– Je suis désolée, je n’arrive pas à écrire ce texte, je suis paralysée.
– Je te donne un peu plus de temps si tu veux, ou bien tu peux écrire là-dessus, sur cette difficulté.
– Oui, je vais peut-être faire ça.

Je ne l’ai pas fait, j’ai envoyé un texte bâclé dont j’espère bien qu’il sera surnuméraire et ne sera pas publié. Je n’ai pas pu non plus formuler ce blocage, cette peur de trahir et l’ami et le sujet, cette sidération devant le dessin, le projet tout entier, cet écrasement d’une responsabilité qu’on ne me demande pourtant pas d’endosser.

Mais comme on se jette sur le grand ménage de printemps plutôt que remplir un quelconque formulaire administratif et à la faveur de l’entremêlement des idées au moment de (ne pas réussir à) s’endormir, j’ai eu envie d’écrire ici pourquoi j’y écris si peu.

Lorsque j’ai débuté ce blog, peu de blogueurs se connaissaient entre eux. Nous découvrions des univers personnels qui se faisaient écho ou faisant entendre d’autres voix, d’autres voies, des vies qui nous ressemblaient ou dont nous ignorions tout auparavant. Nous nous apprivoisions, c’était enivrant.

Ça a rudement bien fonctionné. On se connaît trop, vous et moi. J’ai rencontré la plupart de ceux qui me lisent encore, beaucoup sont devenus des amis. Les amis non blogueurs, mon entourage et même les collègues avec lesquels je m’entends le mieux sont peu à peu devenus presque tous des lecteurs de ce blog. « Pire » encore, vous vous connaissez les uns les autres. Cela signifie pour moi que je ne peux rien y écrire de vraiment personnel, soit parce que j’ai déjà eu l’occasion de vous en parler de vive voix, soit parce qu’il pourrait être gênant que vous puissiez vous y reconnaître ou y reconnaître tel ou tel d’entre vous, soit parce que je me sentirais déloyale d’utiliser ce blog pour vous faire passer des messages au lieu de vous les exprimer directement. Il me semblerait également déloyal ou en tout cas étrange de faire part d’états d’âme que je n’aurais pas exprimés à mes proches et qui les découvriraient à la lecture d’un billet.

[Et là je vais vous faire le CQFD de la mort qui tue avec cette parenthèse explicative-justificative-excusative : je ne voudrais pas que le paragraphe précédent soit mal interprété, c’est moi, pour ce qui me concerne que ça dérange.]

Bon. Ça c’était pour l’intime. Après il y avait le partage. Par exemple, faire découvrir l’opéra ou le p’tit coin de paradis qui me sert de refuge. L’opéra, je n’y vais plus qu’une fois ou deux par an à cause des nouveaux tarifs du rang magique et du nouveau système alakon de vente de places. J’en écoute beaucoup moins aussi parce que c’est une activité que je faisais en solitaire, casque à fond dans les oreilles et que là ça me semblerait malpoli pour le gars qui m’a à la bonne. Et puis aussi parce que je suis en pleine crise de série-manie aiguë. Quant au petit coin de paradis, même si vous n’y êtes pas encore venus vous n’aurez pas pu passer à côté des trente-douze mille photos heure par heure publiées par Franck sur son compte Instagram, son blog et Twitter [CQFD, épisode 2 : mais noooon t’inquiète chuis pas fâchée ;-)]

Partage Dotclear : je vais être honnête, je n’y ai plus mis le nez depuis un bon bout de temps, notamment parce que côté geekeries et css diverses je suis bien servie dans mes journées de travail (loooooongues et travailleuuuuses les journées, je n’oublie pas que mon chef me lit, hein Benoît ?) Cela dit, ça continue de me démanger par intermittences et je n’ai pas dit mon dernier mot, je n’ai pas mis ma dernière patte.

Il y a eu les petits bonheurs, c’est même moi qui avais lancé l’idée. Mais comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la situation générale est tellement accablante qu’il ne restait à raconter que des petits bonheurs personnels que je ne trouve pas très intéressants pour les autres ou qui enfreindrait les règles sus-énoncées [CQFD, épisode 3 : dérogeons, vous ai-je dit que ma fille a prêté serment et que mon fils file le parfait amour ? Rha merde, pourvu qu’ils ne m’en veuillent pas d’en parler.] Je me les note donc dans un petit fichier texte pour les relire de temps en temps.

Il reste des sujets que je n’ai jamais abordés ici ou de façon très marginale : par exemple le tricot ou l’accessibilité web (ou plus largement mon domaine professionnel). Peut-être, je ne sais pas. Je n’ai pas encore fait le deuil de la forme antérieure de ce carnet, c’est peut-être par là que je devrais commencer mais je l’ai tant aimé.

Alors voilà. Je n’ai pas perdu les clés d’ici, je ne les jetterai pas non plus mais je ne sais pas trop quels liens j’ai envie de retisser avec mon premier amour.