Je n'écoute plus d'opéra en ce moment. Ce n'est pas que l'envie me manque, c'est que ça me tombe des oreilles si je puis dire. Je démarre le CD ou le DVD sur la platine et puis rapidement je décroche. Non, c'est pas ça. Je suis frustrée. Avant, tel air, telle scène, me transportaient et m'accaparaient toute entière. Les mêmes, aujourd'hui, me restent à distance. Seul Héroïnes (un récital Mozart par Dessay) parvient encore à franchir un peu le mur. C'est je crois plus le souvenir vivace de ce que ce disque a rempli du vide en moi au temps où je l'ai découvert qu'un ressenti actuel. Il m'a tant accompagnée.

C'est une sensation très bizarre, le démarreur est en parfait état de marche mais je n'ai pas de carburant. C'est aussi un peu pour ça que je n'arrive pas à adhérer au mot « dépression ». Dans mon esprit (préjugé, méconnaissance ?) c'est une maladie où l'on n'a envie de rien, mais ça n'est pas mon cas. Je propose « on déjeune ensemble ? » et à l'instant de partir j'ai seulement envie de rester sous ma couette. Je dis « on fait un jeu ? » mais au moment de l'organiser les bras m'en tombent. Je demande « bon alors, ça avance cette doc ? » mais une simple capture d'écran m'apparaît trop compliquée.

Restent, ô bonheur, l'échange, la conversation, possiblement rugueuse ou tendre, badine ou intense, j'y suis toute entière, même dans les rires, sauf quand l'épuisement du corps m'interrompt, ce qui arrive vite dès qu'on est plus de deux. Et l'écriture.

Je trouve tout cela bien étranger, les articulations me sont obscures. Pour la première fois de ma vie je ne comprends pas ce qui m'arrive.