La tripoteuse de tête est rentrée de vacances. On se revoit donc, dans le moelleux de son cabinet. Tout est doux chez elle, les tapis, le fauteuil, son sourire, ses yeux. Pas sa voix. Elle a le phrasé râpeux. Toujours au bord de la quinte de toux. Je ne sais pas pourquoi je suis venue. Nous nous étions quittées plusieurs années auparavant, sur une poignée de main, et soudain l’envie irrépressible de la revoir, de lui parler. J’étais tombée sur son répondeur ; elle y annonçait qu’elle était en vacances pour quelques jours. Ça m’avait fait tout drôle de reconnaître sa voix, d’entendre à nouveau cette rocaille un brin chuintante, qui me rappelle tant la voix d’une Simone Signoret greffée sur les cordes vocales de Jeanne Moreau.

Je me suis assise dans le fauteuil en face d’elle. L’ameublement avait un peu changé. Pas trop, juste ce qu’il fallait pour que je ne sois pas dépaysée mais que je mesure le temps qui s’était écoulé depuis notre dernier rendez-vous. On a dit en même temps « Comment allez-vous ? » et on a ri. Le silence s’est installé, je ne savais pas quoi dire, par quel bout commencer. J’ai raconté ma dernière crise d’angoisse. Elle a hoché la tête, comme on dit « je te reconnais bien là ». J’ai raconté. Parler avec une psy qui nous connaît bien c’est comme un jeu de Memory : on retourne une carte et elle retourne à son tour celle qui va avec. Elle a gagné cette partie-là, et moi aussi puisqu’on joue en équipe. On s’est revues deux ou trois fois les semaines suivantes.

On ne se reverra plus, j’en ai la certitude, à moins de la rencontrer par hasard dans la rue. Ce que j’ai compris à la revoir c’est que si je veux connaître de nouvelles cartes il faut que j’aille voir quelqu’un d’autre. Elle connaît toutes mes paires identifiées, je prends soin de ne découvrir que des cartes qu’elle a déjà vues. C’est doux et chaud, mais ce n’est pas en restant au nid qu’on apprend à voler.

Adieu, Simone, adieu cette fois. Un jour pourtant, un jour sûrement, il y aura d’autres mots à dire mais sur un autre chemin.