J'ai lu chez vous / à écouter ce soir
Par Kozlika le mercredi 4 juin 2008, 07:11 - Vous dites ? - Lien permanent
« Deux séries de commentaires ont été entendus. D'un côté c'est "quelle horreur, nous voici de retour au moyen âge avec une répudiation avalisée par des juges", et de l'autre c'est "il s'agit d'une décision conforme au droit donc les critiques sont injustifiées". En réalité c'est moins simple que cela, et quelques questions se posent qu'il faudrait pouvoir aborder avec un minimum de sérénité.
Alors essayons d'analyser un peu cette situation inhabituelle. »
Mariage, virginité, mensonge, annulation, quelques réflexions autour d'un récent jugement du tribunal de Lille, par Michel Huyette.
A écouter aussi ce soir, dans l'émission Du grain à moudre sur France Culture, à 17 heures, un débat entre :
- Maître Eolas. Avocat au barreau de Paris, et auteur du blog "Journal d'un avocat"
- Caroline Fourest. Journaliste à Charlie Hebdo, rédactrice en chef de la revue ProChoix, chroniqueuse tous les vendredis à 7h25 dans Les matins de France Culture
- Sahra Mekboul au téléphone. Psychologue criminologue au Centre Interdisciplinaire méditerranéen de recherches en sciences sociales (CIMERSS)
- Laure Heinich Luijer. Avocate au barreau de Paris
Commentaires
Merci beaucoup pour cette édifiante lecture.
Ce feuilleton juridico-médiatique est assez passionnant – et cet article semble mettre le doigt sur le fond de la question.
Oui, c'est à ce jour la meilleure lecture que je puisse recommander sur le sujet, qui pose toutes les questions dans leur complexité.
Merci
Merci, j'imprime, je lirai tout à l'heure. Au calme.
Cet article fournit en effet une synthèse éclairante et pose des questions pour aller plus loin.
Cependant, je continue à penser : "quelle horreur, nous voici de retour au moyen âge avec une répudiation avalisée par des juges" et j'insiste bien sur l'interjection "quelle horreur!" car je suis choquée par le fait qu'on puisse considérer que la virginité est une qualité essentielle de la femme, aux yeux de la loi, qualité sur laquelle la femme se devrait de dire la vérité et qui, en cas de défaut constaté (par pénétration lors de la nuit de noces) aboutirait à l'annulation du mariage.
Je n'ai pas trop envie d'entrer dans des débats juridiques et sibyllins où de doctes esprits m'expliquent ce que veut dire "qualité essentielle" : je crois que tout le monde a compris ce jugement dans le sens que je reformule précédemment. C'est la raison pour laquelle il a déclenché cette levée de boucliers et c'est pourquoi il fallait le remettre en cause et repartir sur des bases plus claires.
(Après, on peut gloser à l'infini sur l'ignorance de l'opinion qui ne comprend jamais rien... surtout dans le domaine du droit, où de rares lumières brillent dans une nuit quasi-complète !)
Mais finalement tu n'as pas tant compris de travers ! la notion de "qualité essentielle" se rattache à 2 choses :
> qualité propre à la personne, trait lui appartenant
> mais qualité essentielle au regard de la prise de décision --en l'occurrence celle du consentment à une union avec cette personne.
Donc la notion juridique ne dit pas que "la virginité est une qualité essentielle à la femme et spécifique et la définissant dans son identité" en général , MAIS tout en disant que la virginité était une qualité essentielle à la prise de décision pour le mari, le jugement accepte l'idée selon laquelle le critère s'applique de façon discriminante à la personne de genre féminin, avec cette ambiguité que le jugement fait semblant d'ignorer que la virginité constitue un impératif culturel qui s'applique de façon discriminatoire et qui fait partie d'une idéologie du féminin.
Avec autant d'ambiguités "conceptuelles" en cascade, il devient très facile à force de distingos d'écarter le fond du problème, et c'est ce que tendaient à faire les explications relevant de la pure paraphrase juridique. De façon parfois partiale même dans le discours "purement technique" d'ailleurs, puisque le critère est en l'occurrence subjectif et pouvait ne pas être retenu par le juge (la juge en l'occurrence). (alors pourquoi elle l'a retenu ? forme de "real politik" du jugement en se disant qu'il valait mieux éloigner les deux personnes et que maintenir trace du mariage ne pouvait que dramatiser la situation ? là, on est un peu de l'autre côté du miroir, c'est la partie "story", comment savoir...).
Au final, même si "discursivement" la qualité essentielle est essentielle à la prise de décision vs une personne plutôt qu'à la personne, concrètement il n'en demeure pas moins que c'est bien à cette personne et à cette catégorie de personne que celui qui prend la décision attribue cette qualité et exigence, et que, plus embêtant, c'est un fantasme culturel décorrélé de sa réalité qui entre dans la jurisprudence. On se met à légiférer sur une part d'imaginaire. Et pas n'importe quel imaginaire, scusez du peu.
Donc voilà tout ce blabla (moi qui pensait avoir tant causé que je ne dirais pas davantage sur le sujet) pour dire que ceux qui ont soi-disant "mal compris" ont au final très bien saisi.
(reste l'histoire du mensonge", mais ça ça relève de la tactique de dossier, c'est un habillage)
Oh snif, je ne découvre ce billet qu'aujourd'hui, et le lien que tu donnes ne fonctionne pas, je l'aurais lu avec une grande avidité!
(éventuellement, si tu en as une copie, pourrais tu me la faire passer?)
En attendant, et dans l'espoir de, je me permets de "linker" (oh c'est vilain ça) ce que j'en avais dit: ici et là.
Et la bise au passage!
Au temps pour moi, ça y est, ça marche, et je suis en train de le lire :-)