Ça pourrait ressembler à un paradoxe : le web permet une proximité entre les personnes qui se fout de la géographie et pourtant nous sommes quelques-uns à avoir eu le cœur serré en nous inscrivant pour Les Adieux du capitaine, ce soir à l'Assassin. Certains se déplaceront pour la première fois à une rencontre de blogueurs, parmi eux certains rencontreront pour la première fois Laurent. Au total, la soirée de ce soir promet de réunir plus de monde que n'importe quel autre Paris-Carnet.

Etrange, non ? Non. Sans doute le mot « adieux » n'est-il pas si anodin, si plaisantin qu'il y paraît.

D'abord, Laurent part loin, on aura désormais peu souvent l'occasion de le revoir par chez nous, en chair et en os. Si les blogs offrent la possibilité d'une grande proximité, ils sont aussi celle de rencontres « les yeux dans les yeux » avec ceux qu'on lit / qui nous lisent. Pour nous Parisiens (ou à un jet de train), cette possibilité s'éloigne avec lui, de l'autre côté de l'Atlantique. On ne pourra plus « rectifier » les nouvelles qu'il donne ou laisse percevoir sur son blog par ces petits signes qu'on fournit à son insu en montrant son visage : la fatigue, la tension, l'apaisemement, la sérénité, la pointe de malice, la tristesse... Ces petits trucs qui replacent telle ou telle chose lue dans le contexte de la perception de l'humeur de l'autre. C'est valable pour tout le monde, pour Laurent ça ajoute un facteur de pondération d'au moins dix...

Ensuite, et bien qu'il s'en défende, Laurent est l'âme des Paris-Carnet. Il en fut l'un des initiateurs, il gère le wiki, il tient la boutique en notre nom à tous. Les Paris-Carnet sans lui continueront d'exister, je n'ai pas le moindre doute là-dessus. Ils seront aussi nombreux, aussi chaleureux, aussi conviviaux, mais ce seront des Paris-Carnet-sans-Laurent, le gars qui ne restait jamais plus d'une demi-heure à une table, comme un hôte soucieux de ne pas faire bande à part avec une partie de ses invités.

Et puis Laurent tourne une page ; on a suivi son parcours depuis quelques années, la rencontre avec Le Lapin, le mariage, la démission de son boulot, l'attente du visa... Personnellement je suis aussi émue que si je venais d'attacher des casseroles au pare-choc de l'avion qui l'emporte vers le Canada ! On a envie de fêter ça avec lui tout en se mouchant discrètement dans la manche du voisin.

Cette page, on se demande d'ailleurs s'il ne la tourne pas sur sa présence sur le web aussi : refonte de son domaine, création d'un carnet intime. L'aménagement d'une nouvelle maison semble devoir se faire aussi bien dans les octets que dans les briques. Il a parlé une fois de fermer l'actuel, du moins sous sa forme que nous connaissons tous.

Alors tout ça, ça fait que adieux sonne adieu un peu, en vrai.

Je serai à l'Assassin ce soir parce que j'aime Laurent, que je suis bien contente pour lui et bien marrie pour moi qu'il s'en aille au loin. Qu'en plus, comme si c'était pas assez comme ça, le Padawan se fait la malle pour rejoindre son amoureux aussi et que merdalors, ça vous colle la larme à l'œil tous ces petits qui s'envolent. Vous donnerez de vous nouvelles, hein les garçons ? Je vous prépare des enveloppes timbrées ?