Place des beaux
Par Kozlika le dimanche 6 avril 2008, 04:47 - Lien permanent
Je n'écoute plus d'opéra en ce moment. Ce n'est pas que l'envie me manque, c'est que ça me tombe des oreilles si je puis dire. Je démarre le CD ou le DVD sur la platine et puis rapidement je décroche. Non, c'est pas ça. Je suis frustrée. Avant, tel air, telle scène, me transportaient et m'accaparaient toute entière. Les mêmes, aujourd'hui, me restent à distance. Seul Héroïnes (un récital Mozart par Dessay) parvient encore à franchir un peu le mur. C'est je crois plus le souvenir vivace de ce que ce disque a rempli du vide en moi au temps où je l'ai découvert qu'un ressenti actuel. Il m'a tant accompagnée.
C'est une sensation très bizarre, le démarreur est en parfait état de marche mais je n'ai pas de carburant. C'est aussi un peu pour ça que je n'arrive pas à adhérer au mot « dépression ». Dans mon esprit (préjugé, méconnaissance ?) c'est une maladie où l'on n'a envie de rien, mais ça n'est pas mon cas. Je propose « on déjeune ensemble ? » et à l'instant de partir j'ai seulement envie de rester sous ma couette. Je dis « on fait un jeu ? » mais au moment de l'organiser les bras m'en tombent. Je demande « bon alors, ça avance cette doc ? » mais une simple capture d'écran m'apparaît trop compliquée.
Restent, ô bonheur, l'échange, la conversation, possiblement rugueuse ou tendre, badine ou intense, j'y suis toute entière, même dans les rires, sauf quand l'épuisement du corps m'interrompt, ce qui arrive vite dès qu'on est plus de deux. Et l'écriture.
Je trouve tout cela bien étranger, les articulations me sont obscures. Pour la première fois de ma vie je ne comprends pas ce qui m'arrive.
Commentaires
, je me demandais … est-ce que ce n'est pas un petit peu agréable de se laisser vivre et voir venir, sans chercher à contrôler ?
Depuis deux ans je patauge dans ce même genre de mélasse, à ceci près (et qui n'est pas négligeable) qu'au lieu du "plus envie" se succèdent des farandoles de "pourquoi ?" ("ils sont partis" réduit à présent à un seul elle parce que des autres le deuil s'est enfin fait) mais qui ont les mêmes conséquences (je décroche, j'ai envie de sombrer dans un livre (je dois hélas me méfier du sommeil qui les fois où il n'est pas de plomb m'apporte des rêves récurrents)). La dernière phrase fonctionne aussi mais à un temps du passé "Je ne comprends pas ce qui m'est arrivé" (et donc : pourquoi je suis aujourd'hui dans un état pareil).
Il me reste à moi aussi les heureux moments entre amis, la lecture (à ceci près que certains passages (écrits par des) trop proches de mon histoire personnelle me plongent dans des abîmes dangereux, ce qui m'oblige et c'est épuisant à lire en étant sur mes gardes), l'écriture. Les mots n'ont pas foutu le camp même si dans mon cas ils sont devenus gris foncé ou bien noirs.
Tout ça pour dire : je n'ai pas la solution du mystère, mais si jamais je trouve, tu seras la première à qui je la transmettrai. Et ça tombe, mais tu le sais, que j'ai décidé d'enfin sérieusement mener l'enquête. Advienne que pourra.
Franck > gnagnagna (ter) !
Gilda > un sacré voyage ! que les vents te soient favorables :)
ce qui t'arrive, "dépression", prend des aspects différents selon les personnes et leur histoire, avec cependant des points communs, et souvent le plus difficile comme tu le ressens est de "se bouger". C'est pourquoi ça que cela ne sert à rien, que de lui faire plus mal, de dire "bouge toi" à une personne atteinte de ce mal. Par contre, ce que je trouve positif dans ce que tu dis, c'est que tu aies encore des envies même si c'est parfois difficile de les mener à terme. Quand j'étais malade, je me suis accrochée à ma passion pour le jardinage et pour les fleurs...
J'ai une question : est-ce que ton manque de carburant perdure une fois que tu te trouves dans l'action ?
N'as-tu pas, tout bonnement, besoin de changement, de découvrir de nouvelles choses, de renouvellement ?
Bises tout plein
Juste, peut-être, la mutation. Avec, oui, peut-être, des endroits qui se dépriment, des vieilles peaux qui cèdent. Mais je suis sûre qu'il y a dessous, un tissu solide, vivant. La musique reviendra. des bises.
Je te souhaite vite le déclic qui te permettra de savoir comment faire bien pour toi avec ce qui t'arrive... et t'embrasse bien fort entre temps.
un manque de carburant... c'est exactement ça. merci d'avoir écrit les choses si justement!
en ce qui me concerne, je me souviens d'un désarroi devant cette absence d'énergie et/ou de volonté pour aller au-delà de l'élaboration du projet, de persévérance (c'étaient mes mots, ce sont toujours les mêmes, mais je crois que l'on peut rapprocher ces sensations de ton manque de carburant). Le bon docteur m'avait dit : toute votre énergie, vous l'utilisez à vous efforcer d'aller bien, ou à vouloir prouver (aux autres, à vous-même) que vous allez mieux, et il n'en reste plus pour le reste, à savoir se refaire, se reposer, se retrouver, restaurer ce qui s'est brisé/déchiré/perdu/amoindri. Accordez-vous le temps d'aller mieux, ne cherchez pas à aller trop vite, ne forcez pas votre convalescence, sinon vous vous y épuiserez.
Cela m'a fait penser à la chatte de la maison (ne riez pas ;-) qui a eu un été un grave problème à une joue, tout près de l'œil, elle avait une tête de terminator, c'était drôle et éprouvant à la fois. La convalescence a duré tout l'été, on la voyait dépérir, mangeant à peine, maigre, plus de muscles, plus de force, tout juste capable de monter claudicante les escaliers, marche à marche... j'étais malade d'inquiétude, il me semblait qu'elle était en train de mourir... en fait elle se soignait. Elle concentrait toute son énergie sur sa joue malade. Elle a guéri puis repris des forces. Elle a toujours une drôle de tête à cause de sa joue dissymétrique, mais elle a 17 ans et se porte comme un charme, merci ;-)
mais pourquoi je raconte tout ça, moi ? ah oui, concentrer l'énergie sur ce qui est vital et prioritaire...
et puisqu'il est question d'opéra, connais-tu celle-ci ? (sans doute, mais sait-on jamais)
http://www.dailymotion.com/video/xp...