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Mes petits cailloux

Parce que je préfère qu'ils soient lus dans l'ordre où ils ont été écrits, ces billets sont présentés dans l'ordre chronologique de leur rédaction, soit de 2006:46 Fille à 1960:00 Jésus et moi.

Après ce billet évoquant ma naissance, j'ai ensuite choisi de rebrousser chemin et c'est ainsi qu'après 1960:00 Jésus et moi j'ai poursuivi avec 00:1960 Garçon et que je remonte actuellement les années qui me mèneront de nouveau à aujourd'hui.

Fil des billets

vendredi 16 novembre 2007

4:1964 - Parfois les parents mentent, heureusement pas les miens

Il me faut revenir à Gribouille. C'est la perte de Gribouille qui m'a fait la première fois prendre conscience que la parole des adultes n'est pas d'or. J'ai eu la chance que cette découverte ne concerne pas mes parents (eux ils ne mentaient jamais, je n'en doutais pas) et finalement ça m'a peut-être fait une préparation à la découverte ultérieure que même eux ?

Que des adultes mentent, c'était déjà énorme. Qu'ils mentent à un enfant me révolta plus encore : c'est qu'on compte sur eux pour pour certifier la Vérité nous !

En cette période qui commence à puer fleurer Noël et son gros bonhomme rouge, je me demande souvent, moi qui n'ai jamais cru au Père Noël, quel effet ça fait quand on découvre que nos parents, toute notre famille, tout le monde en fait, nous ont baladés avec cette histoire à dormir debout, qu'on a été victime d'un complot d'ampleur quasi planétaire.

Je sais que pour ma sœur ça a été un drame dont à près de soixante ans elle parle encore avec une pointe de, oui je crois, une pointe de rage. Sans aller jusqu'à la rage, ma fille s'indigne que j'ai osé lui faire croire qu'elle pouvait me révéler quel cadeau elle m'avait préparé pour mon anniversaire. Elle bouillait tellement de m'en faire part tout en souhaitant que la surprise reste entière que je lui avais dit qu'il lui suffirait de souffler et passer la main sur mon front pour que le souvenir s'en efface.

dimanche 25 novembre 2007

5:1965 Lectrice

Ai-je appris à lire seule ou avec mon père ? Ma foi, je ne m'en souviens fichtre pas. Mais je sais en revanche qu'à l'appetit curieux du plaisir qu'on semblait prendre autour de moi à telle activité s'ajoutait l'ardent désir d'atteindre la noblesse du statut de Lectrice. Aux lecteurs (lectrices en l'occurrence) on accordait le privilège d'interdiction de déranger, l'heure du repas pouvait être légèrement différée pour cause de chapitre à finir, les restrictions de budget s'arrêtaient au seuil des librairies, ou plutôt les achats s'alignaient dans la colonne du nécessaire, priorité numéro trois après manger et payer-le-loyer.

Mes premiers pas seule dans la ville furent pour aller au bibliobus puis à la bibliothèque municipale, choisir l'un de ces livres, presque toujours dotés d'une reliure épaisse tissée gris ou rouge. Le tampon de la bibliothèque figurait sur leur première page intérieure, parfois bien aligné, parfois tout de travers ; un bout de carton collé en diagonale dans le coin inférieur droit de la troisième de couverture accueillait une fiche remplie de noms avec la date de sortie et la date de retour. La bibliothécaire inscrivait le mien à leur suite et conservait la fiche dans une enveloppe à mon nom rangée dans une boîte à fiches en bois. Je prenais toujours le temps de lire tous les noms, examiner les dates, calculer combien de temps mes co-lecteurs s'en étaient repus, retrouver un nom croisé à d'autres emprunts. Plus encore qu'inaugurer la fiche d'une nouvelle acquisision, voir mon nom s'ajouter à une longue liste me remplissait de fierté : moi aussi je suis de ce monde-là, je suis dans le clan des lecteurs.

Lire, soit. La technique est aisée, mais elle ne suffit pas à faire de vous une Noble Lectrice. La Noble Lectrice, il ne fut pas besoin de me le dire pour que je le comprenne, lit des vrais livres. La lecture de magazines, de bibliothèque rose ou verte, de romans photos, de bandes dessinées peut se révéler distrayante – quoique le plus souvent abrutissante, bêtifiante, fadaises-ante – mais n'accorde aucun statut privilégié (ne pas déranger, heure du repas, attribution de fonds discrétionnaires).

La pose de la première étagère à vrais livres dans ma chambre me remplit de fierté, comme le furent chacune des suivantes : « je n'ai plus assez de place pour ranger tous mes livres », voilà qui vous donnait du lustre et du galon. Le souvenir précis de cette artabane fierté me fait aujourd'hui encore sourire quand j'entends l'accablement de tel ou telle au sujet des livres qu'on ne sait plus où mettre, d'étagères qui croulent, de planchers envahis, de couloirs où l'on se faufile entre les bibliothèques. Allons allons, accablement, vraiment ? Que ne les jetez-donnez-vendez-vous ? Ai-je tort de reconnaître en eux la petite fille qui se vante de la seule richesse honorable du peuple de gauche ?

mercredi 28 novembre 2007

6:1966 Vive la politique !

