Papa dans le métro
Par Kozlika le vendredi 5 août 2005, 19:51 - Lien permanent
Je me demandais depuis hier par quelle drôle d'association d'idées j'en étais venue à proposer de raconter « comment mon papa-à-moi est devenu un personnage de roman ». C'est jf à l'instant qui me le fait comprendre : « y'avait pas grève et tu as pu prendre le métro suivant », conclut-il. Bon sang mais c'est bien sûr ! l'association d'idées c'est le métro !
Et puis cette histoire de papa héros me trottait dans la tête à cause du billet de Samantdi (Chacun cherche son papa) qui comme souvent trouve en moi des échos lorsqu'elle évoque son père.
Mon père était parti de Lituanie tout petit avec ses parents et ses frères et sœurs pour fuir les pogroms. Elevé à Paris, il faisait partie de ces dangereux bilingues pas encore repérés par Bénisti qui n'était pas né. Extrêmement dangereux polyglotte même, puisque son père et sa mère, quoique nés tous deux à Vilnius étaient l'un polonais, l'autre russe, parlaient ces deux langues mais surtout le yiddish à la maison. La famille vivait dans le Marais, pas encore envahi par les dangereux gay-priders à cette époque.
En quelles circonstances est-il devenu traducteur chez Gallimard, je n'en ai pas d'idée, d'autant qu'il ne s'agit là que de l'un des nombreux métiers qu'il a exercés, après avoir vendu sa thèse[1] dans l'optique de partir s'installer en Amérique du Sud, puis changé d'avis pour s'engager dans les Brigades internationales, puis vendu des pelisses, devenu correcteur (si si !), monté une entreprise de recyclage de plastique et je ne sais quoi encore, l'objectif principal étant de changer d'activité dès que ça devenait ronronnant.
A un moment en tout cas, dans les années 50, il fut traducteur pour Gallimard et fréquentait Saint-Germain. C'est ainsi qu'il fit connaissance avec des tas de gens dont Raymond Queneau, auquel il devait raconter autant d'histoires rocambolesques qu'à ma mère plus tard. L'histoire ne dit pas si Raymond tomba raide dingue de mon Popa mais ce qui est sûr c'est qu'il tomba raide dingue de son nom et qu'il répétait qu'avec un nom pareil il était indispensable de figurer dans un roman. « Chauffeur de taxi », répondit mon père, tous les chauffeurs de taxi sont russes. Non non, répondit l'autre en substance, c'est d'un banal affligeant.
Mais chauffeur tout de même. En 1959, paraissait Zazie dans le métro, que j'aime bien citer quand l'occasion m'en est donnée. Un tout petit rôle hein, allez pas croire ! mais ça ne va pas m'empêcher de frimer. Fedor Balanovitch, le guide touristique trimballant son troupeau de touristes en autocar, c'est lui (Balanoff en vrai mais Balanovitch ça sonnait mieux il paraît - quoique cette déclinaison soit impropre mais ne chipotons pas).
Puis l'année suivante, c'était l'année de ma naissance... et de celle du film de Louis Malle avec Philippe Noiret et Catherine Demongeot (et Nicolas Bataille[2] dans le rôle de mon père Fédor).
Allez savoir si sans cette anecdote je serais quand même devenue fan de la bande à Queneau et des oulipiens ?
Voilà, Vroumette je t'avais prévenue que ce n'était rien de grandiose, mais une promesse est une promesse ! La prochaine fois je vous raconterai comment mon ami Marcel est devenu un héros de bande dessinée. Wé, en vrai.
Commentaires
Magnifique et passionnant ; quand la réalité est le plus beau des romans...
Et quand est-ce que tu racontes que dans un autre film il y a la fille à ton papa ?
Jolie histoire. Touchante.
Xave, traître ! ;-)
J'ai rien dit, moi ... Je pose des questions, c'est tout.
Wouahou ! Un papa dans Zazie, c'est effectivement la très grande frime...
Ouahhh. Merci Koz. Ca valait largement une note et tu peux faire la craneuse, ça le fait. La prochaine fois que je te fais une bise, je ne me lave plus la joue et je raconte à tout le monde que j'ai rencontré la fille du papa qui a joué dans "Zazie dans me métro" (yaih, j'me la pète).
J'aime bien ces petites anecdotes. Un personnage de roman quoi. Bises et bonnes vacances (repos largement mérité).
Quelle jolie histoire !
Oui vivement Marcel est devenu héros de BD !!
dingue, je l'avais pas lu çui-là (2005, pour moi, c'est la préhistoire de la bloguitude) (ou alors je l'avais oublié, mais tout de même je ne crois pas)
ça me fait rire mais en même temps ça ne m'étonne pas : que tu sois la fille du modèle du Fédor dans Zazie, c'est parfaitement logique (logique de roman, certes, mais n'est-ce pas de cela qu'il est (était) question ?
Hé hé, Agaagla, tu te balades au grenier ?
J'aime bien quand on fait ré-emerger des vieux billets ;-)
j'aime bien les greniers, à mes heures (de sommeil) perdues... je ne saurais même plus dire par quels méandres je suis tombée sur celui-ci après quelques autres.
(d'ailleurs en 2007 y avait des liens cassés dans les histoires de la tante barrée, en 2010 j'en ai trouvé d'autres, mais ce n'est pas urgent : c'est en cherchant par les archives que je me suis baladée, ça a du bon parfois le hasard)