1986:26 nucléaire
Par Anna Fedorovna le mardi 28 novembre 2006, 22:16 - Mes petits cailloux - Lien permanent
Avril 1986. Tchernobyl. Tchernobyl, c'est au bord du Dniepr, j'ai déjà entendu parler de ce fleuve, j'ai lu le Chant du Dniepr de Zalman Shneour, traduit par un certain Fred Midal, pseudonyme de Fedor Balanoff. Je n'ai plus ce livre, où et comment s'est-il perdu ? Je me concentre sur cette question, le 28 avril 1986. Impossible de m'en souvenir.[1] Je me concentre sur ce souci de famille nucléaire.
Comme tout le monde, l'inquiétude. Comme tout le monde l'impression qu'on me prend pour une conne avec le danger miraculeusement stoppé par les frontières françaises. La ligne Maginot des retombées. Lorsque j'apprends la nouvelle, je refuse d'y croire. Je serai plusieurs jours à éviter de regarder la télévision ou écouter les infos parce que je n'ai pas envie de savoir que la Terre pourrait disparaître comme ça, aussi incroyablement facilement qu'une centrale mal construite ou mal surveillée. Ou un fou avec son gros bouton rouge aussi et l'autre fou d'en face qui s'empressera de répliquer.
Si ma propre mort me terrifie ce n'est rien en comparaison du gouffre vertigineux que représente pour moi l'inéluctable disparition du genre humain, un peu plus tôt ou un peu plus tard selon qui gagnera de la folie des hommes ou des lois de l'astrophysique. Est-ce l'une des raisons qui me font aimer la science-fiction ? Peut-être bien tiens. Un autre futur possible. En tout cas cette disparition-là, l'ultime, je ne peux pas m'attarder à y penser trop longtemps sous peine d'être plongée dans une réelle crise d'angoisse.
Et c'est pour ça que mon billet fut vite rédigé, sera court, et vite vite un autre demain :)
Notes
[1] Tiens, j'en retrouve la trace d'un exemplaire en rédigeant ce billet, mazette, mon papa vaut de l'or ! ;)
Commentaires
Je me demande si je ne suis pas plus terrifiée par l'idée de survivre, en cas de cataclysme nucléaire. Un monde repeuplé par les riches et prévoyants possesseurs d'abri anti-atomiques? Hum...
Et en cette même année 1986, on a (comme par hasard bien sûr) bénéficié d'un hiver assez spécial pour ma région (bouche du rhone): il a assez neigé non seulement pour que ça tienne mais aussi pour qu'on puisse faire un bonhomme de neige.
Il y a encore, dans la région de Tchernobyl des familles qui vivent dans un environnement contaminé. Il y a encore dans le nord de la Norvège des éleveurs de rennes qui consomment de la viande contaminée.
Et nous sommes en 2006, vingt ans plus tard !
Je pourrais vous en parler pendant des heures.
Pourquoi ai-je l'impression que le passage du nuage radioactif voilà 20 ans est désormais bien réel dans ses funestes… Désormais la vague épidémique de cancers… Est très présente…
Mais personne n'en parle. On interdit ici le tabac… Comme parade assez dérisoire… Personne ne dit rien. Les média ne disent rien. Les médecins ne disent rien. Silence étourdissant.
@Kozlika :
Franchement, tu ne devrais pas ; fais comme moi : ta propre mort ne me terrifie pas du tout ;-)
Comme quoi tout est relatif...
@Raaaaaaaaaaah Franck :j'y crois pas ! Koz te dit que ça l'angoisse et tu en remets une couche, ralalala, nan mais j'te jure !
Ce dont je me rapelle, c'est de mon angoisse liée à ce nuage et de mes parents me disant le plus sérieusement du monde "Nan,nan,ne t'inquiète pas ma chérie,ils dit à la télé que lenuage s'était arrêté aux frontières. Ilsl'ont dit à la télé". Je n'avais que quinze ans,mais là,j'ai commencé à avoir des doutes quand même...pourtant ils avaient l'air intelligents mes parents !
Vroumette, c'est seulement que je travaille dans le domaine de la radioprotection depuis 18 ans et que ma boite est impliquée dans la gestion de cette situation post-accidentelle depuis presque 15 ans, en Biélorussie et en Norvège.
Obni, il n'y a pas de vague épidémique de cancers (de la thyroïde), au moins pour la France.
C'est marrant, a cette époque, j'avais 3 ans, et tout ce dont je me souviens, c'est que mon pere a détruit le semblant de petit potager qu'il avait construit au fond du jardin, parce qu'il était devenu "dangereux". Un peu plus tard, j'ai compris pourquoi, et j'ai aussi compris que mes voisins regardaient un peu trop la télé: ils continuaient à faire pousser des legumes et les mangeaient. En 88, on a appris que la fille de nos voisins était née avec un seul rein. Depuis ils mangent des surgelés.
(au sujet du bouquin : euh il n'y aurait pas une erreur de virgule ? qu'est-ce qui ferait qu'il coûte si cher à part la qualité du travail de Papa Kozlika (mais enfin bon quand même quoi plus de deux cents euros le livre (ou alors c'est toi la vendeuse et que tu aurais décidé avec le produit de la négociation de t'offrir l'intégrale passée présente et future de Natalie Dessay)?))
au sujet de Tchernobyl : oh et puis non, ça serait trop long et puis ça remuerait de trop atroces souvenirs de la fin du monde.
Gilda, le bouquin est épuisé et il s'agit-là d'une édition originale si j'ai bien compris, d'où probablement le prix si élevé.
Comme Anita, c'est l'idée de la survie après un cataclysme qui me terrifie ; pas la mort violente. Brrrr.
moi aussi je suis resté incrédule en regardant à la tv des experts nous dessiner sur la carte la ligne sur la frontière française ou pile poil les machins choses radioactifs, bah ils s'arrêtaient tout seul ! plus fort que Garcimore :o) c'est juste pour détendre l'atmopshère :o)
J'attendais mon premier enfant quand la catastrophe est arrivée, et cela m'a plongée dans des abîmes d'angoisses dont je ne suis jamais tout à fait ressortie, et qui ont probablement accentué le babyblues après la naissance. Evidemment ce qui nous angoisse, c'est le subtil mélange des causes réelles et tangibles : la catastrophe, ses possibles retombées, et ses suites qui nous sont plus ou moins connues, tout ce que l'on peut imaginer qui nous est inconnu, et toutes les autres causes obscures liées à notre histoire personnelle et nos peurs enfouies. Ma propre mort ne me terrifie guère : je vis avec depuis longtemps ; la disparition de l'humanité me terrifie davantage, mais je prends un autre point de vue à l'instar d'une blogueuse qui écrivait "c'est rassurant de penser que tout cela va s'arrêter un jour".