(Vous vous souvenez ? [1] [2] [3] [4])

Trois jours plus tard, j'étais prêt à me reconvertir en concepteur d'intérieur de voitures. Je ne pouvais pas faire pire que le loustic qui avait conçu celle dans laquelle j'essayais vainement de trouver une position suffisamment confortable pour réussir à dormir quelques heures.

Evidemment, Christiane avait obéi à mon ordre de réservation d'une chambre au nom de M. et Mme Hopper et nous étions attendus. Evidemment, elle s'était répandue en exclamations ravies quand le liftier avait monté nos bagages et les avait déposés au pied du lit double. Une vraie pro, Christiane, n'allez pas croire qu'elle est seulement bien roulée. C'est après le dîner, tandis que nous nous levions de table, qu'elle a lancé assez haut pour être entendue : « Allons donc nous promener un peu, il fait si doux ce soir et j'ai oublié mon magazine dans la voiture ! » Une vraie pro, je vous dis. Et puis quand nous sommes arrivés devant la voiture qu'elle m'avait fait garer le matin quelques rues plus loin, elle m'a tendu la main et elle a dit : « Bon, eh bien bonne nuit, monsieur. A demain, je serai prête vers six heures trente dans la chambre pour que le personnel nous en voie sortir ensemble. »

Evidemment.

Elle avait tourné les talons, sa robe avait formé une jolie corolle autour des jambes les plus appétissantes de l'Union, et elle avait disparu vers l'hôtel. Et c'était la deuxième nuit de ce régime...

hopper.corn-hill.jpg Résigné à ne pouvoir dormir, je sortis de l'habitacle et me rendis sur la plage quasi déserte. Seule une silhouette au loin, accompagnée d'un chien, marchait le long des vaguelettes qui venaient mourir sur le sable. Je soupirai. Notre séjour s'achevait fort heureusement le lendemain, il ne me restait plus qu'à contacter King Kong Angelo pour lui faire part du succès de ma mission et lui répéter le nom donné par sa fiancée.

J'espérais que la gosse était aussi maligne qu'elle en avait l'air. Il fallait qu'elle le soit plus que son paternel, devant lequel j'avais dû faire appel à tout mon talent de baratineur professionnel pour faire croire à l'histoire avec laquelle je m'étais présenté et qu'il accepte de me laisser rencontrer sa fifille seul à seule. En principe je suis rompu à ce type d'exercice mais celui-là était un coriace et la méfiance suintait par tous les pores de sa peau. Elle avait à peine cillé devant la photo, un bref battement de cils sur un regard qui s'était un peu voilé, puis elle avait pris une inspiration un peu plus longue que la normale et s'étant tout à fait reprise avait posé peu de questions, mais très précises. Il m'avait fallu répéter les mots exacts d'Angel, lui montrer les photos. Répéter encore les mots d'Angelo. Et puis elle m'avait donné le nom que je devais indiquer à Angelo.

Et avec un peu de chance, je pourrais dormir dans mon lit demain. Un bon lit sans Christiane reste malgré tout un bon lit.

Et téléphoner à mon frère pour lui dire que tout s'était passé au mieux pour ses affaires.

Donc sans doute ensuite ne pas réussir à dormir.

(A suivre ?)