Combiner un opéra, une bouffe avec les copains messins et week-end en amoureux c’est déjà le top. Mais quand en plus vous connaissez le baryton qui chante Mackie le Surineur et que vous avez reçu son invitation à aller lui faire la bise dans sa loge après le pestacle, alors là c’est la classe !

C’était donc, vendredi soir à Metz, après sa création à Reims, la première de L’Opéra de Quat’ Sous sous la direction de Dominique Trottein et mis en scène par Bernard Pisani, une œuvre de Bertold Brecht et Kurt Weill (voir le dossier super complet sur ce site consacré à Brecht). Vous croyez ne pas connaître ? Je suis sûre que si, c’est plein de tubes, surtout la « Complainte de Mackie » (Mack The Knife), qui fut reprise d’abord par Louis Armstrong puis par Ella Fizgerald et bien d’autres encore.

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C’était aussi baptême d’opéra pour Biou et Hellgy. J’espère avoir bien fait passer le message sur le fait que malgré son nom l’Opéra de Quat’ Sous n’est pas vraiment représentatif de ce qu’on appelle communément l’opéra[1]. Pour en avoir une idée il faudra qu’ils y retournent en novembre par exemple, pour Lucia Di Lammermoor – Isabelle Philippe devrait y être très très bien – de Donizetti, voire en décembre pour La Perichole d’Offenbach, avec les mêmes metteur en scène et costumier que pour cet Opéra de Quat’ Sous[2].

Ils étaient curieux et peut-être un poil dubitatifs.

Tu crois que ça va être bien ?

Brecht/Weill – comme Offenbach même si pas tout à fait pour les mêmes raisons – est très difficile à mettre en scène et à jouer, pour les chanteurs comme pour les musiciens : il y faut un juste équilibre pour ne pas tomber dans la caricature. On a vite fait de sortir sa voix la plus gouailleuse, ses sons les plus rauques voire agressifs, de jouer à fond le registre de la chanson des rues mâtinée de chants révolutionnaires[3]. Brecht et Weill c’est aussi ça et leur œuvre est largement emprunte de marxisme pur et dur. Mais elle ne peut être réduite à ça. Si je déteste tant les mises en scènes de Savary des opéras d’Offenbach c’est qu’il est incapable de fournir quelque chose de plus subtil qu’une revue du Moulin Rouge pour illustrer une Vie parisienne.

Bernard Pisani, et avec lui Frédéric Pineau pour les costumes et Luc Londiveau pour les décors, mais aussi la direction musicale de Dominique Trottein, l’orchestre du Grand Théâtre de Reims et les interprétations des chanteurs ont su éviter ce piège et nous proposent une lecture qui ne renie pas l’esprit cabaret de l’entre-deux guerres mais sait nous montrer aussi musicalement et scéniquement des personnalités complexes, les instants de tendresse véritable de Mackie à l’égard de Polly, les déchirements de Brown entre la loi et sa loyauté, l’ambivalence de Jenny des Lupanars…

Les voix sont inégales, il me semble que les choix de casting se sont plutôt portés en général vers des acteurs qui chantent que vers des chanteurs qui jouent ; c’est sans doute à ces qualités premières d’acteurs que l’on doit aussi la palette des nuances que chacun a su mettre dans son interprétation et par là-même participer à la qualité du spectacle et au plaisir du spectateur.

Sébastien Lemoine – et je vous jure la main sur le cœur que je ne dis pas ça parce qu’il m’invite dans sa loge – nous offre un impeccable Mackie, timbre de crooner, puissance d’un réel chanteur lyrique, engagement théâtral. Je ne comprends pas que ce gars-là ne soit pas plus sollicité.

À part les deux bégueules coincés qui étaient au rang devant nous[4], le public semblait content et tout le monde a applaudi avec nous (oui je dis « avec nous » car j’ai bien fait gaffe à être la preums, le reste du public n’a fait que suivre ;-)) Quelques bravos sonores ont retenti, pour la plus grande joie d’Hellgy, que ça amusait beaucoup !

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Et puis quand vous connaissez le baryton qui chante Mackie le Surineur et que vous avez reçu son invitation à aller lui faire la bise dans sa loge après le pestacle, certes c’est la classe, mais quand ledit chanteur vous offre une jolie rose en se quittant alors là c’est la frime (je vais me gêner tiens) !

Merci

Mesdames et messieurs les Messins, surveillez donc le programme de l’année prochaine et les spectacles de l’équipe metteur en scène / décors / costumes. Quant à ceux qui voudraient venir écouter Sébastien Lemoine, on en recause d’ici quelques mois car il chantera le 6 novembre à Gagny. Et d’ici là vous pouvez consulter son agenda sur son site.

Notes

[1] Encore que je ne suis pas certaine qu’un consensus qui désignerait un opéra représentatif soit possible ; je connais des cinglés qui pourraient bien citer un Wagner…)

[2] Et là aussi on débattra longuement pour savoir si Offenbach est représentatif, mébon.

[3] N’est-ce pas, Lomalarch, que c’est bien difficile de marier tout ça ?

[4] Ils venaient manifestement voir une Traviata avec Callas mise en scène par Zeffirelli et se sont trompés de salle.