Tempus fugit
Par Kozlika le lundi 7 avril 2008, 17:13 - Lien permanent
Je crois que j'ai compris, pour l'opéra.
Nous avons tous une approche très personnelle de la musique. Certains, beaucoup parmi mes amis – hier soir encore – disent qu'elle influe sur leur humeur. Un copain m'a même envoyé un zip monstrueusement gros avec tous les tubes des années 80 et bien plus encore avec comme prescription jointe de remplacer mes écoutes habituelles par celles-ci.
J'ai remplacé par le silence, à l'exception du Ruhe Sanft au statut un peu spécial, rien ne me convenant.
La relation qui m'unit à la musique n'est pas « influente ». Ecouter un morceau gai quand je suis triste ou l'inverse ne crée chez moi qu'un sentiment de fort décalage et par conséquent de lassitude rapide. Ce que j'aime dans la musique c'est sa résonance, son écho, son empathie. Qu'elle provoque en moi ce petit pincement au cœur, je dirais même un soulagement, quand j'écoute et que je peux me dire : « Ah oui, c'est ça, c'est exactement ça, je me reconnais, c'est moi. »
Or en cette période je ne ressens rien d'assez continu pour me reconnaître dans aucune musique. Et si je viens de faire ce rapprochement c'est qu'ayant le projet de faire une petite sieste, j'ai eu l'idée d'allumer une chaîne musicale sur la radio. J'allais l'éteindre car déjà je me sentais trop en dehors quand un morceau de musique contemporaine atonale dont je serais bien en peine d'indiquer les références car je n'avais écouté l'animateur que d'un quart d'oreille a surgi des enceintes. Ça piallait, bruissait, soupirait, ça faisait des silences et des symbales, ça faisait cinq ou six notes presque mélodieuses et repartait dans les sons étranges produits avec je ne sais quel instrument démoniaque. En principe je déteste ça, ça me semble hermétique, snob, vain. Sauf là, tout à l'heure, ce petit pincement au cœur, ce soulagement : ah oui, c'est ça, je me reconnais !
Oui c'est moi, je ris, je pleure, je me mets en colère, je m'écroule de fatigue, je suis happée par les mots, le tout dans la même minute. C'est bordel intégral, brouillage à tous les étages, pêle-mêle sans queue ni tête. Mais c'est bien moi.
Alors je crois que j'ai compris, pour d'autres trucs aussi.
Depuis que j'ai vu le toubib il y a trois semaines, quand je ris je me dis « ah tu vois que tu vas bien, tu faisais juste semblant d'aller mal » et quand, deux minutes plus tard je pleure, je me dis alors « tsssst, tricheuse, tu faisais semblant de rire mais en vrai tu es dans le trou ». Ce que m'apprend ce morceau c'est que peut-être, oui sûrement même, je ne fais pas semblant, ni à ce moment-ci ni à ce moment-là, que oui c'est tout ça à la fois ou plutôt à intervalles courts, comme l'enfant qui tombe, se fait mal, pleure, fait un gros câlin à son nounours en serrant très fort les bras autour de son cou, puis repart en riant jouer avec ses copains, puis tombe, etc. En se jetant tout entier dans chacun de ces états.
Peut-être, sûrement même, que je dois accepter cet état-là comme étant le mien, pour cette période en tout cas. Et vivre l'instant présent sans me demander ce qu'il en sera demain ou dans deux minutes et si ces rires-ci rendent illégitimes ces larmes-là ou vice-versa. Peut-être que je dois apprendre à dire à l'une, plutôt que « et si on déjeunait ensemble jeudi midi ? » : « quels sont les jours où je peux t'appeler au dernier moment pour un déjeuner ? » (bon ça fait un peu princesse je vous l'accorde, mais juste en ce moment, promis !) Peut-être que j'ai le droit de dire à l'autre « prends-moi dans tes bras je voudrais y pleurer » et ensuite aller jouer ensemble avec le vent puis partir deux jours plus tard. Tâcher de faire tout cela honnêtement en disant simplement « je fais ce que je peux et je ne sais pas ce que je veux ».
Parce que je ne sais pas si je l'ai déjà dit, mais je suis un peu légèrement beaucoup perdue là. Et retrouver au plus vite la boussole ne s'impose peut-être pas tant que ça. Finalement.
Commentaires
Hey... oui bien sûr tu as le droit de demander, tiens ! Si tu as envie de venir faire un tour en hauteur, d'ailleurs, ne te prive pas.
Bon courage...
T'as qu'à te dire "ceux qui m'aiment me laisseront prendre le train, l'escargot, le zeppelin, et même rester sous la couette".
Parce que , de toutes façons, y a une autre solution?
"
Enfin ,va donc travaillez plus pour gagn-"?"allons, lève toi mon petit chou, tu fais tellement de mal au petit Jesus à rester comme ça?"Ce que vous décrivez fait un peu penser à redevenir enfant?
L'enfance m'a toujours paru une période inconfortable, je me suis sentie mieux en prenant de l'âge.
Votre blog est merveilleux en tous cas ne cessez pas, en effet, ceux qui vous aiment vous prendront comme vous êtes.
Ce genre d'état, c'est peu comme d'être dans un tonneau au milieu de l'océan : ça ne sert à rien d'aller contre les vagues (un tonneau, contrairement à un bateau, se pilote fort mal...). Il faut accepter de se laisser ballotter et emporter ça et là sans trop lutter de peur de s'épuiser. Un jour ou l'autre, on touche terre (et quant au déjeuner, chuis d'accord princesse ;-) )
"Et retrouver au plus vite la boussole ne s'impose peut-être pas tant que ça".
genre : "laisse aller, c'est une valse" ?
