Si je cherche dans ma mémoire ce qui se rapproche le plus de ce que j'entends/lis de l'esprit de Noël, ce que j'associe immédiatement à la description d'Epinal qui en est faite c'est Mai 68.

Apparté – Au fait, de quand date donc cette expression, il me semble que c'est fort récent, je dirais volontiers que c'est (re)venu à la mode en contre-feu de l'exaspération créée par «l'esprit commercial» ma foi plus tangible à mes yeux, mais sans doute m'a-t-il toujours manqué de quitter l'accumoncellement de paquets sous le sapin et la table chargée de victuailles pour me rendre à la messe de minuit ?

J'ai peu de souvenirs de Noëls de mon enfance, et même aucun je crois, si ce n'est d'être allée à une ou deux reprises à l'arbre de Noël de l'entreprise de ma mère, à cause de la taille gigantesque du sapin. Si j'en ai tiré des moments esprit-de-noellesques il faut croire qu'ils furent fugitifs. Pas de famille éloignée que l'occasion rassemble, pas de feu de cheminée à mon huitième étage. J'aimais bien les décorations des magasins et les guirlandes sur les sapins mais moins que la retraite aux flambeaux du 14 juillet dans le village où ma mère louait une maison à l'année pour les week-ends. Quant à la paix et la fraternité, elles ont dû toutes les deux se montrer fort discrètes, ça ne m'évoque rien en lien avec ces périodes, ni enfant ni adulte.

Tout autrement en est-il du joli mois de mai 1968 de MiniKoz. Pour la petite fille que j'étais, la fraternité c'était ces groupes qui se formaient spontanément sur les trottoirs pour discuter ; les duvets et matelas pneumatiques des halls de la Sorbonne où j'allais voir ma sœur ; la Simca 1000 où les copains de ma frangine s'entassaient pour venir se doucher à la maison, les guitares que gratouillaient les yeux fermés des poètes pas encore maudits, pas encore vraiment aux cheveux longs, le père noël à béret étoilé, barbe brune et cigare entre les lèvres, les sourires.

Ils souriaient beaucoup ces lutins-là, ça me plaisait bien. Je voyais bien que leur but c'était que tout le monde sourie tout le temps. La fête perpétuelle, sous les pavés la plage toute l'année au bord de la mer, à gambader-courir camarade le vieux monde est derrière toi, sous la lune qu'on admirerait pendant que les cons regarderaient leur doigt. Les filles grimperaient sur les épaules des garçons. Et puis Cassandre s'était même trouvé un amoureux, comme quoi ils ne faisaient pas que discuter politique et refaire la chaussée, ils faisaient aussi la paix et pas la guerre ;)

Au fait, je crois bien que c'est plutôt cet esprit de Noël-là qu'évoque aussi la période pour d'autres que moi. Plutôt Noël 70's d'ailleurs !