ! on le garde les filles, c'est un collector !! » et zou ! c'était dans le spectacle du soir même.

Si c'est pas du shaker ça...

Je n'ai pas tout à fait abandonné le théâtre après ça. L'année suivante, en terminale avec une bande de potes (mixte ;)) nous avons créé un « club autogéré » dans le club théâtre du lycée. Entendez par là : on choisit nous-mêmes la pièce, on répète sans profs et on joue quand on veut. La prof en charge du club était plutôt ouverte. Elle nous laissa faire à notre idée. Et puis on avait plein de temps pour répéter (le quoi ? le bac ? ah euh... nan mais ça va j'ai plein de points d'avance en français, t'inquiète maman.)

On a choisi Mistero buffo, de Dario Fo. J'y jouais plusieurs personnages, et celui qui me fit recevoir de grands compliments c'était... La Mort ;)

Notes

[1] Hi hi, comment on « proprifie » l'histoire avec un délicat famille de musiciens explorateurs de champs nouveaux. Tu parles, un repaire d'agités gauchos avec au moins autant de théâtre à sketches que de jazz à la création ! ;)

[2] ou à la Cartoucherie de Vincennes... Un peu trop pro pour nous la Cartoucherie, mais bien quand même