Ainsi Pitt (brade)
Par Kozlika le jeudi 24 juillet 2008, 17:35 - Lien permanent
Si vous voulez vraiment que je vous dise, alors sûrement la première chose que vous allez demander c'est où il est né, et à quoi ça a ressemblé, sa saloperie d'enfance, et ce que faisaient ses parents avant de l'avoir, et toutes ces conneries à la David Copperfield, mais j'ai pas envie de raconter ça et tout. J'ai longtemps hésité avant d'entreprendre le récit de ce voyage à P. Je m'y résous aujourd'hui, poussé par une nécessité impérieuse, persuadé que les événements dont j'ai été le témoin doivent être révélés et mis en lumière. Je ne me suis pas dissimulé les scrupules - j'allais dire, je ne sais pourquoi, les prétextes - qui semblaient s'opposer à une publication.
***
Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 2008, à Pirou. De l'avis général, il n'y était pas à sa place, sortant un peu de l'ordinaire. À première vue, Pirou est, en effet, une ville ordinaire et rien de plus qu'une préfecture française de la côte normande.
Oui, cela pourrait commencer ainsi, ici, comme ça, d'une manière un peu lourde et lente, dans cet endroit neutre qui est à tous et à personne, où les gens se croisent presque sans se voir, où la vie du presbytère se répercute, lointaine et régulière. Ou bien : c'était un mec, il s'appelait Kozlikos, ou quelque chose comme ça : Kazilo ? Korkalka ? Kakoz ? Enfin bref, K. En tout cas, un nom peu banal, un nom qui vous disait quelque chose, qu'on n'oubliait pas facilement.
C'était une soirée de juillet froide et sombre. Les horloges sonnaient vingt-trois heures. Kozlikos, Korkalka ? Enfin bref, K., le menton rentré dans le cou, s'efforçait d'éviter le vent mauvais. Pourtant, ç'avait été une journée admirable. Il avait passé toute la matinée étendu sur l’herbe, devant sa maison, sous l’énorme platane qui la couvre, l’abrite et l’ombrage tout entière. Puis, tout partit en quenouille.
Un peu plus tard, dans l'S, à une heure de joyeuse non-affluence, un type dans les vingt-six ans, chapeau mou avec cordon remplaçant le ruban, cou trop long comme si on lui avait tiré dessus, s'était exclamé, excédé :
— Doukipudonktan ? Pas possible, ils se nettoient jamais. Dans le journal, on dit qu’il y a pas onze pour cent des appartements à Paris qui ont des salles de bains, ça m’étonne pas, mais on peut se laver sans. Tous ceux-là qui m’entourent, ils doivent pas faire de grands efforts.
Comme il faisait une chaleur de trente-trois degrés, le bus se trouvait absolument désert sauf trois cardinaux, un rabbin, un amiral franc-maçon, un trio d'insignifiants politicards soumis au bon plaisir d'un trust anglo-saxon. Et Alice, assise à côté de sa soeur sur la banquette, qui commençait à être fatiguée de n'avoir rien à faire. Aujourd'hui, rien, écrirait-elle plus tard dans son journal.
Ce jour-là, sa maman était morte. Ou peut-être la veille, il ne savait pas. Il avait reçu un télégramme de Pirou : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne voulait rien dire. C'était peut-être la veille.
***
Il était tard dans la soirée lorsque K. arriva. Une brume épaisse recouvrait le village. La colline du château était invisible, elle était plongée dans le brouillard et les ténèbres, pas la moindre lueur n'indiquait le presbytère. K. se tint longtemps sur le pont de bois qui relie la grand-route au village, et dirigea son regard là-haut, vers cette apparence de vide. Pirou.
Une silhouette se profila. Simultanément, des milliers.
Nos lecteurs se classent d'ordinaire automatiquement en deux catégories bien distinctes : ceux que dégoûtent les contraintes littéraires de notre œuvre, et ceux qui se réjouissent de les y voir entrer pour une si large part.
K&K
On est vraiment de grands malades. Aujourd'hui c'était jour de repos...
