Le prélude et la scène des sorcières (ah, l'orage, j'y étais) sont magnifiques et je pénètre sans mal dans un château écossais rempli de fantômes et créatures fantasmagoriques. En fait, l'apparition des sorcières ne me surprend pas. C'est logique, il fallait s'y attendre. Une musique comme ça n'annonce pas l'arrivée de... disons Lakmé ;-). Les deux vaillants guerriers sont inquiets alors vous pensez, moi... Ouf, une scène avec une femme. Un peu de douceur dans ce monde de brutes... Euh... cépa ça, cépa ça du tout du tout. La fermeté, la résolution avec laquelle elle bâtit l'avenir de son mari - le sien - sur le meurtre du gêneur, toute cette scène ne laisse guère de place au doute, ce n'est pas un fantasme, c'est un projet. Macbeth n'essaie même pas de discuter. D'ailleurs, il en crève d'envie lui-même. Il doit être bien soulagé de sembler obéir à Madame. Tous les mêmes...

C'est génial de Verdi de l'avoir fait commencer par la lecture de la lettre. Vous croyez que vous n'êtes qu'à l'opéra ? Détrompez-vous, ce n'est pas dans le beau chant que la Prima Donna se présente à vous. Vraiment génial. Et puis quand l'aria arrive, on se dit que les prophéties des sorcières approchent de la berceuse en comparaison ! Pif, paf, en deux coups de cuiller à pot, le meurtre est décidé, le roi arrive, le roi est mort. (Super l'arrivée du roi, tant de contraste avec la scène précédente et la suivante). Le monologue de Macbeth le montre déjà hagard. A ce moment-là, le choix n'existe déjà plus. Est-ce sa conscience qui se rebelle ou sa raison qui trouve une échappatoire ?
Le duo qui suit me plaît beaucoup. J'ai l'impression qu'il y a plein de trucs là-dedans et que je n'ai pas tout capté. C'est dense. A réécouter encore et encore. (Lady manifesterait-elle une once de pitié ou ai-je projeté ?)
Quant au finale du premier acte, aaaaaaaah, je défaille, une splendeur, la force violente du début de l'ensemble, la suavité atroce de la fin...

Au deuxième acte, le prélude nous rappelle que Macbeth dégage en touche, c'est pas moi c'est ma femme ! Ce qui ne l'empêchera pas de proposer le premier de liquider Banco et son fils. Quand on est dans la forêt, on "reconnaît" la musique, évoquant celle du début, avec l'apparition des sorcières. Sans cesse d'ailleurs, tout le long de l'opéra, des échos d'une scène à l'autre, d'un acte à l'autre : le thème de la forêt, de Lady, des sorcières, etc. Puis vient l'incroyable Brindisi !! Vous reprendrez bien une petite coupe de sang ? Macbeth, décidément salaud fragile, doit encore être chapitré par son épouse pour ne pas s'effondrer. Et le finale, cette fois-ci aussi est très fort. Le troisième acte permet de respirer un peu (enfin : au début). Je trouve les sorcières et la musique surnaturelle qui les accompagne, finalement assez reposantes. Après tout, des sorcières qui sorcellent, tout est bien rangé-trié-classé... J'adore les trois apparitions et le tonnerre et les éclairs. Je suis littéralement transportée dans la forêt des sortilèges. Encore une fois Macbeth est ébranlé, une fois de plus Lady lui remonte les bretelles - avec efficacité le voilà dans leur dernier duo complètement reboosté. Le quatrième acte est une sorte de retour vers l'humanité - ou vers la morale, c'est selon... D'abord Macduff, Malcolm, les Ecossais, "normaux" - et l'air de Macduff est une splendeur - et puis la contesse, à la voix aux antipodes de celle de sa maîtresse et pleine de compassion, le médecin effrayé comme nous le sommes par ce qu'il entend, et Lady elle-même. La scène de somnambulisme est vraiment stupéfiante. Plus humaine qu'on aurait pu le croire, Lady meurt de son remords, tandis qu'il faudra une hache pour liquider Macbeth. Cette scène est vraiment impressionnante parce que tout à coup la voix est moins aigre, moins coupante, presque douce et en tout cas poignante. J'ai mal pour elle.

Pour moi l'opéra s'arrête un peu là. La suite c'est dirait-on pour que la morale soit sauve et la fameuse page "ce qu'il advint des personnages" des romans... du XIXe ;-) En happy end le choeur final annonce des lendemains qui chantent. C'est musicalement magnifique mais dramatiquement superflu (à mon avis). Voilu, voilà, à chaud et sans filet mes impressions au sortir du casque...

(VERDI – Macbeth - Direction : Claudio Abbado - Orchestre et Choeurs de la Scala. Capuccili, Ghiaurov, Verrett, Malagu, Domingo, Savastano, Zardo, Foiani, Mariotti, Fontana. Deutsche Gramophon, 1976.)

Note. - Ce billet est un recyclage de mon bref passage chez TypePad. Les 4 premiers commentaires sont également issus de cette première publication.