Le plus agaçant, ça n'est pas que M. Sarkozy se comporte bien plus comme quelqu'un qui vient de gagner à la Loterie ou une femme de footballeur, avec son Fouquet's, son Yacht (et diable sait quoi encore dans les mois et les semaines à venir), que comme un homme qui vient d'accéder à la responsabilité la plus haute de l'Etat. Le plus agaçant n'est pas qu'il se gausse que la lecture de La Princesse de Clèves figure au programme d'un concours d'attaché d'administration ou affirme sans sourciller que l'étude de la littérature ancienne est « inutile » et ne devrait donc plus être financée.

Le plus agaçant est que nous nous en agaçons en vain. Nous nous en agaçons entre nous, gens zintelligents. Les autres, surtout ceux qui l'ont élu, mais beaucoup d'autres aussi, n'en ont proprement rien à foutre.

Mieux, c'est même coup double (sans parler des chouettes vacances).

D'abord, un type qui réussit, un gagneur, ça part sur un yacht, oui da, avec des robinetteries en or si possible. On en rêve en regardant les résultats du Loto. Il est sans vergogne, il n'a pas honte, et ça plaît bien, ça plaît beaucoup : oui, y'en a marre de la culpabilisation de ceux qui n'en veulent et qui en sont fiers. Et puis oui, ça fréquente des stars, du pipole, exactement comme on se dit qu'on le fera tous un jour, dans une France qui gagne (des millions).

Ensuite : d'où parlent-ils ces râleurs d'empêcheurs de canoter en rond ? Ces passéistes accrochés aux vieilles valeurs d'une morale désuette et étouffante, ces gens qui parlent d'ascèse, de rigueur. Ah, vous voyez bien qu'ils en veulent aux gens qui réussissent : des jaloux ! des gens d'un autre âge, des soixante-huitards !

Alors on peut continuer à s'offusquer, parce qu'on a raison, et sacrément même, mais ça n'est juste que pour trouver un peu de chaleur mutuelle, nous faire un câlin de mots, doudouter entre nous. Faisons-le, ça fait du bien. Et puis ça défoule. Mais n'oublions pas que c'est vain. Moins violent et moins stupide que les casseurs de ces derniers soirs, mais tout aussi vain.