Les bonnes recettes de Mââme Kozlika
Par Kozlika le samedi 17 octobre 2009, 19:19 - Lien permanent
Ingrédients :
- 4 cuisses de canard de grande qualité
- de la graisse d’oie de bon faiseur
- de l’huile d’olive
- 12 belles pommes de terres du marché bio
- 500g de girolles fraîches du même marché
- 3 gousses d’ail
- 1 belle salade
- 1 botte de persil
- sel et poivre
Réalisation :
Restez au lit à faire des câlins jusqu’à environ une heure avant l’arrivée des invités. Courez au marché acheter ce qui manque dans la liste de courses susdite. Rentrez chez vous. Bloguez.
Après le providentiel coup de fil de vos invités annonçant leur possible retard, respirez, bloguez.
À l’heure où vos invités auraient dû être là, commencez la préparation du repas : faites la vaisselle de la veille (votre fils avait invité toute sa bande de potes et comate encore sous sa couette), puis pelez et découpez les pommes de terre en carrés. Ça laisse tout juste le temps à vos invités d’arriver chez vous.
Faites une pause dans la préparation. On n’est pas des chiens, l’accueil c’est très important pour vous. Faites en sorte que vos invités se sentent à l’aise. Par exemple, donnez-leur des pistaches dans un bol et un épluche-légumes. Il seront ravis de peler et presser les gousses d’ail (ça parfume les mains – et les pistaches – agréablement) ou de laver et essorer la salade. Ils sauront ainsi que vous ne les considérez pas comme de lointaines connaissances mais bel et bien comme des amis, des vrais.
Entretenez la conversation avec animation, montrez-leur des photos de Paris-Carnet et de Paris-Web où ils sont très beaux pendant que les patates cuisent tranquillement. Tellement tranquillement qu’au moment où vous voyez que vos patates rôties sont en train de virer à la purée informe, vous savez que c’est le moment où jamais de lancer les cuisses de canard (et de faire une ultime tentative de patates sautées en augmentant la puissance du feu sous leur poele). Une fois que la graisse qui les enrobe aura fondu, prenez confiance en vous et tirez les leçons des patates : montez la température au max sous la poele où se trouvent les cuisses de canard et ne vous en occupez plus. Mais alors plus du tout. Ne vous laissez surtout pas distraire par l’odeur de brûlé : sans doute de vielles graisses sous la poele qu’on aura oublié à la vaisselle précédente.
En aucun cas ne surveillez la cuisson, vos amis pourraient croire que vous vous désintéressez de leurs propos.
Quand l’odeur de cramé ne peut plus se laisser ignorer, ôtez la poele du feu. Trouvez une place parmi le bordel qui règne sur la table pour disposer quatre assiettes et des couverts. N’oubliez pas les verres, pour le champagne apporté par vos invités. Apportez la purée les pommes de terres sautées, servez chacun, en posant la face noire des cuisses sur l’assiette.
A ce moment précis, rappelez-vous que vous aviez acheté des girolles. Mine de rien, avec grand naturel, laissez vos amis devant leur assiette en train de refroidir et lancez les girolles. Pas trop longtemps parce que sinon les cuisses seront froides et le brûlé froid c’est plus difficile à manger.
Au bout de deux minutes, déclarez la cuisson des girolles achevée. Mettez-les dans un plat, sans trop les égoutter pour qu’elles baignent dans l’huile, ça les rend plus brillantes. Répartissez la persillade que vos invités ont réalisée sur les patates et les girolles. Lancez un « bon appetit » suffisamment engageant pour que vos convives comprennent qu’il est temps d’avaler le truc, enfin les machins, bref les aliments que vous avez placés dans leurs assiettes.
C’est là que vous savez si ce sont de vrais amis, en identifiant l’un des scénarios suivants :
- scénario 1 : ils se répandent en compliments. Ne les revoyez plus jamais, ce sont des faux-jetons qui diront du mal de vous dans votre dos.