Je pense à vous et aux difficultés quotidiennes de ne pas savoir où on en est...
T'ai mis de la zizik chez moi... Peut-être aimeras-tu ?
Ah oui, le rire et les moments heureux quand on vous a dit "dépression" ; j'y suis. Alors les gens s'étonnent, regardent par en-dessous. Ben vi mon p'tit gars, ça veut dire que je suis paumée dans l'ensemble de ma vie, pas forcément dans le particulier !
Demain j'ai mon 1er rendez-vous chez une dame du mardi :o), mais 6 mois après le mot du médecin, et les médicaments, je sais pas si je vais retrouver ce que je voulais dire...
Encore plein de bises...
On habites pas loin....
Ce qui serait bien, c'est que la traversée en tonneau de l'Atlantique soit paisible et pas angoissante... Tu as de quoi manger et de quoi boire, au moins ? Une jolie chemise de nuit rose, un I-P*d, radio-coupins/coupines en marche, allez, ça roule ma poule. Ne crains rien, le tonneau est solide et doté d'un pare-brise transparent qui permet de voir l'horizon.
Ca devait être du boulez !
En ce moment, je raconte le vent dans les saules à petit zozo et Crapaud n'arrête pas de faire des siennes. Tu veux que je vienne avec ?
"Et retrouver au plus vite la boussole ne s'impose peut-être pas tant que ça. Finalement."
Ce serait un lâcher-prise, alors ? Il en sortira quelque chose de toute façon, je pense que la désorientation qui accompagne le dérèglement de la boussole finira par s'estomper.
C'est quoi une boussole ? C'est une vraie question...
Princesse, c'est quand tu veux à midi moins cinq pour midi si ça peut (sauf jours d'usine pour moi :-( ).
Depuis la maladie de mon père, je suis devenue capable d'écouter la musique "classique-moderne", ces étranges contemporains, avec le sentiment de comprendre ces créations-là. Effectivement ça participait de ce que tu dis.
J'ai appris aussi à écouter un air en boucle exprès afin qu'il m'imprègne et me tienne durant un moment, comme si le fait que mon cerveau sur l'élan le diffuse encore m'aidait à adoucir les agressions du monde. La première fois que j'ai pris conscience de cette possibilité, c'était quand j'ai débuté à la chorale, j'avais souvent en tête (parce que rabâché jusqu'au par coeur) l'oeuvre travaillée et je m'étais rendue compte qu'elle donnait une couleur à mes jours.
En ce moment j'ai besoin de trucs de base un peu tristes mais un peu espérants, et donc c'est Fabien avec ses "4 saisons" presque aussi prévisibles que celles d'Antonio, c'est dire.
Sinon, je choisis souvent des musiques à écouter en écrivant en fonction du rythme que je souhaite imprimer à la scène.
Il m'arrivait du temps d'avant de jouer au contraire à me passer assez fort un tout autre style que ce que le texte appelait. C'est comme de nager à contre courant. Après quand le courant devient porteur c'est merveilleux comme ça vient bien.
L'opéra est sans doute un cas un peu à part à cause de la durée : ce n'est pas qu'une question de musique et de sentiments exprimés, que de capacité de concentration longue requise. Après, une fois qu'on a lâché l'émotion il est très difficile d'y regrimper. Même quand tout va à peu près bien, même en étant dans la salle, même si tout est extraordinaire, j'ai souvent sur la distance des chutes d'attention. Aussi parce que si je suis émue ça met en route encore plus fort la machine à mots que je m'applique généralement à mettre en sourdine quand j'assiste à quelque chose.
Hé oui il faut s'habituer pour un temps à n'avoir plus de continuité de soi-même. J'ai connu ça les premiers mois, avec quand même une extrême prédominance des larmes. Et des temps d'euphorie brève où j'étais persuadée que le jour qui venait serait celui de retrouvailles, qu'une explication viendrait et qui éclairerait tout. Je me disais quelle idiote, et dire que j'en ai fait une maladie, alors que personne n'est vraiment parti. Et puis non, Va mourir, pas de nouvelles.
Le cas est différent, nous le savons, n'empêche les giboulées d'humeur j'ai connu, je connais encore même si c'est sur un mode différent. C'est exténuant. Traou a raison il faut se laisser porter par les différents courants, lutter est inutile.
On est quelques-un(e)s à savoir ce que c'est, profite donc pour avec nous ne surtout pas t'embêter.
La musique contemporaine, reflet des âmes dépressives ? Bin mince alors :-)
Mon cas sans doute plus désespéré que je ne le croyais mis à part, en cas de basses eaux énergétiques, la durée d'un opéra, comme le dit Gilda, me semble aussi un défi un peu présomptueux. Tu as essayé du baroque, en courtes pièces ?
(les programmes "des cantates plein le bac" et "le XXème dans les cordes" de ma radio blog te tendent les bras)
Oui, profite pour te laisser aller et sers-toi sans hésiter des épaules qu'on t'offre ! (je ne dis pas là que tu doives te réjouir d'être dans cet état-là, comme tu dis... mais tu dois t'offrir des compensations !)
Bonjour,
Mon premier commentaire, même si je viens régulièrement ici.
Ce que vous dites sur l'effet de la musique sur vous résonne en moi. J'ai eu cette même réflexion il y a quelques temps. Je crois que pour moi la musique (certaines musiques) vient, de façon toujours juste, compléter un état. Et c'est toujours très bon.
Bienvenue Djamila, je suis allée faire un tour sur ton blog désormais interrompu et de là sur le mySpace de ton groupe. J'aime bien le nom :)
Merci beaucoup ! Malgré nos métiers divers et variés on s'amuse beaucoup avec Les bougresses.
Il est temps d'écouter du jazz ?