Mon statut de future Finistérienne m’emmène en des lieux jusque là inconnus. Le site leboncoin.fr est de ceux-là. C’est un site de petites annonces en tout genre, un peu comme ebay mais quasiment exclusivement destiné à des ventes entre particuliers. Les petits objets sont envoyés par la poste, les autres sont à aller chercher sur place.

En catégorie « Maison », il y a tous les jours des dizaines d’annonces nouvelles pour le Finistère seul, des centaines pour l’Île-de-France. En rentrant ce soir il n’y avait pas moins de 23 pages d’annonces du jour, uniquement pour Paris intra-muros. Je regarde de temps à autre aussi bien l’un que l’autre département puisque j’ai prévu un voyage en camionnette de location à la fin du mois de juin depuis Paris.

« Maison » constitue une rubrique totalement hétérogène, de la maison complète avec vue sur la mer à la poignée de porte vendue à l’unité en passant par la salle à manger complète ou le pyjama de bébé. Je n’utilise pas le tri des sous-catégories puisque aussi bien la vaisselle qu’un frigo ou une commode pourraient m’intéresser. J’ai donc ainsi l’occasion de dérouler toutes ces annonces, aux résumés ou aux photos parfois si intrigantes que je clique sur l’intitulé pour en savoir plus.

Je construis à la lecture, soit en filigrane, soit clairement exprimé, soit en laissant galoper mon imagination, l’histoire de ces objets, de leur parcours jusqu’à ces pages.

Une succession d’annonces de vente d’objets du même vendeur annonce le décès d’un papy ou d’une mamie : fauteuil articulé, service de porcelaine incomplet, un peu ébrêché, meubles en merisier surchargés de moulures, meubles de cuisine aux formes arrondies laqués blancs, rideaux de dentelle. Pour d’autres c’est les enfants qui grandissent : lots de vêtements pour bébés, suivant de près le lit à barreau et la table à langer ou la poussette. J’imagine le revers de fortune et la décision de se séparer des achats de folie coup de tête : un sac Dior (« joliment patiné »), des montres de marque, des bijoux de ce que j’appelle le luxe banlieusard, des « vitrines de salon » aussi moches que prétentieuses associées à des salons complets dits « design » (comprendre, furieusement à la mode à la télé il y a quelques années et totalement has been aujourd’hui).

Certains malhabiles n’arrivent pas à tourner les photos qu’ils postent en illustration, il est alors utile de ne pas avoir de torticolis dormant et de pencher la tête à 90° vers la gauche – ou alors de faire pivoter l’ordinateur de 90° vers la droite – pour bénéficier de l’aperçu de l’objet vendu. D’autres comptent sur la confiance de leurs lecteurs : le « splendide canapé en imitation cuire [sic] très bien faite » à 1600 euros sans mention de modèle ni de marque et sans photo non plus trouvera-t-il preneur ?

La plupart, sans doute fréquentant assez régulièrement le site pour connaître les « cours » de l’occasion, fixent un prix plutôt réaliste. D’autres, maladroits ou tu-rêves-herbert, tentent le coup de bluff et fixent le prix d’une commode encore en vente chez Ik$a à une fois et demie son prix neuf – sait-on jamais, des fois que l’adjectif « magnifique » créerait de la plus-value. Hors le cas de ces derniers, manifestement tricheurs, les deux plus grosses créatrices d’illusion sont les acquisitions récentes, pour lesquelles les gens ont du mal à renoncer à plus de 20% de ce qu’ils ont dépensé il y a si peu de temps, et les vieilleries qu’ils espèrent constituer des antiquités.

Et puis il y a les drôles et les émouvantes.

Le sobre « jamais servi » apposé dans la description des deux annonces se suivant proposant une alliance, une grande et une petite, toutes deux de même modèle. Quelques annonces plus bas, la mention « portée deux heures » sur une robe de mariée (même pseudo que pour les bagues) raconte une histoire bien triste. Le revanchard « cadeau malvenu » commente l’annonce d’un déshabillé noir taille 40 « jamais porté » ; un « prix ferme » sur un pot à lait à 3 euros laisse rêveur, un « sera vendu à un fan capable de l’apprécier à sa juste valeur uniquement » pour un DVD à 25 euros de je ne sais plus quelle chanteuse américaine évoque la peine du vendeur ou de la vendeuse à s’en séparer et le besoin d’argent qu’il doit avoir pour s’y résoudre.

Les annonces du bon coin racontent parfois des histoires dont on aimerait connaître la fin. La mamie à la vaisselle ébrêchée était-elle entourée ? Pourquoi ce mariage ne s’est-il pas fait ? Le fan de Britney pourra-t-il un jour se racheter ce DVD ou en aimera-t-il une autre d’ici là ? Le déshabillé était-il trop grand (injure suprême) ou le donneur un vendeur de peau d’ours ?