Dans le mur
Par Kozlika le samedi 7 février 2009, 08:46 - Lien permanent
Je me souviens avoir vu petite, avec ma grande sœur sûrement, un film (était-ce 1900 ? je n’en suis pas sûre du tout car il me semble que c’était Patrick Dewaere) où le héros se jette violemment la tête la première dans un mur, recommence et recommence encore, jusqu’à se blesser. Le sang lui coule sur le visage mais il continue avec une hargne sauvage. Je ne me souviens plus comment cette scène finissait mais je me souviens qu’elle m’avait bouleversée. J’aurais voulu traverser l’écran et m’interposer entre lui et ce mur, le serrer fort dans mes bras et lui hurler d’arrêter. J’ai revécu cette scène dans des cauchemars des mois durant après la projection.
Des épreuves qu’on traverse en amitié, voir quelqu’un qu’on aime montrer la même obstination à se fracasser le crâne et ne pas réussir à l’en empêcher est sans doute l’une des plus difficiles. Quand de surcroît vous avez déjà vécu les mêmes scènes, avec le même écorché vif, il y a quelques années, déjà tenté de le retenir par le paletot et n’aviez réussi qu’à vous faire rudement écarter de son chemin entre le mur et lui, vous vous sentez bien démunie.
Parfois il n’y a pas qu’au cinéma qu’on ne peut pas traverser l’écran.
Vous voudriez alors posséder vraiment les pouvoirs magiques qu’on vous prête en plaisantant et détenir les crèmes et onguents qui l’apaiseraient. Ou savoir trouver les mots qui l’arrêteraient ou ralentiraient suffisamment sa course pour qu’il reprenne sa respiration et, peut-être, qu’il réalise que ce mur c’est lui qui l’a construit et qu’il peut le défaire. Que lui seul le peut.
Il y a un gars que j’aime, un gars aux mâchoires soudées, qui a baissé le front et rentré la tête dans les épaules, qui gratte le sol en face du mur. Il croit que son destin est là, encore et encore, il croit que si la jeune fille pleure c’est de vouloir le quitter quand elle ne sait plus comment l’aider, il ne voit pas les copains qui cherchent une prise pour le ceinturer. Pour voir ça il faudrait d’abord qu’il croie qu’on puisse l’aimer. Son champ de vision s’est rétréci, il ne voit plus que le mur et lui.
Commentaires
Deux films peut-être se mélangent.
Pour Dewaere, ce doit être Série Noire d'ALain Corneau, mais c'est une voiture, non un mur (et c'est sans trucage ...).
Oui, il y a des moment où l'on se sent impuissant face à l'autre, impuissant à l'aider, à le comprendre, à se faire comprendre... Je crois que cela fais partis des moments que je déteste le plus, se sentir impuissant face à l'aveuglement de celui qui perd pied... Bon courage...
C'est très possible oui, Bladsurb, j'ai mémorisé un mur de pierre et un gars qui prend son élan pour foncer dedans jusqu'à ne plus avoir de forces, mais ça peut très bien être une fabrication/intrication a posteriori.
on peut pas toujours
faire dérailler les trains fous
mais faut toujours
essayer de semer les grains de sable
dans les rouages
en espérant qu'ils germent
un jour.
bises, pensées et pansements.
Oh, la ... Que de souvenirs ... Mon expérience de l'époque, il a fini par se taper la tête très fort sur le mur, il a eu très mal, vraiment, il a eu très peur, enfin ! Alors il s'est appuyé sur le mur pour se retourner et c'est alors que de nouveau son champs de vision s'est élargi. Ce que j'ai appris de ça, c'est que parfois le mur qui nous fait si peur, nous qui voyons le danger, est un passage obligatoire pour d'autres. L'instinct de survie, le seuil de tolérance à la mise en danger n'est pas le même pour tous. Il n'y a pas grand chose à faire, et même parfois il faut savoir abandonner. C'est dur d'être le témoin impuissant de cette autodestruction, peut être trouver une ressource en décidant de faire confiance à son instinct de survie pour savoir qu'il ne se tuera pas contre ce mur, ce qui est le plus important. bon courage.
Dites, un peu tout à trac, certes, mais on fait comment pour introduire avec délicatesse ce genre de mise au point ?
J'ai reçu des mails et des coups de fil inquiets pour mon amoureux : que ceux qui le connaissent ne s'alertent pas pour lui, ce n'est pas de lui que je parle ici. (Et bien qu'ayant gardé un esprit et une forme juvéniles, je ne parlerais pas de moi en disant « une jeune fille », quand même !)
Sinon oui tu as sûrement raison, Luciole, mais si intellectuellement je peux l'admettre, dans les faits j'ai du mal à lâcher prise. Je me dis, un peu comme anita, qu'à force de foutre des grains de sable dans sa mécanique on arrivera peut-être à enrayer la machine ?
Oui, je comprend bien. Moi je n'ai su ça qu'après quand j'ai fini par lacher par ce que je n'en pouvais plus. Mais je n'étais pas l'amie, j'étais l'amoureuse ...
:-(
Bon je sais c'est pas drôle, mais éventuellement pour dédramatiser un peu, voici une séquence du film "la stratégie de l'échec" http://www.youtube.com/watch?v=e6-f...
à partir de 1min30 c'est à peu près la scène que tu décris.
Un peu de légèreté...
Il faut parfois cesser de vouloir sauver quelqu'un. Très jolie scène chez les Schtroumpfs. Couché par terre, effondré, un pti bonhom bleu dit au copain qui essaie de l'aider "Laisse moi, je veux mourir ici". L'autre, étonné, dit "Ah bon?" et tourne les talons, aussitôt rattrapé par le "mourant" qui a retrouvé son bon sens:
"Hé, hé, pas de blague!"
Mais c'est plutôt valable pour l'aidant principal, la jeune fille qui risque de s'y perdre elle-même.