- scénario 2 : ils appellent pizza-hut. Ne les invitez plus chez vous, ils sont incapables de vous soutenir dans vos expériences culinaires, ce sont peut-être de bons copains, mais des amis nenni.
- scénario 3 : “je crois que les girolles ne sont pas assez cuites” est leur seul commentaire, assorti d’un grand rire devant le désastre. Soigneusement ils récupèrent ce qui est à peu près mangeable dans leurs assiettes et reprennent la conversation où elle en était. Ceux-là gardez-les, gardez-les précieusement.
Récompensez-les de leur amitié : en dessert servez-leur un gâteau que vous n’aurez surtout pas fait vous-même.
Cette recette inégalable vous garantit à vie que vos amis, s’ils reviennent, le feront pour vous et non pour de basses raisons stomacales. Ils sont prêts à affronter de nouveau vos cuissons malheureuses ? Ils vous aiment pour vous-même, soyez en sûr !
À François et Eric, qui déjeunaient chez moi dimanche dernier, merci et… pardon !
Commentaires
si un jour j'ai le plaisir de te voire pour de vrai surtout n'hésite pas à me laisser cuisiner et j'ai une excellente recette de canard....en plus.
je dis cela mais en fait pour moi l'important n'est pas ce qu'il y a dans l'assiette ce sont les gen's.
Pauvre bête !
Je parle évidemment du canard à 4 cuisses.
Pauvre bête !
Je parle évidemment de Pep, même si ça n'a aucun rapport avec le billet.
Bon, en tout cas tes invités ne sont pas prés de revenir. Ca va être un suspense insoutenable jusqu'à leur prochain passage.... ;-)
Mais te faire pardonner de quoi ? Le plaisir fut partagé :-)
François, tu es mauvaise langue. Même si Kozlika nous faisait des moucrelles à la glaviouze carbonisées, on ferait quand même 18000 bornes pour la voir.
Tiens d'ailleurs la prochaine fois on revient déjeuner chez toi. On tâchera juste d'arriver un peu plus tôt pour la préparation ;-)
Ton sourire nous dédommage très largement de la dose de dioxine et d'acroléine ingérée ;-)
Hénaurmes bisoux à vous deux, ne changez surtout rien.
"Mââme Kozlika", je trouve que tu as les sourcils bien circonflexes et les yeux un peu exorbités. Un problème en cuisine ? ;-)
A manger, c'était peut-être pas terrible ; mais à lire, ça l'est. Trop bon :-) Merci pour cette tranche de rire.
J'ai beaucoup ri... :-D
Mais le fait que tu sois passée chez le traiteur avant de me recevoir ce soir m'interpelle : où situes-tu notre relation amicale ? Crains-tu que ma faible constitution de petit Suisse ne tienne pas le coup face à des cuisses de canard carbonisées ? Ou plutôt que je me révèle en faux-jeton ? ;-)
Hi, hi, tu blogues peu mais le peu est formidable. Éclat de rire du dimanche matin.
Le seul regret : je ne pourrai pas réaliser cette recette, dés la première ligne me voilà disqualifiée.
ah ! je me suis régalée ... tu es le cordon bleu des histoires vraies, humaines, amicales, mijotées à la sauce tendresse ... j'en reprendrais bien un petit peu ;-)
bises
Merci de votre indulgence, Éric et François (il faut dire que nous avons bien ri !) et ne crains rien, Julien, si je suis allée chez le traiteur hier c'est simplement parce que nous avions très envie de tester les délices de la Maison Cipolli (et nous n'avons pas été déçus, n'est-ce pas ?) Je te promets de rater le prochain repas que nous ferons ensemble ! :-P
Mon cher Pep, l'animal, une fois passé chez le boucher, devient une viande, on a donc bien 4 cuisses de canard, sans "s", comme on aurait un milliard de steacks de cheval, non mais !
