Ce n’est pourtant pas faute de connaître le sens très sudiste des proportions de ma cyberjumelle, surtout depuis que j’ai connaissance que ce syndrome méditerranéen est dûment répertorié par de sérieux scientifiques. Alléchée par la description somptueuse des reflets chamarrés auxquels Samantdi avait renoncé au profit d’une uniforme couleur noisette grillée – fort seyante au demeurant – je m’étais mis en tête de les adopter pour la mienne, de tête. C’est ainsi que cet après-midi je me dirigeai d’un pas sautillant vers l’eldorado des coloristes automnaux de la ville rose, accompagnée de ma mentoresse. « Faites-lui donc la couleur dont je n’ai pas voulu l’autre jour », babilla ma cyberfrangine en s’évaporant sur le seuil en direction du cirque où elle devait accompagner ses petits vampires.

Confortablement carrée devant le miroir à regarder la jeune fille manipuler pinceaux, bol empli d’une mystérieuse pâte blanche (ce doivent être des couleurs sympathiques, me dis-je in petto), feuilles de papier d’aluminium soigneusement repliées sur des mèches artistiquement prélevées selon un ordre quinconcial rigoureux devant donner toutes apparences de l’aléatoire, je projetais un millier de pensées positives nourries de l’anticipation des « ah » et des « oh » que ne manqueraient pas de susciter la richesse de mes futurs reflets fauves.

La reine n’était pas ma cousine.

À l’heure ou sonna (enfin !) la fin de la pause – celle de la jeune fille et celle de ma couleur –, lorsque les premiers papiers d’argent tombèrent au sol, la carotte ne flambait pas encore. C’est normal, pensai-je, c’est toujours plus sombre quand c’est imbibé. Au bac. Les yeux fermés il est encore temps d’imaginer le mariage de la carotte et de mon pull orange, le tout surplombant le tomber bouffonnant de ma nouvelle robe chocolat.

Il me sembla, revenue devant le miroir, que la teinte flamboyante ne jetterait probablement toute sa lumière qu’une fois les cheveux séchés. Pour l’heure, le coiffeur favori de Samantdi jouait du ciseau dans mes mèches, dégradant ici, égalisant là.

Las, il fallut bien se rendre à l’évidence, de flamme ni de feu il n’y aurait, de carotte s’il y en eût elles avaient été carbonisées avant que d’atteindre ma chevelure, quant à la citrouille je n’en vis d’autre que le carrosse dans lequel mon hôtesse m’avait amenée ici. Châtaigne, certes, mais accommodée de pain brûlé et de biscottes. Joli, certes, mais bien différent de ce à quoi je m’attendais en pénétrant dans le Lieu Saint.

Ne pouvant croire à la tromperie de ma sœur de lait cybernétique, je déduisis de tout ceci un axiome : ce qui rend aux filles la chevelure châtaigne, carotte et potiron, outre les poudres et onguents des coiffigiciens c’est le soleil dans les yeux, la malice dans les boucles et la chanson dans la voix.