Et puis un jour, on ose relever la tête. Enfin, pour moi, cela s’est traduit comme cela : j’ai commencé à arpenter la vie en ne contemplant plus le sol, courbée que j’étais sous le poids de mon encombrant boulet, mais redressée, regardant les autres dans les yeux, et l’horizon vers lequel j’allais... Il m'a fallu longtemps, bien après l'entrée dans l'âge adulte.

Il a fallu que je m'accepte telle que je suis, que je ne cherche plus à tricher, honteuse, cherchant à me fondre dans le décor, mission impossible. La pratique du sport m'a beaucoup aidée, se sentir bien dans son corps, l'utiliser pleinement est la première étape. En faire un allié au lieu d'un ennemi. Retrouver dans la salle d'entraînement d'autres femmes, reconnaître en elles des sœurs de misère qui avaient transformé en atout leur boulet, m'appuyer sur elles, sur leur regard qui se portait sur moi droit dans les yeux, enfin face à face, front contre front. Puis en faire de même avec les autres, tous les autres.

Tant pis si eux doivent pencher la tête en arrière pour me rendre mon sourire ultra-brite. Deux mètres vingt-deux de fierté nouvelle valent bien quelques torticolis de mes interlocuteurs.

(Sablier du printemps, amorce 8)