Ils sont deux gars, entre 17 et 20 ans à vue de nez, devant moi dans l’escalator à la sortie du métro. Ils ont l’allure typique des jeunes banlieusards, blouson «bibendum», capuche remontée sur la tête, par dessus la casquette pour l’un d’eux, lunettes de soleil (si si) pour l’autre. L’accent est en harmonie. Bref, des stéréotypes sur pattes. Je suis juste derrière eux et par chance ils empruntent la même avenue que moi une fois arrivés en haut de l’escalier, si bien que je peux leur emboîter le pas pour entendre la suite de la discussion dont les premiers mots ont accroché mon attention curieuse…

– Mais alors, dit Lunettes au moment où je mets le pied sur l’escalator, tu vas faire quoi ?
– Je sais pas, répond CasquetteSousCapuche, je vais prendre mon temps, tu vois. Je vais prendre mon temps. Tu comprends, je la connais depuis la maternelle. On est ensemble depuis… putain, je saurais même pas dire depuis quand, tellement c’est ieuv. Genre depuis toujours.
– Ah ouais, la vache.

Le ton marque tout de poids de quelques siècles au moins.

– C’est comme ma sœur, tu vois, et justement c’est ça qui fout la merde, reprend CasquetteSousCapuche.
– Wesh, compatit LunettesDeSoleil, t’attends autre chose de la vie.
– Wé voilà. Mais je dis pas ça pour ça, c’est parce que tu vois, c’est comme ma sœur alors je veux prendre mon temps, parce que j’veux pas qu’elle se sente mal. Imagine, ta sœur quoi, tu veux pas lui mettre la misère.
– Ah oui. Oui c’est sûr, ça, c’est sûr tu peux pas.
– Bon alors je vais prendre mon temps, je vais y aller doucement, je sais pas comment mais faut que ça soit en douceur, presque qu’elle soit contente, ça serait le best.
– Eh ben. Eh ben. Ben bon courage hein. Va falloir que t’assures.
– Oué, chépa, J’sais vraiment pas comment mais faut, putain.

Ils se plongent chacun dans leurs réflexions quelques instants. C’est LunettesDeSoleil qui reprend la parole, sur un ton définitif.

– Hey man, en fait, tu sais quoi man, j’ai envie de te dire : t’es noble. Voilà. T’es noble.
– Et toi t’es le mec à qui je savais que je pouvais balancer tout ça. C’est pas tous.

Leur conversation s’est arrêtée là, du moins elle n’a pas repris avant que j’arrive au pied de mon immeuble, mais c’était assurément mon petit bonheur du jour que d’entendre leur échange où j’ai trouvé que passait beaucoup de tendresse et d’attention à l’égard de cette jeune fille mais aussi entre eux.