Noble tâche que celle entreprise par mes fréquentations blogosphériques pour la sauvegarde du mot flandrin. Je m'empresse donc de joindre ma voix à la leur car j'aime le flandrin, moi aussi. Je l'aime en politicien comme Samantdi, en dandy comme Otir, en épistolier comme Élisabeth et je pourrais même l'aimer rien que pour la gaudriole.

Ah, « gaudriole », ce mot-là aussi je veux le sauver de l'oubli. Mieux, je veux non pas sauver le mot seul, mais le mot et la chose. Je l'aime, je l'aime d'amour, ce mot – ce qui n'est pas nécessaire pour le gaudrioleur, qu'on aime pour son aptitude à nous entraîner dans son antre, une chambre d'hôtel, un ascenseur en panne, mais pas nécessairement d'amour.

Certes, la gaudriole peut s'accompagner d'amour mais il ne lui est pas indispensable. Le gaudrioleur est courtois, attentionné, drôle et léger. Surtout léger, comme la gaudriole (à laquelle il pensera souvent et vous le fera savoir). Prononcez le mot chez vous, là, tout de suite, à voix haute. Sentez-vous comme il n'est nulle place ici pour la planification des vingt prochaines années ? (Au reste, la musique ne trompe pas : qui donc pourrait considérer gravement un mot où l'on entend gode et cabriole ?)

La gaudriole s'accommode des rencontres les plus récentes et des retours de flamme, des bons copains et des infréquentables mais renversants baroudeurs, des amoureux et des amants, des fidèles et des passants. La gaudriole ne connaît pas de lieu impropre à son appel : une soirée guindée, un dîner chez des amis, une file d'attente à l'opéra, un bar équitable, un trajet en voiture (évitez toutefois le bureau, vous auriez toutes chances alors de perdre la gaudriole au profit des complications).

La gaudriole est bonne à toutes les saisons de la vie (surtout la mienne) et recommandée pour la santé. Elle empêche les rides précoces, les inquiétudes du devenir de l'histoire, les attentes de rapports sur investissements. Elle offre des instants volés au temps, des petites morts qui font la nique à la grande.

Oui, mes amis, sauvons la gaudriole ! Sauvons le mot ! Sauvons la chose ! Car enfin écoutez-le encore ce mot : ne roule-t-il pas en bouche exprès pour nous faire rire ? Ne nous roule-t-il pas dans les foins exprès pour nous faire jouir ? Amis, sauvons la langue française, gaudriolons !

La prochaine fois, nous parlerons de la bagatelle.