Un jour d’octobre 2004, après avoir lu avec émotion et fraternité des billets chez Samantdi et David[1] qui parlaient de leur père, je publiai sur ce blog mon premier billet de dévoilement. Je n’avais jusque là abordé que l’opéra et mes premiers pas de geekette ou quelques billets sur l’air du temps.

Je me souviens de deux choses au sujet de ce billet. La première c’est le sentiment d’impudeur extrême que j’avais de le publier ; j’y avais d’ailleurs fermé les commentaires. Ce sentiment, je l’évoquai quelques jours plus tard, une sorte de mot d’excuse. La seconde c’est l’hésitation à écrire le vrai nom de mon père. Plusieurs choses m’ont convaincue de le faire. Me dire que la femme de mon père avait probablement disparu et si ça n’était le cas elle était me disais-je trop âgée pour s’intéresser à Internet et y effectuer des recherches ; me dire que si quelqu’un d’autre de sa famille le faisait il/elle pourrait choisir de l’ignorer et passer son chemin. Et au fond le petit espoir qu’un jour peut-être un ami, fils d’ami, un lointain parent, ancien camarade ou collègue découvrirait ce texte et se ferait connaître. « Oh, j’étais jeune traducteur chez Gallimard et j’y ai rencontré le monsieur dont vous parlez. » Et j’aurais pu ajouter un petit morceau au puzzle. J’avais lancé une bouteille à la mer.

Quatre ans et demi plus tard, en fait très exactement hier soir, la bouteille a atteint le rivage au détour d’une recherche Google ; quelqu’un l’a ouverte et lu le papier qui s’y trouvait. Ce quelqu’un a trouvé mon adresse mail et m’a écrit. Un message court et chaleureux, un message plein de délicatesse.

Ce à quoi je refusais de rêver c’était qu’un membre de sa famille suffisamment proche pour l’avoir bien connu et assez lointain pour ne pas en être trop affecté établirait un jour le lien. On ne devrait jamais s’interdire de rêver. Mon correspondant a reconnu son grand-oncle, Fred comme je l’ai toujours appelé, m’écrit-il. Vous vous rendez compte ? Il n’en a pas entendu parler, il l’a connu. Il l’appelait Fred.

Je pense à Samantdi, je pense à mon ami Alain, je pense à vous qui me lisez et savez, vous qui m’avez accompagnée sur le chemin des petits cailloux et l’été dernier encore à Maureillas. Je voulais vous le dire : j’ai un cousin et il m’a ouvert la porte.

Notes

[1] billet aujourd’hui hors ligne.