Iwak #4 - Radio
Par Kozlika le dimanche 4 octobre 2020, 07:47 - Lien permanent
Il y a des mots qui déclenchent un afflux d’évocations à leur seule lecture. Radio est pour moi de ceux-là, sons et images se bousculent, l’enfance se fraye un chemin jusqu’au clavier, l’adolescence remonte le courant, les nuits en voiture toquent à la porte de la mémoire.
Le poste de radio sur le buffet de la cuisine, « Mamouth écrase les prix » clame-t-elle tous les matins sur Europe 1. Maman prépare des tartines beurrées avec de la confiture ou saupoudrées de chocolat. Je guette le moment où elle ira dans une autre pièce pour les jeter subrepticement ou je dis que je les mangerai en me préparant, je les emporte et je les cache sous mon lit. Je n’ai jamais faim le matin au réveil, jamais, mais « tu ne peux pas partir à l’école le ventre vide ». Les informations, le Général a fait ci a dit ça, coup d’État au Biafra, les enfants meurent de faim finis tes tartines.
Le poste de radio sur le coin de la table au diner. Les informations, le bruit des grenades lacrymogènes, les slogans des jeunes manifestants, « CRS SS », Maman ne s’est pas préparée pour la nuit comme d’habitude, elle est restée habillée. On regarde le téléphone, on sait qu’il va sonner, ma sœur appellera d’une cabine téléphonique pour qu’on aille la chercher au Quartier latin, comme presque tous les soirs quand elle commence à avoir trop peur. Je mettrai mon peignoir en nylon matelassé et je m’allongerai sur la banquette arrière en observant le clignotement dans l’habitacle de la succession des réverbères devant lesquels nous passons, je m’endormirai quand Michèle aura été récupérée et que nous serons sur le chemin du retour.
La radio dans la voiture en rentrant de quelques jours au ski avec des copains plus âgés. Pompidou est mort, ça n’est pas un poisson d’avril, on est le 2. Tu crois qu’il est mort hier mais qu’ils ne l’ont pas dit tout de suite pour qu’on ne pense pas que c’est une blague ?
La radio sur le coin du bureau, mon deuxième emploi, j’écoute tous les jours Le tribunal des flagrants délires à onze heures trente. À quinze heures j’écouterai À cœur et à Kriss, sa voix m’envoûte, son humour tendre me charme. Le reste du temps c’est FIP qui accompagne ma journée.
Les longs trajets en voiture, l’autoradio réglé selon l’humeur et l’heure sur France-Musique, Radio Nostalgie ou France-Culture. La nuit les enfants dorment tête bêche sur la banquette arrière, j’allonge mon siège et je m’endors aussi. Le jour, souvent, on chante avec la radio. Mes enfants connaissent les paroles de tous les tubes.
La radio en différé, les podcasts sur les trajets pour aller au boulot. Je n’accroche pas autant que mon entourage à cette forme-là. Il manque l’ingrédient du rendez-vous à heure fixe, les interludes des jingles, le flash info entre deux émissions, toutes ces choses agaçantes.
Notre tuner est hors service, on a installé hier une application radio sur le kodi.
Commentaires
Retour dons le passé
J’ai la chair de poule en te lisant. Très très, très !, émouvant ton “Radio Days”…
J’ai fait trois photos illustrant les trois premiers jours de #iwak (en fait, en prenant tes textes comme point de départ, comme si c’était un diptyque) que je vais publier sur twitter ; et je vais les publier aussi sur mon compte instagram, mais en rajoutant un petit texte propre comme légende (comme si c’était l’autre partie du diptyque). Donc, les règles adaptées comme je veux pour que ce soit complètement #nawak, en fait.
Si je veux continuer à prendre tes textes comme point de départ (je n’ai pas encore décidé de garder les mêmes règles tout le mois !), je vais avoir du mal à illustrer ce billet-ci !
(Je posterai par ici et sur twitter les liens).
Ce matin au petit déj je pensais vaguement au mot du jour et oui, c’est le passé et ses infos qui me sont revenues. Très très joli billet.
Oh c’est une super idée Pablo ! Vive le #nawak et n’hésite pas à piocher chez d’autres participant·e·s si c’est plus inspirant. Je vais suivre ça avec attention !
Cunégonde : oui, il y a des mots-madeleine comme ça :)
Luce : frangiiiine décidément :)
Je l’ai pris par un autre angle finalement, “désamour et amour de la radio”
Très joli billet, j’adore comme tu arrives à convoquer des émotions à travers une scène anodine de préparation de tartines (aaaah les tartines beurrées avec du cacao en poudre!)
Un joli brin de nostalgie nous a saisis quand il a fallu écrire à propos de radio. En te lisant puis en me remémorant des moments pour ma participation. Ce que j’aime la radio ! Et ton évocation la rend émouvante, indispensable.
Merci Séverine et Laurent, je vais aller lire les vôtres maintenant et ceux de Luce et Cunégonde. C’est chouette de partager encore <3
Nous sommes vraiment des enfants de la radio. Qui rythmait notre journée, et souvent l’humeur des adultes (l’angoisse de la Guerre d’algérie…).
Je ne vis pas sans radio, impossible. J’aime le direct, les rendez-vous. Et comme toi j’ai été un peu perplexe devant le déferlement des Podcasts. Mais j’y prends goût.
Merci pour ce billet.
Anita, oui c’est vrai, c’est frappant !
J’ai des souvenirs très forts liés à la radio, d’ailleurs j’ai rêvé longtemps d’y travailler. Même si souvent, ce que j’y entends me donne envie de m’arracher les cheveux !
J’adore ce texte, dire que la radio a rythmé les 25 premières années de ma vie et que maintenant elle en a presque disparu. Ca me rend presque nostalgique, tiens.
J’ai publié une photo et mon texte – un peu tristounet – pour le mot “Radio” sur mon compte Instagram @pablo_nsn :
https://www.instagram.com/p/CGBGCpD…
Sur mon compte Twitter @PabloNSN, j’ai encore illustré ton billet (mais avec une photo DIFFÉRENTE – j’ai décidé de modifier légèrement mes propres règles du jeu et je m’interdis le crosspostage des photos) :
https://twitter.com/PabloNSN/status…