Il y a des mots qui déclenchent un afflux d’évocations à leur seule lecture. Radio est pour moi de ceux-là, sons et images se bousculent, l’enfance se fraye un chemin jusqu’au clavier, l’adolescence remonte le courant, les nuits en voiture toquent à la porte de la mémoire.

Le poste de radio sur le buffet de la cuisine, « Mamouth écrase les prix » clame-t-elle tous les matins sur Europe 1. Maman prépare des tartines beurrées avec de la confiture ou saupoudrées de chocolat. Je guette le moment où elle ira dans une autre pièce pour les jeter subrepticement ou je dis que je les mangerai en me préparant, je les emporte et je les cache sous mon lit. Je n’ai jamais faim le matin au réveil, jamais, mais « tu ne peux pas partir à l’école le ventre vide ». Les informations, le Général a fait ci a dit ça, coup d’État au Biafra, les enfants meurent de faim finis tes tartines.

Le poste de radio sur le coin de la table au diner. Les informations, le bruit des grenades lacrymogènes, les slogans des jeunes manifestants, « CRS SS », Maman ne s’est pas préparée pour la nuit comme d’habitude, elle est restée habillée. On regarde le téléphone, on sait qu’il va sonner, ma sœur appellera d’une cabine téléphonique pour qu’on aille la chercher au Quartier latin, comme presque tous les soirs quand elle commence à avoir trop peur. Je mettrai mon peignoir en nylon matelassé et je m’allongerai sur la banquette arrière en observant le clignotement dans l’habitacle de la succession des réverbères devant lesquels nous passons, je m’endormirai quand Michèle aura été récupérée et que nous serons sur le chemin du retour.

La radio dans la voiture en rentrant de quelques jours au ski avec des copains plus âgés. Pompidou est mort, ça n’est pas un poisson d’avril, on est le 2. Tu crois qu’il est mort hier mais qu’ils ne l’ont pas dit tout de suite pour qu’on ne pense pas que c’est une blague ?

La radio sur le coin du bureau, mon deuxième emploi, j’écoute tous les jours Le tribunal des flagrants délires à onze heures trente. À quinze heures j’écouterai À cœur et à Kriss, sa voix m’envoûte, son humour tendre me charme. Le reste du temps c’est FIP qui accompagne ma journée.

Les longs trajets en voiture, l’autoradio réglé selon l’humeur et l’heure sur France-Musique, Radio Nostalgie ou France-Culture. La nuit les enfants dorment tête bêche sur la banquette arrière, j’allonge mon siège et je m’endors aussi. Le jour, souvent, on chante avec la radio. Mes enfants connaissent les paroles de tous les tubes.

La radio en différé, les podcasts sur les trajets pour aller au boulot. Je n’accroche pas autant que mon entourage à cette forme-là. Il manque l’ingrédient du rendez-vous à heure fixe, les interludes des jingles, le flash info entre deux émissions, toutes ces choses agaçantes.

Notre tuner est hors service, on a installé hier une application radio sur le kodi.


Participation à Iwak.