Commentaires
Etrange, j'ai cru voir passer un petit vélo. Cet état m'égara...
Oh la la, vous êtes décidément trop forts, je m'incline, chapeau bas !
C'est juste pour pinailler (avouez que vous aimez ça), mais si en plus vous me virez cette faute d'accord dans la dernière phrase, celle en italiques, ce serait absolument parfait.
Bonnes vacances et à bientôt, j'espère...
Aujourd'hui c'était jour de repos... : ben les petits loups, ça se voit pas. J'ai pu dénombrer 15 contraintes au mot carré et reste persuadée que je suis passée à côté de plein (je rentre de l'usine, faut pas trop m'en demander) sans compter les Jolie praillevaite djoksseuh à faire sauter de joie Zazie.
Grands malades, tu disais ...
On dirait effectivement que vous avez pécho un beau et réjouissant virus et que vous ne pouvez plus vous arrêtez :-) :-) :-)
Tenez bon nous sommes (1) ravis.
(1) Je me permets le pluriel car je suis persuadée que si certains restent silencieux c'est juste qu'ils sont en vacances sans connexion, mais que quand ils liront à leur retour ...
Gilda > plutôt dix-huit au dernier comptage ;)
Mémé > une faute ? mais où ça donc ???
En plus, ça fait "K et les souvenirs de vacances", c'est GRAVE la classe.
Très joli tour de force, et vous avez de bien bonnes lectures.
Ça fait plaisir d'avoir des nouvelles de Mémé dans les commentaires, aussi.
Bon ben on attend votre liste, les gens ;-)
Moi aussi, je dis bravo, parce que je suis de celles que les contraintes contraignent tellement que leur cerveau en fait de la sauce blanche. Et que baba j'en suis sans même savoir pourquoi, mais que je ne veux pas en être en reste, na.
Bon, je me lance. Je ne les ai pas tous. Un étranger, une petite fille dans un métro, une autre qui allait bientôt rencontrer un lapin blanc, un mode d'emploi, sous forme de de romans, des exercices stylistiques.Un vélo à guidon chromé. Un souvenir d' enfance.
Une première phrase qui m'évoque un attrape-coeur, une dernière qui pourrait être du chiendent, ou bien des fleurs bleues, je ne sais plus.
Waw anita, que du bon (dans le désordre mais tout bon !). Et c'est bien le Chiendent.
Je récapépète le vrac des romans déjà trouvés. A vous de compléter et remettre dans l'ordre.
nioumpf, j'en ai oublié un: la peste soit de cette mémoire à trou!
Vont-ils tous par trois?
Non anita, pas forcément par trois. Et comme tu l'as bien reconnu, j'ajoute en effet :
boududu, j'avions raté la grande braderie de l'Ain si piteux (moi, p..., je suis du Midi, c...)
Je crois bien avoir vu passer aussi un Calvino (Si par une nuit d'hiver un voyageur) ainsi qu'un Maupassant (Le Horla ?), mais je ne pourrais en jurer, n'ayant pas mes ouvrages sous la main pour vérifier. Je n'avais pas trouvé le Salinger, en revanche.
Non pour Calvino, oui pour Maupassant. Ce qui porte le total (en vrac pour l'instant) à <del>dix</del> onze sur dix-huit. Il y en a un qui va être difficilement reconnaissable car on l'a beaucoup tordu pour qu'il entre dans notre histoire. Mébon, on a confiance en vous !
Oui pour La Disparition, anita (c'est rigolo comme mon commentaire était coincé dans la nasse antispam et qu'anita a publié son comm entre-temps, j'ai l'air de répondre par anticipation. Trop forte je suis ;-))
Je tente encore : serait-ce le château de Kafka?
Pis, moult rabbins, politicards ou francs-maçons, rapport à la Disparition?
Bouvard et Pécuchet!
Wha, trop forte anita !
Et de douze.
Anita a cité le Château de Kafka et c'est aussi une bonne réponse.
J'ai pas la couleur mais je dis donc :
• Le Château (Kafka)
me semblait bien, le chateau de Kafka, mais au moment de poster,j'ai perdu la connection. snif