Septembre (?). Maman et Cassandre m'emmènent à une grande fête, très très grande. Il y a des baraques à frites et des baraques à pommes d'amour, et puis aussi des grandes tables où on sert du vin et où on peut s'asseoir pour déballer les pique-niques. C'est un peu comme à la Foire du Trône mais sans les manèges ni les stands. Enfin si, il y a des stands, mais avec des affiches qui ne servent pas de cibles pour les fléchettes et des objets qui ne sont pas pour le chamboule-tout (j'ai demandé).

Il y a de la musique aussi, dans les stands, des tas de musiques différentes avec des gens qui parlent des tas de langues. Maman m'explique que ça s'appelle « la Fête de l'Huma ».

« C'est quoi luma ?
– C'est l'abréviation de l'Humanité.
– Ah oui ! Le journal des croissants !
– Voilà, c'est ça.
– Mais on fait quoi, là ?
– Eh bien on fait la fête tous ensemble, ceux qui aiment bien le même journal que moi. Et on se rencontre avec ceux qui habitent dans d'autres villes ou dans d'autres pays et qui pensent pareil. On discute. »

Eh ben ça alors ! Maman a des camarades dans plein de pays ! Qui voyagent rien que pour la rencontrer !! Je tourne sur moi-même, aussi loin que je vois, c'est une forêt de jambes. Ça ne m'étonne pas qu'elle aie beaucoup d'amis parce qu'elle est vraiment très belle et très gentille. Mais autant, alors là même moi j'aurais pas cru !

« Dis donc, tu as beaucoup d'amis ! Tu es une vedette !
– Non pas tout à fait des amis, des camarades politiques. Ça veut dire qu'on est d'accord sur beaucoup de choses mais pas forcément qu'on aurait envie de se raconter nos petits secrets ou passer des vacances ensemble. »

C'est quand même un peu compliqué les adultes. Si on est d'accord sur beaucoup de choses, c'est bizarre de pas être d'accord sur la maison où aller en vacances !

Enfin, c'est pas grave. Je suis bien contente d'être là parce qu'il pleut. Et comme il pleut j'ai pu mettre mon nouveau ciré en vichy noir et blanc en forme qui s'agrandit en bas avec le col rond en velours noir. Et j'ai un joli parapluie transparent. Cassandre fait une photo avec son nouvel appareil. Maman ne pensait pas qu'il pleuvrait. Elle n'a pas son ciré mais elle a le foulard en plastique qui se déplie. La plupart des dames sont moches avec ça, mais pas Maman, qui est toujours magnifique. Et qui a plein d'amis. Ou de camarades comme elle dit.

Ça fait floc floc quand on marche dans la boue, c'est drôlement amusant la fête de Maman ! J'ai un cornet en papier avec des frites et une saucisse, c'est pas pratique avec le parapluie mais je me débrouille. Mes cheveux sont tout mouillés parce que je n'arrive pas trop à maintenir le parapluie au-dessus de ma tête en mangeant. Mais ça ne me gêne pas, j'ai les cheveux tout courts, je sais que ça va vite sécher, et puis d'habitude quand il pleut on rentre tout de suite et on ne marche évidement jamais dans la boue pour pas salir nos chaussures, alors que là, comme Maman ne veut pas quitter ses amis camarades, je peux en profiter !

J'adore la fête de l'Huma ! J'adore la politique ! Quand je serai grande je ferai plein de politique et j'aurais autant d'amis (zut, crotte, non, de camarades) que Maman !

A un moment, je comprends qu'il y a une dispute entre des étrangers dans un stand et des Français. Evidemment, Maman va voir (peut-être pour leur dire de ne pas gâcher sa fête ?). Il y en a un, un étranger, qui dit : « Vous n'étiez pas tous là. Certains d'entre vous ont laissé faire Vichy pendant que les camarades se battaient chez nous, ne refaites pas l'histoire ! » Alors là, ça crie vraiment. Et moi ça m'inquiète :

« C'est pas bien le Vichy ?
– Non. »

Maman a l'air un peu moins gaie que tout à l'heure.

« Ah. Et, c'est très très grave, le Vichy ?
– Oui. »

Et elle dit à Cassandre : « Le pire, c'est que c'est vrai. »

Et alors là, moi je panique carrément :

« Dis Maman, alors ton camarade il veut que je rende mon ciré au magasin ? »

vendredi 7 décembre 2007

7:1967 Oh purée !