Emma, tu vois que mon critère d'amitié est le bon : si j'avais reçu ainsi d'autres que des amis j'aurais été mortifiée, là on a ri ensemble et j'essaie par ce billet de vous faire partager ces rires.
J'ai voulu faire ma frimeuse et tenter une incursion dans un nouveau plat sans l'avoir testé auparavant, grave erreur qui m'aurait été épargnée si j'avais suivi les conseils de tous les livres des bonnes ménagères sachant recevoir !
Tout ceci ne vaut pas ton fameux clafoutis... :)
Je mets ce texte à côté du fameux "Assommons nos pauvres!" de Baudelaire. Un condensé de pratique sociale.
Quand je viendrais te voir, tu me feras des sardines au chocolat, diiiiiis?
C'est très difficile de faire des pommes de terre qui rissolent sans attacher, cela dépend de la variété et en plus, il ne faut pas les quitter des yeux ! Quant aux cuisses de canard, la limite est étroite entre "trop grasses" et "trop sèches", là encore, il faut rester devant le feu.
Donc, moi je dis que cet exemple ne met pas en cause tes talents de cuisinière !
Ah moi aussi je pratique les délices de la Maison Cipolli, on ne peut pas rater la cuisson des pâtes quand même !
Je sais bien, Kozette, mais je suis persuadé que celui-ci était un canard à 4 cuisses.
Ce n'est tout simplement pas possible autrement pour justifier un tel destin, et une fin aussi tragique.
Zut, ça s'est vu ;-)
Ta recette est tellement bonne, Kozlika, qu'elle m'a inspiré une variante tout aussi délicieuse : celle de l'amitié envers soi-même.
Je sens que je vais me régaler à la maison dans les prochains jours :-D
Recette très intéressante, en effet. J'y songerai la prochaine fois que je veux vérifier que l'amitié de quelqu'un est bien ce que je crois qu'elle est !
(Et j'ai bien ri, avec vous légèrement décalée !)
Un vrai régal de tomber sur un blog aussi divers.
Merci ... et vive le canard !
Je connaissais cette recette, je l'ai déjà appliquée plusieurs fois (j'ai aussi une variante intéressante avec le Poulet Vallée d'Auge, effrayante spécialité normande qui se prête bien au mélange de saveurs "carbonisé refroidi / trop chaud pas cuit"). Mais le doute me taraude : qu'est-ce que tu fais avec l'huile d'olive listée dans tes ingrédients ?
Fauvette : Je connais du monde (et j'en fais partie) à qui il est déjà arrivé moult fois de rater la cuisson des pâtes... c'est loin d'être difficile à rater. ;-)
rater des patates sautées à la graisse et des girolles c'est déjà quelque chose, mais du CANARD ?!?-) M'enfin :-)
Pliée en deux tout le long, mais à la fin, les yeux écarquillés:
"Ah mais NON? Elle l'a VRAIMENT FAIT?
Félicitations, et pour le(s) mot(s) et pour la chose!
Morte de rire ! Et c'est tellement toi !
@ 21 :
C'était pour la vinaigrette, pour la salade. L'huile à l'huile, c'était Valérie Lemercier, pas Mââme Kozlika
Belle tranche de rigolade, et dans la bonne humeur, tout se mange... ou presque... ;-)
Si c'est trop cuit ou pas assez, c'est la faute aux invités, évidemment ! : pour ne pas avoir bien surveillé ! C'est eux qui doivent te demander pardon, ça m'insurge qu'ils ne le fassent pas publiquement ici même ! :-)
Juste une question, le champagne serait-il celui que j'avais apporté et qu'on n'a pas bu ?
@26 : d'abord, je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre. Ensuite, si vinaigrette il y a, alors vinaigre il faut. Et là, j'en vois pas dans les ingrédients. D'où ma légitime interrogation (en plus, on peut faire une excellente sauce à salade en déglaçant la poêle avec une cuillerée de vinaigre de framboise : pas besoin d'huile.)
Merci pour cette recette unique en son genre !! haha