Maman travaille. Les jeudis je vais au centre aéré, soit celui de la ville, soit près du travail de Maman parce que je suis trop petite pour rester toute seule toute la journée. Mais il y a des jeudis où Papa peut venir déjeuner avec moi et rester un moment avec moi l'après-midi. Ou alors quand je suis malade et que je reste en peignoir à la maison il vient des fois aussi. Avant Maman cherchait une dame pour me garder mais maintenant je me garde toute seule et un peu Papa.

Ces jours-là c'est moi qui fais le déjeuner. Papa il ne sait pas. Il ne sait pas faire les courses non plus alors il n'aime pas quand Maman lui demande de nous rapporter une baguette pour le dîner pour qu'elle n'aie pas besoin de ressortir. Ou peut-être qu'il ne veut pas faire des courses qu'il ne mange pas vu qu'il dîne toujours chez Boris. Quand c'est jeudi il m'emmène parfois au restaurant mais souvent (et aussi quand je suis malade) on mange à la maison. Moi je sais bien faire à manger. Surtout le riz. Bon, en fait je ne sais faire que le riz. Mais très très bien et Papa me complimente toujours parce qu'il ne mange nulle part ailleurs du si bon riz.

Pour cuire le riz il faut mettre de l'eau à bouillir dans une grande casserole avec un peu de sel. Papa s'assied sur le tabouret en face de la cuisinière, le dos appuyé au mur, et il surveille qu'il n'y a pas de souci avec le gaz et que je ne vais pas me brûler. Quand l'eau bout je jette le riz dedans et je compte vingt minutes (papa m'aide et on compte combien de temps si on avait un accélérateur qui ferait bouillir l'eau deux fois plus vite ou si le fond de la casserole était percé et qu'on devrait remettre de l'eau froide pendant que ça cuit). Au bout des vingt minutes, il faut tout verser dans la passoire. L'eau passe par les trous et il reste que le riz !! Hop un peu de jus de viande que Maman a gardé dans une boîte, ou du gruyère que je frotte contre la râpe et on déjeune.

Une fois je suis malade et Maman trouve que c'est pas une bonne idée de manger tous les jours du riz. Alors comme elle a fait une purée le soir elle me dit : « J'en ai fait plus, comme ça demain vous pouvez vous la faire réchauffer, ça changera du riz. » Ouch ! Alors là de la purée je sais pas si je saurais ! Mais elle me dit que c'est facile : je mets la purée dans la casserole, j'ajoute un peu d'eau parce que demain elle aura un peu durci et voilà.

Le lendemain c'est l'aventure. Papa est très content de cette nouvelle expérience. Pour le gaz, fastoche c'est comme d'habitude. Je verse la purée dans la casserole. Elle a l'air un peu perdue dans le récipient mais je ne sais pas si c'est embêtant. Ah et puis oui elle est dure. Versons de l'eau. « Un peu » elle a dit. Donc moins que pour le riz, mais combien ? En tout cas je sais que l'eau s'évapore, donc si je mets trop peu d'eau ça ne va servir à rien, tout va s'envoler et la purée être plus dure encore. Allez hop, deux, non trois verres.

Aïe, Papa et moi on voit bien que ça ne ressemble pas à une purée vraiment. Plutôt presque de la soupe. C'est pas grave. Au bout de vingt minutes, j'arrête le gaz et je verse la purée dans la passoire, hé hé quelle maline je suis moi !

Nooooooooon ! Toute la purée est passée au travers ! Ah mais ça alors ! Mais enfin c'est pas possible, la passoire doit filtrer l'eau et laisser les trucs dedans ! Papa qui comme d'habitude m'a regardée faire assis sur le tabouret me rassure : « Bah, moi je préfère le riz, surtout le tien qui est le meilleur ! »

Alors je fais du riz (très très bon) et le soir on explique à Maman que pas de purée.

« Incroyable », elle dit. « Et tu l'as laissée faire ? Ajouter des litres d'eau et verser le tout dans une passoire ?
– Ah moi j'y connais rien à la cuisine », répond Papa. Il est presque énervé. Ah, agacé je crois qu'on dit.
« Mais enfin, tu voyais bien ce qui allait se passer quand même ?
– Ben euh... Non, ça me semblait pas mal ce qu'elle faisait.
– Et puis ce n'était pas des litres d'eau : seulement trois verres ! Un tout petit peu, j'en mets au moins vingt pour le riz » (Non parce que je ne peux pas la laisser dire n'importe quoi quand même). « Et puis Papa il préfère le riz, hein Papa ?
– Absolument ! Un riz exquis, inégalable !
– Voilà ! »

Maman abandonne. Elle en reparlera souvent dans les jours, mois et années qui suivent. Et selon l'humeur nous y verrons là le comble du machisme jusqu'à perdre la logique élémentaire dès qu'il s'agit de cuisine ou un soutien indéfectible aux initiatives de sa fille.

Ma foi, aujourd'hui encore, le jugement final n'a pas été rendu ! ;)

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